Déchéance de nationalité: Une mesure contraire à la Constitution française
DECRYPTAGE C'est ce que rappelle l'ancien Garde des Sceaux Robert Badinter, à l'unisson de plusieurs constitutionnalistes...
Et si la grande mesure sécuritaire annoncée par Nicolas Sarkozy faisait «pschiit»? Vendredi à Grenoble, le chef de l'Etat a proposé que «toute personne d'origine étrangère qui aurait volontairement porté atteinte à la vie d'un policier, d'un gendarme ou de toute autre personne dépositaire de l'autorité publique» soit déchue de sa nationalité. Une mesure qui doit être intégrée au projet de loi relatif relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité», selon le ministère de l'Immigration. Sauf que cette mesure semble vouée à ne pas passer - au moins - le cap du Conseil constitutionnel et rester un effet d'annonce puisqu'elle créée des catégories de Français, ce qui est contraire à la Constitution. 20minutes.fr vous explique pourquoi.
On ne peut pas créer des catégories de Français
«L'article premier de la Constitution dit que (...) la France assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine», qu'ils soient français de souche ou d'origine étrangère, a martelé ce lundi sur France inter Robert Badinter, l'ancien Garde des Sceaux socialiste. En voulant sanctionner d'une certaine manière une catégorie de Français - ceux d'origine étrangère - le chef de l'Etat «veut faire des discriminations contre les Français au regard de mêmes crimes, de même infractions, selon l'origine de la personne, selon les modalités d'acquisition de la nationalité française», a insisté le socialiste. «C'est contraire à l'esprit républicain», a-t-il résumé. Même analyse dans Libération pour le constitutionnaliste Guy Carcassonne, qui ne «vois pas comment on peut distinguer deux classes de citoyens selon qu'ils sont nés Français ou le sont devenus». Pour que la loi passe, il faudrait donc retoucher le 1er article de la Constitution française *, un symbole qui paraît intouchable.
Des annonces très floues
Vendredi, Nicolas Sarkozy a simplement évoqué «toute personne d'origine étrangère». Mais qui visait-ils? Celles qui ont été naturalisées? Celles qui sont nés de deux parents étrangers? D'un seul? C'est le flou. « Ce ne serait même plus deux classes de citoyens mais trois, quatre. A combien faudrait-il s'arrêter», s'insurge Guy Carcassonne dans Libération.
Une pratique déjà très encadrée
La déchéance de la nationalité existe déjà dans le droit français et elle est strictement encadrée par l'article 25 du code civil, expliquait déjà 20minutes.fr à l'occasion de l'affaire Liès Hebbadj. Celui-ci reconnaît cinq situations permettant de déchoir quelqu'un de sa nationalité, relevant notamment de l'espionnage, du terrorisme et aux intérêts fondamentaux de la Nation. Assez loin, donc, des atteintes à la vie des policiers, aussi graves soient ces crimes. Surtout, pour déchoir quelqu'un de sa nationalité, il faut que la personne remplisse trois conditions. D'abord, qu'il ait une autre nationalité, car, comme le rappelle Guy Carcassonne, «le droit international nous interdit de fabriquer des apatrides». Ensuite, il faut que la personne visée ait acquis la nationalité depuis moins de dix ans, «ce qui exclut tous ceux devenus français dans leur petite enfance». Enfin, il faut que le Conseil d'Etat donne son avis conforme. Ce qui est très rare.
Que dit l'article 1 de la Constitution?
«La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée.
La loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu'aux responsabilités.» professionnelles et sociales.