Cigarette électronique: «Rien ne justifie l'interdiction du vapotage dans les lieux publics»
INTERVIEW Gérard Mathern, pneumologue, ne défend pas l'une des mesures phares de la loi anti-tabac, présentée le 17 juin prochain...
Avis aux adeptes de la cigarette électronique. Comme à New York ou Chicago, il sera bientôt interdit en France de vapoter dans les lieux publics. La mesure figure dans la prochaine loi relative à la politique de santé présentée le 17 juin par la ministre Marisol Touraine. Pourtant certains médecins ne la défendent pas. Gérard Mathern, pneumologue et tabacologue en dénonce même les effets pervers.
Pourquoi ne voulez-vous pas interdire la cigarette électronique dans les lieux publics?
Rien ne justifie cette mesure. Aucun argument scientifique. Je m’explique. Lorsqu’on analyse les gaz du vapotage passif, on n’a pas de monoxyde de carbone, qui est le produit toxique de la fumée du tabac. Et la quantité de composé organique volatile qui se dégage est extrêmement faible. Dans des quantités qui sont entre 10 et 500 fois plus faibles que la cigarette ordinaire. Toutes les études faites à ce sujet montrent l’innocuité de la vapeur.
Il y a tout de même de la nicotine…
Certes. Mais la nicotine n’est pas un produit dangereux. Elle est en vente libre en pharmacie. Ce n’est pas cette nicotine [dans cette proportion] qui va rendre dépendant.
«Je ne voudrais pas qu’à travers la cigarette électronique, on redonne l’envie du geste et du goût du tabac», dit la ministre. Qu’en pensez-vous?
Mettez de gros guillemets, mais c’est de l’ordre du «fantasme». Le fait de faire sortir de la vapeur réveillerait l’idée du tabagisme? C’est ce que l’on dit. On ne l’a jamais prouvé. Aucune étude ne le montre. Certains pays qui travaillent beaucoup sur ce sujet-là, et on n’a jamais montré qu’on avait une augmentation du nombre de fumeurs. Au contraire. Il y a une diminution. Je ne dis pas que la cigarette électronique est la panacée, mais c’est un moyen supplémentaire pour que les gens s’éloignent du tabac.
Et le principe de précaution?
Le principe de précaution s’appuie sur des éléments tangibles. On sait que dans telle substance, il y a tel produit. On n’est pas certain qu’il soit toxique donc on l’interdit. Ici ce n’est pas le cas, on sait ce qu’il y a dedans.
Dans ce cas, pourquoi l’interdire aux moins de 18 ans?
Je vous réponds la même chose. Il n’y a pas d’argument. Trop d’interdictions tuent l’interdiction. Si vous dites à un adolescent: «Ça, c’est dangereux», il se jette dessus. La conduite à risque et la transgression le font monter au plafond. Le professeur Dautzenberg a réalisé une étude montrant que les seuls qui utilisent la cigarette électronique de manière journalière sont ceux qui fumaient déjà du tabac.
En tant que médecin, fumez-vous ou vapotez-vous?
Non, j’ai fumé longtemps, mais j’ai arrêté il y a trente ans et j’en suis bien content. Ce que je vois chez les patients, c’est que des gros fumeurs s’arrêtent de fumer avec ça alors qu’ils avaient tout essayé avant. C’est un moyen mis à notre disposition pour éloigner les gens du tabac. Si on assimile ces gens à des fumeurs, on les ramène vers le tabac. C’est un argument fort. Si on demande aux gens de descendre en bas de l’immeuble avec les fumeurs, un jour, ils vont piquer une cigarette à ceux qui en fument. C’est contre-productif.
Dans les lieux publics, on a quand même le droit de ne pas recevoir la vapeur de son voisin dans la figure?
Ce qu’on demande aux vapoteurs, c’est d’avoir de la civilité. Quand je suis au restaurant que je mange de la viande et qu’à côté de moi quelqu’un vapote de la banane ou de la fraise, ce n’est pas terrible. Je n’apprécie pas. On demande aux gens de s’éloigner un peu. En 11 secondes, la vapeur est évacuée. Alors que pour le tabac, c’est 20 minutes.
Qu’est ce qui nous dit que vous n’êtes pas à la botte des fabricants de cigarettes électroniques?
C’est bien simple, je n’ai aucun conflit d’intérêts avec eux, les fabricants, les vendeurs. Je fais en sorte de ne jamais en avoir.