Au Parti socialiste, le pacte de janvier est déjà très mal en point

CONGRES SANS FIN La nouvelle direction, censée travailler de manière collégiale, ne fonctionne pas, et chacun accuse le camp d’en face d’en être responsable

Rachel Garrat-Valcarcel
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Nicolas Mayer-Rossignol et Olivier Faure lors de la clôture du congrès du PS à Marseille, le 28 janvier 2023.
Nicolas Mayer-Rossignol et Olivier Faure lors de la clôture du congrès du PS à Marseille, le 28 janvier 2023. — CLEMENT MAHOUDEAU / AFP
  • L’accord trouvé entre Olivier Faure et Nicolas Mayer-Rossignol lors du congrès du Parti Socialiste à Marseille, en janvier, semble bringuebalant.
  • Le camp Faure reproche au maire de Rouen des prises de paroles cacophoniques, tandis que le camp de Mayer-Rossignol accuse le premier secrétaire de ne pas prendre d’initiatives.
  • La question de l’élection législative partielle de l’Ariège, qui doit avoir lieu fin mars, cristallise ces problèmes. Et tout pourrait éclater dès la semaine prochaine.

De retour du congrès du Parti socialiste (PS) à Marseille fin janvier, on avait dit qu’on verrait à l’usage si l’accord de sortie de crise entre Olivier Faure et Nicolas Mayer-Rossignol tiendrait. Eh bien on a vite vu. A peine sortis de la violente contestation de la réélection de Faure à la tête du parti, les socialistes semblent prêts à replonger. Peut-être dès le 11 mars prochain, dans une semaine. Ce jour-là, le nouveau conseil national du PS (le Parlement du parti) doit se réunir pour la première fois et décider d’un point a priori anodin mais qui pourrait mettre le feu aux poudres : savoir qui soutenir lors de la législative partielle qui doit avoir lieu le 26 mars en Ariège ?

Cette partielle est provoquée par l’annulation de l’élection de la députée LFI Bénédicte Taurine. Elue en 2017, elle faisait logiquement partie des sortantes soutenues par toute la Nouvelle union populaire écologique et sociale (Nupes) en juin dernier. Olivier Faure et la direction du PS souhaitent à nouveau la soutenir. Mais ce n’est pas l’idée des opposants et opposantes à la ligne pro-Nupes, dont Nicolas Mayer-Rossignol, qui souhaitent soutenir une dissidente socialiste, d’ailleurs déjà candidate en juin. Car l’Ariège, c’est l’Occitanie. Et l’Occitanie, c’est la région de Carole Delga. La présidente du Conseil régional avait déjà poussé de nombreuses dissidences lors des élections générales.

Faure est fort

Côté direction du PS, on considère donc comme logique de reconduire l’accord de la Nupes dans le cadre de cette partielle, mais côté Refondations (le courant de Nicolas Mayer-Rossignol), non. « Il ne peut pas y avoir d’investitures ad vitam aeternam, estime Lamia El Aaraje, patronne des socialistes parisiens. Quelle instance a décidé qui on devait soutenir ? ». « C’est un peu facile, le Conseil national n’a pas eu le temps matériel de se réunir, répond Arthur Delaporte, député proche d’Olivier Faure. Samedi (prochain), Nicolas Mayer-Rossignol va avoir l’occasion de clarifier sa position. »

Si l’on est si serein au sein du camp Faure, c’est que l’on se montre fort. D’abord car plus personne ne conteste sa victoire. Le premier secrétaire revendique à lui seul 162 sièges au Conseil national, soit 11 de plus que la majorité absolue. Une majorité attendue au soir du vote du 12 janvier, et confirmée par l’élection tout au long du mois de février des chefs départementaux des fédérations socialistes. « On fait même un peu mieux que prévu », souligne un des organisateurs du courant Faure. Lamia El Aaraje le reconnaît mais juge que « ce n’est pas si net. Dire qu’on a une majorité alors qu’il y a un si faible écart, c’est saugrenu ».



Omelette

« Nicolas Mayer-Rossignol, c’est les deux bouts de l’omelette, analyse un cadre du courant Faure. Le bout Hidalgo et le bout Delga. S’il ne soutient pas la dissidente en Ariège, il perd Delga et c’est fini, il disparaît. Le gars lui-même ne pèse rien. » Quant au caractère collégial de la direction, tant réclamé par Refondations à Marseille, ce même cadre estime que c’est le maire de Rouen qui ne le respecte pas. Outre le cas ariégeois, Nicolas Mayer-Rossignol ne se prive effectivement pas d’avoir une parole très dissonante vis-à-vis d’Olivier Faure dans les médias. Jusqu’à publier récemment une tribune en forme de contre-projet sur les retraites, Une vraie réforme de gauche est possible. Le député Delaporte regrette de ne pas avoir été prévenu.

« On ne va quand même pas s’empêcher de travailler, s’insurge Lamia El Aaraje. Si Olivier Faure a envie de prendre l’initiative d’une réforme des retraites à la sauce PS, nous, on prend. Ça me gêne qu’on nous reproche de travailler ! » Les accusations de cacophonie, ou d’organisation d’une porte de PS via des tribunes, les médias, les webinaires… ? La première secrétaire fédérale des socialistes parisiens les rejette. Chez Refondations, on assume en réalité de reconstruire un courant « à l’ancienne » au PS. Longtemps ont vécu des courants très structurés avec leurs permanents, leurs publications, leurs rendez-vous. La désidéologisation progressive du PS et, il faut bien le dire, le plus grand contrôle du financement des partis, les a considérablement affaiblis.

Compte à rebours

« C’est vrai, c’est un courant qu’ils sont en train de construire, et c’est bien pour cela que ça ne m’inquiète ni ne m’agace plus que ça, balaye le cadre fauriste cité plus haut. Sauf que les courants de l’époque étaient très structurés idéologiquement. Là, c’est une agrégation de personnalités, ça ne tiendra pas. »

Tout le monde semble aussi plutôt d’accord pour considérer que l’attelage Faure - Mayer-Rossignol ne tiendra pas très longtemps non plus. « C’est ce qu’ils cherchent. En tout cas, ils ne font rien pour l’empêcher. Mais il n’est pas trop tard », croit Arthur Delaporte. « Evidemment que ça peut éclater, plus que jamais, constate de son côté Lamia El Aaraje. On ne peut pas être premier secrétaire juste pour le titre, cela demande de la responsabilité et du travail. Olivier Faure veut-il gouverner uniquement avec des gens d’accord avec lui ? » Oh, on ne dit pas non côté Faure. « Tous les jours, des militants me demandent "quand est-ce qu’on les dégage ?" », affirme le cadre fauriste.

Dès ce fameux 11 mars, donc ? Pas sûr, mais en tout cas, tout est prêt. Dans l’ordre du jour du Conseil national, les socialistes devront d’abord définir leur position sur la partielle de l’Ariège avant d’élire le secrétariat national (le gouvernement du parti, pour le dire vite) dans lequel doivent théoriquement siéger et le camp Faure et le camp Mayer-Rossignol. Histoire de se laisser toutes les options ouvertes.