Remaniement ministériel : Elisabeth Borne, une Première ministre usée mais encore utile

Matignon A l’issue de la réforme des retraites et des « 100 jours », Emmanuel Macron a finalement décidé de garder sa Première ministre, du bout des lèvres

Rachel Garrat-Valcarcel
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Elisabeth Borne et Emmanuel Macron, au Louvre, le 14 juillet.
Elisabeth Borne et Emmanuel Macron, au Louvre, le 14 juillet. — LUDOVIC MARIN / AFP
  • Elisabeth Borne va rester Première ministre, L’Elysée l’a annoncé lundi soir.
  • Si ce n’est pas une surprise, la cheffe du gouvernement reste très affaiblie.
  • Mais elle a su se rendre utile aux yeux du président, et peut l’être encore un peu.

La nomination, lundi matin, du nouveau directeur de cabinet de la Première ministre, Jean-Denis Combrexelle, était déjà un indice. Emmanuel Macron a confirmé dans la soirée qu’il souhaitait « maintenir » Elisabeth Borne comme cheffe du gouvernement. Considérant que « l’objectif des 100 jours a été tenu » et que le « calme est revenu », le président ne s’est pas laissé séduire par les différentes candidatures des dernières semaines, malgré des sources en « off » dans la presse. L’hypothèse Gérald Darmanin était revenue en force, sans remporter la décision. Au final, c’est vraiment du bout des lèvres qu’Emmanuel Macron a fait le choix de « maintenir » sa Première ministre.

Ce maintien n’est pas une surprise, la cheffe du gouvernement étant largement soutenue par la majorité, pour ce que ça compte. Mais c’est une Première ministre toujours très affaiblie qui rempile. Elisabeth Borne, lestée de sa dizaine de 49.3, a frôlé la chute quand une motion de censure a échoué à neuf voix près en mars. Et elle est soutenue par tout au plus un quart des Français selon les sondages, soit le noyau du macronisme. Son mérite est limité : la Constitution lui offre mille et une astuces pour rester en place, sans majorité à l’Assemblée nationale ou dans l’opinion.

Pas facilement remplaçable à défaut d’être indispensable

La performance politique de la Première ministre est plus notable vu d’où elle partait avec Emmanuel Macron. Le président de la République travaille depuis quatorze mois avec une Première ministre qui n’était pas son premier choix, et avec qui il a eu plusieurs conflits qui sont vite devenus publics. Sur l’usage du 49.3 par exemple, ou sur les origines pétainistes du Rassemblement national, sujet sur lequel le président a carrément repris Elisabeth Borne lors d’un Conseil des ministres. La manière dont l’Elysée a annoncé son maintien témoigne d’ailleurs d’une relation peu chaleureuse. Mais la Première ministre a su se rendre si non indispensable, en tout cas utile. « Elle délivre », selon le mot à la mode en macronie. Un anglicisme pour dire qu’elle « tient les promesses » du président.

En macronie, le Premier ministre a de toute façon peu ou pas de capital politique. L’avantage, c’est qu’il ne peut pas le perdre. On n’est donc jamais vraiment cramé tant qu’on est utile. Et alors que se profile une nouvelle saison budgétaire, où fleuriront à n’en pas douter les 49.3, Elisabeth Borne peut servir. Emmanuel Macron n’aime rien tant que ces profils qui ne lui font pas d’ombre et semblent ne pas avoir plus d’ambitions personnelles que ça. Sans doute aurait-elle préféré davantage d’entrain de la part du président, pour se relégitimer. Mais, comme Jean Castex avant elle, Elisabeth Borne est une préfète à Matignon. Elle trace sa route, peu importe l’adversité, elle cherche à être la plus efficace possible. Et puis si elle venait à être remplacée, eh bien, que voulez-vous, c’est le destin d’une préfète.

Le temps d’un « homme fort » pas venu

Voilà pourquoi elle n’est pas si facile à remplacer. Qui pour accepter sans broncher ce maintien du bout des lèvres ? Qui pour aller se fader cette Assemblée tumultueuse et risquer la chute le jour où Les Républicains auront décidé que c’est à leur avantage ? Par ailleurs, on le sait bien depuis six ans : le banc des remplaçants macronistes est faible, très faible. Elisabeth Borne ne fera cependant pas les cinq ans. Certains même de ses soutiens pensent qu’elle a déjà fait la majorité de son passage à Matignon. On imagine que son temps pourrait arriver après le budget, voire après une censure sur le projet de loi immigration. Alors, pourrait arriver le temps d’un Gérald Darmanin, encore lui. « Un homme fort pour gérer les Jeux olympiques en 2024 », pense une petite main du gouvernement.

Ce serait un nouveau monde pour Emmanuel Macron s’il choisissait un profil très politique comme son actuel ministre de l’Intérieur. Mais dans ce monde où, après les JO, à moins de trois ans de la fin de son mandat, le président verra son propre capital politique fondre comme neige au soleil, il en aura peut-être besoin.