A quoi ressemblerait un référendum « gagnant » pour Emmanuel Macron ?
COM POL Souvent évoqué par le chef de l’Etat depuis sa première élection en 2017, l’outil constitutionnel n’a pourtant jamais été utilisé
- Emmanuel Macron réunissait les chefs de l’opposition, ce mercredi, à la maison d’éducation de la Légion d’honneur de Saint-Denis, près de Paris, pour trouver une issue au blocage à l’Assemblée nationale.
- Le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, a évoqué lundi l’idée d’un éventuel référendum sur plusieurs sujets. Cet outil constitutionnel, souvent évoqué par le président, n’a jamais été utilisé depuis 2005.
- Souvent jugé risqué, le référendum pourrait servir à relégitimer le pouvoir en place. Mais à quoi ressemblerait un référendum « gagnant » pour l’exécutif ?
C’est devenu l’arlésienne des dirigeants français. Le référendum, cité à tour de bras depuis des années, est de retour ! Emmanuel Macron réunissait les chefs de l’opposition, ce mercredi, à la maison d’éducation de la Légion d’honneur de Saint-Denis, près de Paris. L’objectif : trouver des consensus sur des textes à venir, après un an de difficultés à l’Assemblée nationale, faute de majorité absolue.
« Le référendum est une option mise sur la table par le président », nous confirme l’Elysée. S’il n’a plus été organisé depuis 2005, c’est que l’outil est jugé périlleux par les pouvoirs en place. Mais alors, à quoi ressemblerait un référendum « gagnant » pour l’exécutif ?
Un thème consensuel (mais pas trop)…
« Son initiative d’ampleur, c’est de la com' absolue ! Mais Eric Ciotti (participe) quand même à cette réunion pour défendre nos propositions », raille Anne-Laure Blin, députée LR de Maine-et-Loire. Peu emballé, comme les autres responsables de l’opposition, le patron de la droite a toutefois demandé un référendum sur l’immigration à Emmanuel Macron. Comme Jordan Bardella, du Rassemblement national. La Nupes souhaiterait de son côté une consultation sur la réforme des retraites. Pas vraiment ce qu’a en tête le gouvernement.
« Emmanuel Macron doit trouver un sujet consensuel, qui dépasse les clivages politiques, pour s’assurer de la victoire, mais avec une réelle importance, pour éviter que la dimension personnelle n’entre en ligne de compte et d’avoir un plébiscite contre lui », assure Philippe Moreau-Chevrolet, professeur de communication politique à Sciences-Po et président de MCBG Conseil. « C’est très difficile à trouver », ajoute-t-il, alors que le parti présidentiel Renaissance a évoqué l’idée d’une réforme institutionnelle. « Réduire le nombre de parlementaire pourrait être une idée, mais il se mettrait à dos les premiers concernés », ajoute Arnaud Mercier, professeur en sciences de l’information et de la communication à l’Université Paris Panthéon-Assas. « Si le sujet est trop consensuel, il y a aussi un risque de démobilisation de l’électorat - on l’a vu pour le référendum sur le quinquennat (en 2000, 69,81 % d’abstention) - et donc de n’obtenir qu’une demi-victoire », ajoute-t-il.
…qui divise ses adversaires
Dans l’idéal, Emmanuel Macron pourrait également faire d’une pierre, deux coups : s’assurer une victoire politique sur le référendum autour d’un sujet qui mettrait la zizanie chez ses adversaires. « Le choix parfait serait d’avoir une opposition assez limitée dans l’opinion, mais qui fracture un camp politique. La question de l’abaya à l’école, actuellement dans l’actualité, est un bon exemple, même s’il ne paraît pas assez important pour un tel référendum », illustre Philippe Moreau-Chevrolet. Une très large majorité de Français est ainsi contre le port de l’abaya dans les établissements scolaires (82 %, selon un sondage CSA), mais le sujet n’en finit plus de diviser les membres de la Nupes.
Au contraire, la question d’un contrôle migratoire plus restrictif pourrait certes rallier une majorité de Français selon les sondages, mais elle risquerait de faire des dégâts au sein de la majorité présidentielle, souvent divisée sur le sujet. Philippe Moreau-Chevrolet prévient : « Le référendum est toujours un pari risqué : on sait comment le débat démarre, mais jamais comment il se termine. L’argumentaire peut être mis en défaut, comme on l’a vu dans un autre contexte sur la réforme des retraites ».
Un référendum seulement annoncé
Et si, finalement, le référendum idéal pour Emmanuel Macron était, une fois encore, celui qu’on annonce… sans jamais l’organiser. « Vu le contexte actuel, l’idéal serait de montrer la volonté de faire un référendum, qui serait bloqué par les oppositions. C’est toujours payant de montrer qu’on veut donner la parole aux Français, on a vu que le RIC des "gilets jaunes" était une mesure très populaire », remarque Arnaud Mercier.
Le gouvernement a déjà indiqué qu’il réfléchissait à une forme de « préférendum », composé de questions multiples qui n’auraient pas forcément d’impact juridique ensuite, laissant entendre qu’il n’était pas forcément très chaud à aller jusqu’au référendum. « La seule préoccupation d’Emmanuel Macron est de capter l’attention des Français et des médias, de rester au centre du jeu pour éviter l’érosion et la banalisation », analyse Philippe Moreau-Chevrolet.
Ce mercredi, Olivier Véran a annoncé un nouvel épisode à « l’initiative politique d’ampleur » promise par Emmanuel Macron. Un séminaire gouvernemental se réunira le 6 septembre pour assurer le suivi des échanges du jour avec les responsables de l’opposition. Suffisant pour rester au centre de l’attention ?