Cécité: Aveugles, ils espèrent recouvrer la vue avec un implant rétinien

CHIRURGIE Une opération a permis à une patiente Britannique de revoir, après 30 années de cécité. Suscitant l’espoir chez de nombreux malades français…

Romain Scotto
Illustration d'une femme aveugle avec sa canne.
Illustration d'une femme aveugle avec sa canne. — JEAN-PIERRE MULLER / AFP

C’est une micropuce électronique de 3mm sur 3mm. Soit à peu près la taille d’un gros grain de sable. Implantée dans la rétine endommagée de Rhian Lewis, une patiente aveugle, cet outil technologique lui a permis de recouvrer la vue, six mois après son opération à Oxford. Dans un reportage de la BBC, on la voit désormais attraper des objets, distinguer des formes, ce qu’elle n’avait pas fait depuis 33 ans à cause d’une maladie de la rétine la privant de la vue.

L’implant Alpha IMS conçu par une société allemande est posé dans l’œil de la patiente. Il est connecté à un minuscule ordinateur glissé sous sa peau, derrière son oreille. Le système prend en fait le relais des cellules de la rétine endommagée qui devraient réagir à la lumière. Il envoie ainsi des flashes lumineux qui, parvenus au cerveau de Rhian Lewis, forment les images de ce qui se trouve face à elle.


Saluée dans le milieu médical, cette opération permet aussi d’entretenir l’espoir chez de nombreux patients aveugles. Ils sont « une centaine en France à souffrir de la même pathologie et à être potentiellement en demande d’un tel implant », explique le docteur Pierre-André Duval, chirurgien ophtalmologue à la clinique Sain-Jean de Montpellier. Seulement, les opérations de masse ne sont pas pour demain.

« En fait, il faut déjà remplir certaines conditions pour être opérable, indique le médecin. Il faut une cécité totale. Le potentiel de patients est donc faible parce que souvent, leur vue décline progressivement jusqu’à la cécité. » Mais le principal frein est ailleurs. Actuellement, les autorités sanitaires françaises ne reconnaissent pas cet implant allemand, même s’il semble être le plus efficace sur le marché.

1500 pixels contre 60 pixels

Il existe bien un implant en France, Argus II, conçu par une société américaine. Celui-ci n’a pas le même principe de fonctionnement puisqu’il repose sur un appareillage assez lourd. Une caméra est fixée sur de grosses lunettes. Un câble placé dans l’œil permet de stimuler l’implant à la surface de la rétine pour une résolution d’image avoisinant les 60 pixels. Rien à voir avec l’œil bionique évoqué précédemment dont les images tournent autour de 1500 pixels. Par ailleurs, « quand on ferme les yeux avec l’implant allemand, l’image s’arrête. Pas avec l’autre. C’est beaucoup moins fatigant », observe le chirurgien*. Un troisième implant, français cette fois, existe enfin. Mais il fonctionne exactement comme l’américain.

Pour l’association de patients SOS rétinite France il n’y a pas photo. « L’implant allemand, c’est le meilleur, clame Monique Roux, la présidente atteinte d’une rétinite pigmentaire. Nous voulons qu’il bénéficie d’un agrément. Le problème, c’est que la France ne rembourse pas ces implants. » A 100.000 euros l’unité (un seul suffit pour les deux yeux), les patients n’ont donc pas forcément les moyens de se le procurer. Les deux autres implants bénéficient de leur côté d’une bourse du ministère dans le cadre du « forfait innovation », permettant la prise en charge à 100 % de 25 à 30 implants par an. L’immense majorité des patients se contentant d’une canne ou d’un chien.

Un chirurgien prêt à opérer

Pour convaincre les autorités, l’association entend donc financer 4 ou 5 implants. Les chirurgiens pourraient ainsi démontrer l’efficacité de l’Alpha IMS et obtenir son remboursement. Présent en juillet lors de l’opération à Oxford en tant qu’observateur, Pierre-André Duval a également réalisé en octobre une première implantation sur animal, en Allemagne. Si le financement est réuni, certains de ses patients pourraient donc bénéficier avant la fin de l’année de ce nouvel implant.

* Au sein de sa clinique privée de Montpellier, Pierre-André Duval travaille avec la société allemande dans le cadre d’un contrat de recherche. Mais il assure « ne pas percevoir d’argent » de cette société.