Déchéance de nationalité: la nouvelle disposition voulue par Nicolas Sarkozy est-elle applicable?
«Il n’y a même pas un cas de déchéance de nationalité par an.» Paula Garboni, avocate spécialisée en droit des étrangers, se montre sceptique après les annonces de Nicolas Sarkozy sur la déchéance de nationalité ce lundi. Le chef de l’Etat a donné sa faveur au dispositif d’Eric Besson, qui prévoit de retirer la nationalité française aux auteurs de crime sur des personnes dépositaires de l’autorité publique. Une procédure complexe.
«L’article 25 du Code civil stipule qu’on ne peut perdre sa qualité de Français que dans certains cas précis», poursuit Rabah Hached, avocat parisien également spécialisé dans le droit des étrangers. Par exemple en cas de terrorisme. Par ailleurs, «cette déchéance passe par un décret pris en Conseil d’Etat. C’est la suite administrative à une condamnation pénale lourde», poursuit-il. Les cas sont donc extrêmement rares.
Interdiction de créer des apatrides
Autre limite: le fait d’être apatride. Selon les conventions internationales, aucun pays ne peut rendre une personne apatride, celle-ci n’étant alors reconnue par aucun Etat comme son ressortissant. «L’article 15 de la Convention européenne des Droits de l’homme refuse qu’il y ait des gens apatrides», explique Rabah Hached. Or, les textes internationaux prévalent au droit français. Celui-ci rend de toute façon impossible la déchéance de nationalité si elle rend une personne apatride et ce depuis une loi mise en place par Elisabeth Guigou 1998.
En outre, si certains Etats autorisent la double nationalité (être Français et ressortissant d’un autre pays également), ce n’est pas le cas de tous. Un Français d’origine étrangère ne disposant plus de sa nationalité d’origine ne pourra donc pas se voir déchoir de sa nationalité française. «Par exemple, un Ukrainien ne peut pas avoir deux nationalités, explique l’avocat. S’il devient Français, il perd sa nationalité d’origine», poursuit-il.
«Toujours au cas par cas»
«Il y a des compromis entre les pays, tous les cas de figure sont étudiés, détaille néanmoins Rabah Hached. Dans le cadre du droit des étrangers, on regarde toujours au cas par cas», explique-t-il.
La nouvelle proposition de Nicolas Sarkozy? «C’est inapplicable à mon sens, estime Paula Garboni. Les organisations internationales demandent d’éviter les cas d’apatridie. Ce serait très mal venu de la part de la France d’en provoquer», conclut-elle.
«L’application de cette disposition semble problématique, renchérit Rabah Hached, entre les discours et la réalité du terrain, il y a de grandes différences».
Anticonstitutionnel?
Enfin, il n’est pas sûr que le projet de Nicolas Sarkozy soit compatible avec la Constitution française elle-même. Selon le constitutionnaliste Guy Carcassonne, il pourrait s’opposer à «l’article 1 de la Constitution, qui "assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion."»
«Faire une distinction entre les Français d’origine et ceux qui le sont devenus me parait donc incompatible avec la Constitution, d’autant plus que le critère retenu n’est pas la gravité de l’infraction. Par exemple, le sérial killer qui a tué 20 personnes, lui, ne serait pas déchu de la nationalité», affirme-t-il sur le site du Nouvel Obs.
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