Rennes : « Je n’y croyais plus »… SDF depuis deux ans, Eugène a retrouvé un logement

NOUVEAU DEPART Presque trente ans après avoir fui le Rwanda, Eugène s’est retrouvé à la rue lors du premier confinement. Après deux ans dehors, il vient d’avoir les clés d’un appartement

Camille Allain
SDF pendant deux ans à Rennes, Eugène vient d'obtenir les clés d'un logement avec l'aide de plusieurs associations.
SDF pendant deux ans à Rennes, Eugène vient d'obtenir les clés d'un logement avec l'aide de plusieurs associations. — C. Allain / 20 Minutes
  • A la rue depuis le premier confinement de mars 2020, Eugène, un Rwandais sans-abri, vient d’obtenir un logement à Rennes.
  • L’homme aura passé deux ans à dormir dans un squat de fortune avec son chien King avant d’obtenir un logement.
  • « C’est comme recommencer la vie », explique celui qui aimerait reprendre ses études et travailler.

Ce n’est plus le même Eugène. Sous sa casquette du FC Barcelone, le regard a changé. Les yeux pétillent, le sourire est omniprésent. Sous la pluie fine qu’il a tellement maudite tellement elle pourrissait sa vie déjà précaire, Eugène fait tinter les clés dans ses mains et rigole. Son rire est discret mais semble ne pas pouvoir s’arrêter. Depuis moins de vingt-quatre heures, il est l’heureux locataire d’un petit logement situé non loin de la rue de Nantes, à Rennes. « Je n’y croyais pas. Je n’y croyais plus. Depuis hier, je rêve, je danse sur un nuage. C’est comme recommencer la vie. Je suis né hier à 14 heures quand on m’a donné ces clés, je suis comme un bébé. Je vais grandir et tout recommencer à zéro », témoigne-t-il.

Sans domicile fixe depuis le confinement de mars 2020, Eugène survivait difficilement dans un abri de fortune installé le long du boulevard Sergent-Maginot, à quelques mètres de la Vilaine. Un campement précaire que lui et son chien King quittaient très peu, de peur de se faire voler le peu qu’ils possédaient.

Avant de partir, Eugène veut tout ranger

Celui qui a fui le génocide du Rwanda en 1995 pour les Pays Bas puis la France avait une situation stable avant l’arrivée du Covid-19 : une carte de résident, un logement étudiant à Strasbourg où il préparait une double licence de mathématiques et informatiques. Au printemps 2020, l’édifice s’était écroulé quand Eugène avait décidé de rentrer à Rennes, où il vivait depuis 2005.

C’est comme recommencer la vie. Je suis né hier à 14 heures, quand on m’a donné ces clés

Sans solution, dans une France quasiment fermée, il n’avait pas eu d’autre choix que de dormir dehors. En avril, il aurait « fêté » sa première année à squatter les bords de Vilaine, avec un RSA pour vivre. Celui qui sera bientôt « ancien SDF » n’aura pas à souffler de bougie. Grâce à la formidable mobilisation de Martin Rousselot, bénévole et fondateur de l’association Tous Inclus, et au travail de l’association Alfadi, Eugène a obtenu un logement proposé par le bailleur social Archipel Habitat. « Si je pouvais y aller tout de suite, je le ferais. Mais je dois tout transporter avant ».

Martin (à gauche) a rencontré Eugène lors d'une maraude d'aide aux sans-abri. Le Rwandais vit dans un camp de fortune à Rennes avec son chien King.
Martin (à gauche) a rencontré Eugène lors d'une maraude d'aide aux sans-abri. Le Rwandais vit dans un camp de fortune à Rennes avec son chien King. - C. Allain / 20 Minutes

Après un an passé dans son squat, l’homme a accumulé un joli bazar mais se refuse à tout laisser en plan. « Un copain doit venir m’aider avec son camion. On pourra emmener tous ces trucs à la déchetterie. Je me suis donné une semaine pour tout faire ». Ce nouveau logement arrive comme un soulagement pour lui. C’est à la suite de la publication de plusieurs articles dans la presse locale, dont celui de 20 Minutes, qu’Eugène a été contacté par l’association Alfadi il y a deux semaines. Avant de se réjouir, le Rwandais a attendu d’avoir les clés. En décembre, la même promesse lui avait été faite mais n’avait pas abouti.

« Je le voyais s’éteindre, perdre espoir »

Ce week-end, Eugène devrait passer ses premières nuits dans son nouvel appartement. Loin du bruit, de la pluie et du vacarme de la circulation qui l’empêchaient de dormir. Un logement qui doit lui permettre de retrouver une vie normale et le chemin d’un travail. Et peut-être même des études à l’université, où son cursus n’est toujours pas bouclé. « C’est un soulagement. Ce qui me faisait le plus peur, c’est de voir Eugène perdre espoir. Je le voyais s’éteindre, il broyait du noir. Avec les tempêtes, il a eu très peur », témoigne Martin Rousselot. A voir le sourire qui était accroché au visage d’Eugène quand nous sommes passés le voir, on se dit que l’espoir est revenu.