Troubles bipolaires: Sommes-nous plus touchés aujourd'hui qu’il y a 30 ans?

PSYCHIATRIE Environ 1% de la population française serait concernée par cette maladie, dont le nom actuel est apparu au début des années 80...

R.S.
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Illustration d'une jeune femme souffrant de dépression nerveuse.
Illustration d'une jeune femme souffrant de dépression nerveuse. — DURAND FLORENCE/SIPA

Ils seraient 600.000 en France. Peut-être beaucoup plus. Impossible de savoir précisément combien de personnes sont touchées aujourd’hui parles troubles bipolaires puisqu’aucune étude épidémiologique rigoureuse n’a jamais été menée sur le sujet, regrette Marion Leboyer, professeur de psychiatrie à l’Université Paris-Créteil et directrice de la fondation Fondamental qui suit 6.000 patients bipolaires. A l’occasion de la journée mondiale de la maladie, mercredi, les chiffres avancés par les autorités seraient de simples transpositions de ceux collectés par nos voisins européens.

Ces troubles toucheraient ainsi de 0,4 % à 1,6 % de la population adulte française ce qui en fait l’une des maladies les plus courantes dans les salles d’attentes de psychiatres. Mais de façon très empirique, la plupart des spécialistes n’observent pas d’augmentation du nombre de consultations. « Il n’y a pas plus de patients qu’avant, témoigne le docteur Raphaël Gourevitch, psychiatre à l’Hôpital Sainte-Anne à Paris. C’est la définition de la maladie qui a évolué au fil des ans. » Jusqu’en 1980, les médecins parlaient uniquement de « psychose maniaco-dépressive », avant que le terme de trouble bipolaire ne soit défini.

« Il n’y a pas de catégorie fermée des troubles bipolaires »

Désormais, celui-ci inclut dans son spectre des manifestations de la maladie qui n’auraient pas été prises en compte il y a 30 ans. Les troubles bipolaires désignent bien une alternance de dépression franche et de périodes de « manies » au sens psychiatriques du terme, à savoir un état d’agitation caractérisé par une exaltation de l’humeur et une agitation psychique. Ces épisodes sont clairement identifiés. « Mais on a inclus depuis des manifestations plus légères » où les gens ne font parfois « que » des dépressions, par exemple.

Illustration des troubles bipolaires
Illustration des troubles bipolaires - http://www.troubles-bipolaires.com

 

Pour son confrère en psychiatrie, Gilles Martinez, un changement de paradigme s’est opéré dans ce domaine : « On est passé d’une catégorie de diagnostic très fermée à quelque chose de plus large. On parle désormais davantage de spectre de la bipolarité qui englobe aujourd’hui des formes plus intermédiaires. » D’où la classification des troubles selon trois types scientifiquement définis. En clair, certaines formes ne réunissent pas tous les critères pour parler d’un trouble bipolaire caractérisé.

« Un petit effet de mode »

D’une certaine manière, le changement de nom et la médiatisation de la maladie ont aussi contribué à sa « banalisation ». En poussant les portes de l’hôpital Sainte-Anne, certains patients se déclarent eux-mêmes bipolaires, sans que le diagnostic n’ait été officiellement posé. « Il y a eu un petit effet de mode, admet Raphaël Gourevitch. Beaucoup sont séduits par le terme. Ils pensent se reconnaître dedans, au seul motif qu’ils ont des sautes d’humeur, sont caractériels. Mais non. Etre gai ou triste ça ne suffit pas. »

Paradoxalement, les vrais cas de troubles bipolaires seraient « sous-diagnostiqués », embraye Gilles Martinez. Un retard de 8 à 10 ans est actuellement observé entre le déclenchement de la maladie et son diagnostic, pour des raisons multiples : Le manque d’information de certains médecins sur le sujet, une politique de prévention encore balbutiante ou tout simplement le refus de consulter de peur d’être stigmatisé en tant que personne souffrant d’une maladie mentale.