Laurent Wauquiez : Le retrait médiatique, un pari risqué en vue de la présidentielle 2027 

A L’ombre L’ancien patron de la droite, qui fait sa traditionnelle rentrée politique au mont Mézenc ce dimanche, s’est mis à la diète médiatique depuis plusieurs années

Thibaut Le Gal
Laurent Wauquiez lors du 37eme diner annuel du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) au Carrousel du Louvre, à Paris, le 13 février 2023.
Laurent Wauquiez lors du 37eme diner annuel du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) au Carrousel du Louvre, à Paris, le 13 février 2023. — Stephane Lemouton
  • Laurent Wauquiez fait sa rentrée politique ce dimanche avec sa traditionnelle ascension du Mont Mézenc.
  • L’ancien patron des Républicains a choisi de se mettre en retrait médiatique depuis son départ de la présidence du parti, en 2019.
  • Une stratégie de diète médiatique qui inquiète au sein de son propre camp, alors que la course à la présidentielle 2027 s’accélère déjà.

Armé d’une casquette, d’un sac à dos et de bonnes chaussures, il a arpenté durant l’été les longs chemins de Compostelle. Laurent Wauquiez a partagé sur Instagram quelques photos de ses étapes, du « chef-d’œuvre roman » de Conques à « Saint-Côme-d’Olt et son clocher tordu », en passant par la « superbe fresque de Saint-Etienne lapidé » de la cathédrale de Cahors. Loin, très loin du tumulte politique, le patron Les Républicains de la région Auvergne-Rhône-Alpes s’est mis en scène en simple pèlerin. Manière d’illustrer sa mise en retrait médiatique qui doit le mener, du moins l’espère-t-il, jusqu’à l’Elysée.

Ce dimanche, le très discret candidat à la présidentielle 2027 fait sa rentrée politique avec sa traditionnelle ascension du Mont Mézenc. « Une rentrée très Puy-en-Velay », souffle un soutien. Comprendre : en format restreint, durant laquelle il ne devrait toujours pas prendre la parole.

En retrait, pas en retraite

Après la défaite cinglante de son parti aux européennes de 2019, lorsqu’il en était le patron, Laurent Wauquiez a dû lâcher son trône. Las, le roi déchu s’est tapi dans l’ombre de ses terres régionales, s’astreignant à une diète médiatique. « Oui, j’ai des cicatrices. J’ai appris ce qu’est la solitude de l’échec… J’ai appris l’importance de l’écoute et de l’humilité. C’est fondamental quand on veut s’occuper de la destinée d’un pays », disait-il au Point, en mai dernier, dans l’une de ses rares interviews. Réélu sans problème à la tête du conseil régional d’Auvergne-Rhône-Alpes en 2021, Laurent Wauquiez a préféré enjamber l’élection présidentielle l’année suivante, sans jamais renier ses ambitions nationales. « Il avait conscience qu’il n’avait pas toutes les cartes en main. Quelques années plus tôt, il y serait peut-être allé sabre au clair. Cela montre qu’il a acquis de la maturité et de la sagesse politique », dit Eric Pauget, député LR des Alpes-Maritimes et ex-soutien de Valérie Pécresse.

« En retrait, mais pas en retraite », dirait Jean-Luc Mélenchon. Car l’énarque n’a jamais arrêté de faire de la politique. Dans sa région d’abord, qu’il imagine comme un laboratoire et un tremplin politique. Mais sa mise à distance des médias ne l’épargne pas des polémiques locales, en témoignent son coûteux dîner mondain au frais du contribuable, désormais dans le viseur du Parquet national financier, ou les suppressions de subventions culturelles dénoncées par ses adversaires. L’homme de 48 ans garde aussi un lien fort avec les élus Les Républicains pour maintenir son influence au sein du mouvement. Soutien discret d’Eric Ciotti à la présidence LR, ce dernier a passé toute la campagne interne à expliquer qu’il mettrait sur orbite l’ex-chouchou des militants pour 2027, quitte à changer les statuts pour se débarrasser de la primaire. « Le jour où Wauquiez partira à la bataille, il n’y aura plus qu’à appuyer sur un bouton », espère son soutien de longue date Arnaud Julien, secrétaire départemental de l’Hérault et membre du bureau politique.

« L’arrivée de Darmanin trouble le jeu à droite »

Reste que l’attitude de Laurent Wauquiez commence à susciter quelques doutes au sein de la droite. « La politique est un corps qui vit et la nature a horreur du vide. Je ne sais pas si c’est bien d’être totalement absent, d’autant que l’arrivée de Darmanin trouble le jeu dans l’électorat de droite », s’inquiète Eric Pauget. « Je comprends la stratégie du retrait, car les Français n’ont pas la tête à 2027. Mais attention à ne pas sortir complètement des radars et à laisser d’autres prendre la place », ajoute-t-il. Pierre-Henri Dumont, député et ancien soutien de Xavier Bertrand, va plus loin :

« La stratégie de la rareté en politique est une erreur, sauf si l’on s’appelle Macron, Mélenchon ou Le Pen, qu’on est parfaitement identifié par les Français et intouchable dans son camp. La droite a déjà très peu d’espace médiatique, donc il faut au contraire faire feu de tout bois, saturer l’espace médiatique pour obliger à ce que les autres se positionnent sur nos thématiques, comme le faisait Sarkozy à l’époque ».

L’ancien chef de l’Etat n’épargne d’ailleurs pas son ex-ministre de l’Enseignement supérieur, l’accusant de jouer « petit bras » dans un entretien au Parisien fin août. « Si vous voulez devenir président de la République, il faut prendre des risques. Une chose est sûre, si vous calculez petit, vous échouerez ». Un sentiment partagé par bon nombre d’élus de droite, jusqu’à Eric Ciotti, lors de l’épisode douloureux de la réforme des retraites. Laurent Wauquiez n'a apporté qu'un frileux soutien au texte gouvernemental validé par « son ami », invoquant le « principe de responsabilité » du bout des lèvres, fin janvier lors de ses vœux. Cela n’a pas vraiment aidé à tenir les troupes au plus fort de la tempête. « En mars-avril, au moment ou c’était le plus compliqué pour Eric Ciotti, et alors que tous les ténors de droite s’exprimaient sur le sujet, on ne l’a pas entendu », regrette Eric Pauget.

« Ce sera moi ou Marine Le Pen »

L’intéressé a balayé les critiques, défendant une fois encore sa volonté de se tenir loin du « tambour de la machine à laver de l’actualité », essentiel pour éviter la « myopie politicienne, où nul ne produit plus de vision ». Laurent Wauquiez préfère se nourrir de rencontres sur le terrain auprès de magistrats, de pompiers, de policiers ou d’aides-soignants dans un Ehpad, restant parfois de longues heures, et toujours sans caméra. En privé, il répète à l’envi : « En 2027, ce sera moi ou Marine Le Pen », convaincu que le scrutin se jouera sur cette « France des oubliés ». « Il n’y a plus besoin de saturer l’espace médiatique, car aujourd’hui, les électeurs sont devenus des zappeurs. Il ne veut plus s’user dans les matinales avec des petites phrases. Le jour où il sortira du silence, sa parole sera forte », espère Arnaud Julien. Même si dans les sondages, l’homme de droite accuse un très net retard sur son adversaire du Rassemblement national.

« Il est cohérent dans sa démarche », reconnaît Othman Nasrou, vice-président de la région Île-de-France, proche de Bruno Retailleau. « Vu l’état de cacophonie du pays, on aura besoin en 2027 d’un candidat bien préparé, avec de la hauteur de vue, qui ne s’est pas épuisé de polémique en polémique ». La prochaine étape vers l'Elysée est prévue les 30 septembre et 1er octobre au campus de Valence (Drôme). Pour la rentrée des jeunes LR, le mutique Wauquiez pourrait bien prendre la parole.