Des salles de shoot expérimentées discrètement en France donnent des résultats prometteurs

INFO 20 MINUTES L’espace d’un an, le projet Aerli a permis à 113 toxicomanes de réduire les risques liés à l’injection de drogues…

Vincent Vanthighem
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La ministre de la Santé Marisol Touraine a défendu mercredi l'expérimentation d'une salle de shoot à Paris, estimant qu'il fallait apporter "des réponses sans tabou" au problème de la toxicomanie.
La ministre de la Santé Marisol Touraine a défendu mercredi l'expérimentation d'une salle de shoot à Paris, estimant qu'il fallait apporter "des réponses sans tabou" au problème de la toxicomanie. — Joseph Eid afp.com

Ils se vantent d’être parvenus à réduire les risques liés à l’injection pour les toxicomanes. Alors que l’annonce, en février 2013, de l’ouverture prochaine d’une salle de consommation de drogues à Paris avait suscité une vaste polémique, l’association Aides et l’Agence nationale de recherche sur le sida (ANRS) n’ont pas hésité à expérimenter discrètement depuis un an un dispositif similaire dans huit villes de France.

>> Polémique: Une salle de shoot va être expérimentée à Paris

Testé auprès de 113 toxicomanes lors de 288 sessions, le programme d’Accompagnement et d’éducation aux risques liés à l’injection (Aerli) a produit des résultats prometteurs qui seront dévoilés, ce jeudi, à l’occasion de la Conférence internationale sur le sida organisée à Melbourne (Australie). «L’analyse des données recueillies a mis en évidence une diminution de 43 % des pratiques à risque de transmission du virus de l’hépatite C et de 41 % des complications de santé», indique l’étude que 20 Minutes s’est procurée en avant-première.

Alors que 44 % des usagers de drogues déclaraient avoir vécu au moins une pratique à risque avant leur entrée dans le programme, ils n’étaient ainsi plus que 25 % six mois plus tard. Même baisse significative en ce qui concerne les complications de santé. De 66 % avant le lancement d’Aerli, le pourcentage de toxicomanes ayant des ennuis de santé liés à leurs injections est passé à 39 % un an plus tard.

Injection sur rendez-vous

Dans les huit villes tests, les 113 toxicomanes volontaires ont pu se rendre dans les Centres d’accueil pour s’injecter leur drogue sous le regard de bénévoles spécialement formés à cette tâche. «Ce n’était pas exactement une salle de shoot, car qu’il fallait prendre un rendez-vous préalable, confie Gilles Penavayre, chargé de cette mission par Aides à Pau (Pyrénées-Atlantiques). Il n’empêche que le but est tout de même de réduire les risques liés à l’injection de produits.»

>> Eclairage: C’est quoi une salle de shoot?

Quelques tentures aux murs, un canapé confortable et une table basse. En tout, une quinzaine de toxicomanes ont bénéficié de la salle de shoot aménagée dans un immeuble bourgeois du centre-ville de Pau. «Quand les voisins l’ont appris, c’était un peu l’affolement, admet Gilles Penavayre. Mais nous avons fait une réunion où l’on a bien expliqué les choses et cela s’est calmé.»

«C’est mieux que dans un parking»

Car les salles de shoot version Aerli ne sont vraiment pas des supermarchés de la drogue, comme le craignent leurs détracteurs. «On ne fournit pas de drogue, on ne touche jamais au matériel, tranche Gilles Penavayre. En revanche on explique aux usagers ce qui est dangereux. Grâce à ça, nous n’avons eu aucune overdose en un an…»

Hépatite C, VIH, abcès veineux: le but est vraiment de limiter les risques liés aux séances de shoot. «C’est tout de même mieux de faire ça dans un endroit calme que dans la rue ou dans un parking souterrain, admet Mo, 28 ans, qui a bénéficié du dispositif. J’ai beaucoup appris en matière d’hygiène. Par exemple, avant, je n’hésitais pas à ramasser ma seringue tombée par terre pour me faire mon injection. Aujourd’hui, je ne le ferais plus…»

>> Interview: «Ca m'a permis de réduire ma consommation»

Un avis partagé par bon nombre de toxicomanes, qui fait dire au Professeur Jean-François Delfraissy, directeur de l’ANRS, qu’il est «désormais envisageable d’implanter à plus grande échelle ce type d’intervention communautaire.» Ne reste plus aux pouvoirs publics que de trouver le courage de le faire.