Pénuries de cerises: Pourrons-nous quand même en manger cet été?
AGRICULTURE L’interdiction d’un insecticide jugé dangereux menace l’approvisionnement des étals français...
C’est un petit rituel de la fin du printemps. Pour édulcorer les goûters de kermesses scolaires, les premiers déjeuners sur l’herbe ou les après-midis canapé devant Roland-Garros, une petite poignée de cerises n’est jamais de trop. Pourtant cette année, la pénurie guette. Voici pourquoi le secteur traverse une grave crise…
Une décision ministérielle au cœur des débats
Jusqu’à présent, les cerises entreposées sur les étals étaient bien souvent traitées au diméthoate. Cet insecticide utilisé sur les cerisiers a été interdit en février par la France, qui a du même coup bloqué l’importation de fruits traités par ce produit, comme l’indique un arrêté publié cette semaine au Journal officiel. La production du début d’année est donc impropre à la consommation. Et les cerises restantes risquent de voir leur prix s’envoler. « Par dérogation (…) peuvent être importées ou mises sur le marché les cerises qui proviennent d’une production biologique », indique l’arrêté du Journal officiel.
Les arboriculteurs inquiets
Présents en masse dans le sud de la France, les arboriculteurs ont déjà manifesté leur inquiétude. Pour eux, le diméthoate est le seul bouclier efficace contre la Drosophila Suzukii, un moucheron particulièrement agressif qui fait des ravages dans les vergers. Ils avaient initialement demandé un délai de 120 jours pour utiliser l’insecticide juste avant la récolte des fruits. Refusé. Pour Bruno Dupont, président de l’interprofession des fruits et légumes, les agriculteurs subissent là le « manque d’anticipation » du gouvernement. « Malheureusement, le parc de cerisiers français se réduit comme peau de chagrin car c’est un fruit très sensible au climat, difficile à produire. » Techniquement, il est aussi impossible d’installer des filets au-dessus des vergers, pas adaptés à ce type d’équipements.
Pas de solution à l’étranger
Dans le cas présent, les consommateurs ne trouveront pas davantage de cerises en provenance de pays voisins, utilisant cette molécule. Le ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll, a déclenché cette semaine une procédure rare, la clause de sauvegarde, pour suspendre les importations de cerises traitées au diméthoate. Il s’agit non seulement de protéger le consommateur des dangers de l’insecticide, mais aussi de protéger les producteurs français d’une distorsion de concurrence, face à des producteurs étrangers qui utiliseraient encore le produit. A ce jour, seuls l’Espagne et l’Italie appliquent la même rigueur que la France au niveau européen. Avec ce blocus des importations, la France s’expose désormais à une une amende lourde pour entrave à la libre circulation des marchandises.
Un problème ancien
La dangerosité du diméthoate n’est pas connue d’hier. Stéphane Le Foll avait déjà ordonné le retrait, le 1er février, du dernier produit concerné, sur avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses). L’autorité sanitaire avait dénoncé « l’absence de données » concernant les effets du diméthoate sur la santé des consommateurs. L'autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) avait tiré à peu près les mêmes conclusions sur le produit. De son côté, la société danoise Cheminova, productrice de l’insecticide, n’aurait jamais transmis les données demandées sur leur produit.