VIH: L'autotest, une vraie révolution pour le dépistage du sida?

SANTE L'autotest de dépistage du VIH sera disponible en pharmacie à partir du mois de juin...

Anissa Boumediene
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Illustration d'un autotest.
Illustration d'un autotest. — Kevork Djansezian Getty Images

Tester soi-même sa séropositivité, chez soi, sans avoir à franchir les portes d'un centre de dépistage: la ministre de la Santé l'avait promis. Ce sera possible dès le mois de juin, avec la commercialisation en pharmacie du tout premier autotest sanguin de dépistage du sida. En prélevant une goutte de sang au bout du doigt, le test permet d'identifier en 15 minutes la présence ou non d'anticorps spécifiques produits en cas d'infection par le virus du sida. S'il est salué en masse, le dispositif soulève aussi plusieurs questions et inquiétudes.

Quel est l'intérêt de cet autotest ?

Aujourd'hui, 130.000 personnes sont séropositives en France et environ 30.000 l'ignorent. «Il y a un besoin urgent de les dépister, pour elles-mêmes, parce qu'on vit mieux avec la maladie si on est rapidement mis sous traitement, mais aussi pour les autres pour enrayer la propagation de la maladie. Ce dispositif présente un intérêt de santé publique», explique Franck Barbier, responsable des nouvelles stratégies de santé au sein de l'association Aides.

Depuis 2010, chacun peut subir un test rapide d'orientation diagnostique (TROD) dans une strucure associative ou de prévention, avec un résultat en trente minutes. Rapide et fiable à près de 100%, cet autotest «répond à des besoins qui, jusqu'alors, n'étaient pas couverts, estime Franck Barbier. Certains recherchent un maximum de discrétion pour se faire tester».

A qui s'adresse-t-il?

«Ce dispositif est intéressant parce qu'il y a des gens, issus ou non de populations à risques, qui ne se font pas dépister. Cet autotest est un moyen d'aller les chercher», expose Roland Tubiana, médecin infectiologue à la Pitié Salpêtrière. «Mais 14% des homosexuels n'ont jamais fait de test de dépistage, donc ce test doit aussi cibler les populations où la prévalence du VIH est plus importante, considère Franck Barbier. Et tout le monde n'a pas de centre de dépistage près de chez soi. Ce dispositif permettra de toucher le plus grand nombre».

Seul bémol: son prix, entre 25 et 28 euros, qui n'est pas à portée de toutes les bourses. «C'est un outil complémentaire, rappelle Franck Barbier. Et Aides travaille à ce que ce kit puisse être distribué gratuitement dans les structures associatives d'ici quelques mois».

Est-ce risqué de découvrir seul son éventuelle séropositivité?

«Il y a le risque de se retrouver seul devant un test positif, s'inquiète le Dr Tubiana. Il faut admettre que c'est la première étape vers un parcours de soins et s'assurer que les gens sont bien informés de la marche à suivre. Quand on fait un test de grossesse, on sait tout de suite ce qu'on doit faire. Pour cet autotest sanguin, ce doit être pareil». Chaque outil de dépistage a «ses avantages et ses inconvénients. Ce dispositif ne remplace pas les outils déjà existants, il vient renforcer l'offre de dépistage. En la diversifiant, chacun peut trouver l'outil qui lui correspond», estime Franck Barbier, précisant que «l'autotest renvoie vers Sida Info Service».

Roland Tubiana, lui, insiste aussi sur la notion de fenêtre de tir. «Pour les tests de dernière génération, il y a une fenêtre de 12 jours entre la contamination par le VIH et son apparition dans les tests sanguins. Pour les TROD et l'autotest, cette fenêtre de tir peut prendre trois mois. Ce n'est donc pas au lendemain d'un rapport à risques qu'il faut se faire dépister. Dans ce cas, il faut consulter au plus vite, préconise le médecin, et si besoin, prendre un traitement post-exposition».