Exécutif : Recadrée par Macron sur le RN, Elisabeth Borne réaffirme s’en tenir à sa « feuille de route »

TENSIONS Dans un entretien à « Ouest-France », la Première ministre estime que l’idée d’un remaniement ministériel voire d’une dissolution « n’est pas le sujet du jour »

20 Minutes avec AFP
La Première ministre Elisabeth Borne, à la sortie du Conseil des ministres à l’Elysée le 30 mai 2023.
La Première ministre Elisabeth Borne, à la sortie du Conseil des ministres à l’Elysée le 30 mai 2023. — Jacques Witt

Les tensions perdurent au sommet de l’Etat. En 24 heures, Emmanuel Macron a soufflé le chaud et le froid sur sa relation avec Elisabeth Borne, relançant les doutes sur sa capacité à rester à Matignon alors qu’elle commençait à jouer une petite musique plus personnelle après la crise des retraites.

« Une distance s’est installée » entre les deux têtes de l’exécutif, résume un cadre de la majorité. Elle porte cette fois sur la stratégie à adopter face à l’extrême droite. Devant le gouvernement réuni mardi en Conseil des ministres, le président a recadré sa Première ministre après ses déclarations sur le Rassemblement national « héritier de Pétain ». Ses propos ont fuité dans la presse, donnant l’image d’un chef de l’Etat faisant publiquement la leçon à la cheffe du gouvernement.

Macron assure Borne de sa « confiance »

Puis mercredi, Emmanuel Macron l’a assurée de « toute (sa) confiance », tout en redonnant ses arguments : impossible de battre l’extrême droite simplement « avec des arguments historiques et moraux ». Un proche du chef de l’Etat évoque cependant « un jeu de billard à plusieurs bandes de ceux qui veulent que Borne parte et ont peur qu’elle reste ». C’est dans cette partie de la majorité que se trouveraient ceux qui ont disséminé dans les médias les remarques d’Emmanuel Macron.

Le président « m’a assuré de sa confiance et a déclaré que s’il avait eu quelque chose à me dire, il l’aurait fait en tête à tête. Certains, manifestement, ont dû mal comprendre », a relativisé la Première ministre dans un entretien à Ouest-France mis en ligne mercredi soir. « J’ai une feuille de route et je m’y tiens », l’idée d’un remaniement ministériel voire d’une dissolution « n’est pas le sujet du jour », a-t-elle ajouté.

Certains au sein de l’exécutif ont toutefois jugé « violents » les propos du chef de l’Etat, compte tenu de l’histoire personnelle de la Première ministre, dont le père ne s’est jamais remis de la déportation et a mis fin à ses jours quand elle avait 11 ans. Ces dissonances au sommet de l’exécutif s’ajoutent en outre à celles sur le 49.3, qu’Elisabeth Borne ne voulait plus utiliser après avoir échappé de peu à la censure, sur les syndicats qu’elle ne veut pas « brusquer », ou sur la loi immigration qu’elle voulait présenter à l’automne mais va devoir concevoir avant le 14 juillet.

Casser l’image d’une « technocrate froide »

Le politologue Bruno Cautrès y voit pour sa part « une expression d’insatisfaction » du chef de l’Etat à l’égard de sa Première ministre qui, elle, « veut montrer qu’elle n’est pas la technocrate froide qui impose au pays une réforme impopulaire » et veut « redonner un peu d’épaisseur à son personnage ».

En attendant, Elisabeth Borne s’emploie à dérouler sa feuille de route, au mitan des 100 jours que le président lui a donnés pour tourner la page des retraites. Avec en fond une petite musique sociale et écologiste de l’aile gauche de la macronie, dont l’ancienne conseillère de Lionel Jospin est issue.