« Pétain », recadrage, critiques… Retour sur la polémique autour du RN
on rembobine La sphère politique est occupée depuis plusieurs jours à commenter une petite phrase d’Elisabeth Borne qui a déclaré que le Rassemblement national était « l’héritier de Pétain »
Tout a commencé par une petite phrase prononcée par Elisabeth Borne ce week-end expliquant que le Rassemblement national était « l’héritier de Pétain. » Il n’en a pas fallu davantage pour que la Première ministre déclenche une vague d’indignation chez les cadres du parti d’extrême droite, Marine Le Pen et Jordan Bardella en tête. Finalement, même le président de la République s’en est mêlé pour recadrer sa cheffe du gouvernement. Retour sur la dernière polémique du monde politique français.
« L’héritier de Pétain »
C’est dans une interview à Radio J diffusée dimanche qu’Elisabeth Borne a émis un avis catégorique sur le parti d’extrême droite français. « Je ne crois pas du tout à la normalisation du Rassemblement national. Je pense qu’il ne faut pas banaliser ses idées, ses idées sont toujours les mêmes. Alors maintenant, le Rassemblement national y met les formes, mais je continue à penser que c’est une idéologie dangereuse », a-t-elle déclaré avant de rappeler que le parti était « l’héritier de Pétain. »
La Première ministre a également visé l’héritière de l’ancien Front national, affirmant qu’elle n’a « jamais entendu Marine Le Pen dénoncer ce qu’ont pu être les positions historiques de son parti et je pense qu’un changement de nom ne change pas les idées, les racines. » La cheffe du gouvernement a également jugé qu’il existait « une proximité évidente » entre le RN et Vladimir Poutine. « Si [Marine Le Pen] veut réécrire l’histoire, on n’est pas obligé de tomber dans ce panneau. Cette proximité existe et ne s’efface pas », a-t-elle assuré.
« Propos infâmes »
Une attaque en bonne et due forme qui a provoqué l’ire de la principale intéressée. « Les propos d’Élisabeth Borne à l’égard du Rassemblement national sont infâmes et indignes. Ils ne sont pas acceptables à l’égard du premier parti d’opposition, de ses 88 députés, de ses milliers d’élus et des millions de Français qu’il représente ! », s’est insurgée Marine Le Pen sur Twitter.
Son message a été publié quelques minutes après celui du président du parti Jordan Bardella, qui s’est également insurgé à l’aide des mêmes arguments. « En tenant des propos aussi graves, mensongers et injurieux, Élisabeth Borne insulte le premier parti d’opposition et salit les millions de Français qui votent pour le RN », a-t-il tempêté.
« Élisabeth Borne est à la fois inculte, indigne et incapable », a aussi critiqué Sébastien Chenu dans Questions politiques (France Inter/France Info/Le Monde). « Inculte parce qu’elle oublie que dans l’histoire du Front national, des gens l’ont fondé comme Georges Bidault, président du Conseil et résistant, comme Michel de Camaret, résistant », a affirmé l’élu du Nord. Le député RN a toutefois oublié de préciser que Pierre Bousquet, ancien Waffen-SS, a lui aussi participé à la fondation du Front national en 1972.
Recadrage du président de la République
L’histoire n’en est pas restée là. Il semblerait que les propos d’Elisabeth Borne ont ému jusque dans les plus hautes sphères de la République. Lors du Conseil des ministres mardi, c’est Emmanuel Macron en personne qui est venu recadrer sa Première ministre. « Vous n’arriverez pas à faire croire à des millions de Français qui ont voté pour l’extrême droite que ce sont des fascistes », a lancé le chef de l’Etat, selon plusieurs participants.
« Le combat contre l’extrême droite ne passe plus par des arguments moraux », a assuré le président. Selon lui, « il faut décrédibiliser » le RN « par le fond et les incohérences » plutôt que par des « mots des années 1990 qui ne fonctionnent plus. » Il a toutefois tenu à rappeler le lendemain, mercredi, que sa Première ministre a toujours « toute sa confiance. »
Jordan Bardella a néanmoins saisi l’occasion pour demander à Elisabeth Borne de s’excuser pour des déclarations qui ont, selon lui, « choqué beaucoup de Français ». Pour sa part, la vice-présidente exécutive de Reconquête !, Marion Maréchal, a dénoncé, « la pauvreté intellectuelle » des déclarations « ringardes » de la Première ministre, donnant « raison » à Emmanuel Macron pour s’en être distancié.
Et critiques en cascade
Ce positionnement du président de la République a aussitôt déclenché une vague d’indignation, à droite comme à gauche. La charge la plus virulente est venue d’Olivier Marleix, le patron des députés Les Républicains, qui a notamment rappelé qu’Emmanuel Macron avait été élu en 2017 et réélu cinq ans plus tard au second tour face à Marine Le Pen grâce au « barrage républicain », assurant que la « diabolisation » du RN lui avait bien permis d’accéder à l’Elysée et d’y être reconduit l’an dernier. « Maintenant qu’il n’est plus rééligible, venir nous dire qu’après lui finalement le déluge, je trouve ça extrêmement malsain de sa part », s’est emporté l’élu LR, dénonçant un « cynisme assez incroyable » de la part du chef de l’Etat.
Des propos partagés par Xavier Bertrand, le président LR de la région Hauts-de-France, qui a également appelé à ne pas oublier « l’histoire » du RN afin de ne pas contribuer à sa banalisation. Le recadrage de la Première ministre illustre de nouveau la dégradation de la relation entre les deux têtes de l’exécutif. Au point que, pour certains, à gauche, le chef de l’Etat, en est venu à ignorer l’histoire personnelle d’Elisabeth Borne. Le premier secrétaire du PS Olivier Faure a ainsi rappelé sur Twitter qu’Elisabeth Borne était la fille d’un rescapé de la Shoah et qu’elle était légitime à rappeler « la filiation de l’extrême droite. » Au sein de l’opposition, il n’y a finalement que l’extrême droite qui ait épargné Emmanuel Macron.