Assemblée : Un grain de sel à l’Horizon pour la majorité ?
CROCHE-PATTE Agacés par les critiques anonymes contre Edouard Philippe, ses députés comptent bien se faire entendre
- Ce jeudi, les députées et députés Horizon, proches d’Edouard Philippe, présentent une proposition de loi sur des peines minimales pour les délinquants récidivistes. Le reste de la majorité est contre, ce qui provoque des tensions.
- Plus globalement, c’est l’attitude des macronistes envers Edouard Philippe qui agace au sein de son camp.
- On n’est pas à la veille du divorce dans la majorité, mais on ne sera probablement pas copains pour la vie non plus.
Si le début de la législature nous a appris quelque chose, c’est qu’il n’est pas toujours simple d’être ce qu’on appelle un « partenaire junior » au sein d’une coalition. Pas toujours simple d’être socialiste, écologiste ou communiste dans la Nupes à côté des insoumis. Pas facile non plus d’être le MoDem ou Horizon dans la majorité à côté des macronistes de Renaissance (RE). Ces jours-ci, ce sont donc les députées et députés Horizon, le parti de l’ancien premier ministre Edouard Philippe, qui font parler d’eux.
En cause, la proposition de loi (PPL) de Naïma Moutchou sur la récidive. Elle propose notamment l’instauration de « peines minimales » d’un an de prison en cas d’agression d’une personne dépositaire de l’autorité publique ou dans une fonction de service publique pour les personnes récidivistes. La proposition doit être débattue ce jeudi dans le cadre de la niche parlementaire du groupe Horizon (chaque groupe a droit à une journée par an où il contrôle l’ordre du jour de l’Assemblée). La droite et l’extrême droite y sont favorables, la gauche y est opposée… Tout comme le reste de la majorité.
Tensions
Les peines minimales souhaitées par Horizon font trop penser aux peines plancher de Nicolas Sarkozy en 2007, puis supprimées sous Hollande. Naïma Moutchou, la députée du Val-d’Oise, a beau s’en défendre, expliquer qu’il ne s’agit que d’un type de délit, avec une peine bien moins élevée que dans les peines planchers de 2007… Rien n’y a fait. Mi-février, le texte n’a même pas été mis aux voix en Commission des lois, puisque tous les articles avaient déjà été rejetés : un petit camouflet pour les philippistes. Les échanges ont même parfois été tendus avec le président RE de la Commission, Sacha Houlié, figure de « l’aile gauche » de la macronie, passablement agacé par cette PPL.
Plus tôt, Laurent Marcangeli, le président du groupe Horizon, avait prévenu : « Il y a des amendements de suppression de la Nupes. Je veux le dire avec calme, mais avec beaucoup beaucoup beaucoup (il l’a vraiment dit beaucoup de fois) de conviction : je serai déçu, et je pèse mes mots, si ces amendements sont votés par la majorité présidentielle. Par principe, dire non, sans vouloir discuter, je ne crois pas que ça soit une bonne politique. » Les amendements de suppression, qui ont pour but de rejeter d’emblée le texte sans débat, n’ont pas été adoptés.
« Horizon, c’est combien de divisions ? »
Mais deux députés Renaissance les ont votés. « Deux, c’est déjà trop !, tonnait mercredi Laurent Marcangeli. Faut pas aller nous expliquer que la Nupes bordélise, que ce sont les pires ennemis de la République, pour ensuite les mobiliser pour voter des amendements de suppression ! » Le député d’Ajaccio, connu pour ne pas avoir sa langue dans sa poche, s’en est plaint en réunion de majorité après des autres présidents de groupes. Dont Aurore Bergé, et la Première ministre. « De mauvaises manières nous sont faites, tout le monde le voit », ajoute Marcangeli, passablement énervé par les « off » de députés macronistes dans la presse ces dernières semaines. « Tout le monde n’est pas doté de courage… »
Il est vrai que les députés macronistes ne se font jamais prier pour lever les yeux aux ciels et/ou envoyer leurs piques aux deux partenaires de la majorité. Et pas seulement ces dernières semaines. « Horizon, c’est combien de divisions ? Le grand transfert des LR vers Horizon n’est pas venu… Et je pense qu’il n’arrivera plus » Pif ! « A un moment, le rassemblement, ça ne se construit pas avec la stratégie de la peau de banane permanente. » Paf ! « Edouard Philippe, il n’a pas grand-chose à dire. On a l’impression qu’il va faire pendant cinq ans des six pages dans Le Point pour pas qu’on l’oublie. » Boum !
Croche-patte
Ces attaques contre l’ancien Premier ministre agacent profondément chez Horizon. La formule « Philippe, c’est Giscard sans le destin », venue de l’Elysée, citée dans un article du Figaro, semble être dans tous les esprits. « Ça vient de toute part, y compris d’endroits où ça ne devrait pas venir. Parfois, on en vient à se demander qui sont nos amis », balance Laurent Marcangeli. Mais on n’est pas dupe non plus sur l’attitude de Renaissance vis-à-vis de la PPL de Moutchou : « Derrière ces gestes de défiance, c’est Édouard qui est visé », explique dans Le Figaro Frédéric Valletoux, député Horizon de Fontainebleau.
Mais chez Horizon, on sait aussi cogner. Au dernier jour du débat sur les retraites à l’Assemblée, le groupe a surpris son monde en sortant du chapeau un amendement sur les carrières longues, cheval de bataille des LR. C’était au lendemain du camouflet de la PPL sur les peines minimales en commission. D’aucuns y ont vu un croche-patte, mais chez Horizon, on plaide la coïncidence. On n’est pas obligé de les croire.
Pas de divorce en vue
Il y a des airs offusqués, chez Horizon. Mais pas sûr que ces attaques contre Edouard Philippe ne soit perçues que négativement. Après tout, c’est bien l’ancien Premier ministre qui, depuis des mois, est la personnalité politique la plus populaire du pays. En vue de la présidentielle – certes lointaine –, ce n’est quand même pas un défaut. « On dérange », laisse entendre Marcangeli, qui sourit devant les - d’après lui - nombreuses sollicitations des journalistes. L’ancien maire d’Ajaccio arrive toujours à rester extrêmement calme tout en sortant des propos incendiaires. Et n’hésite pas à jouer les pompiers : « Il faut dédramatiser, on ne va pas s’énerver, mais on ne va pas mettre un voile pudique sur nos convictions. »
Laurent Marcangeli a raison. Nous ne sommes ni à la veille, ni même à l’avant-veille d’une rupture dans la majorité. Les différences de fond entre Renaissance, MoDem et Horizon restent limitées. Et qu’il puisse y avoir des frictions entre partenaires d’une coalition gouvernementale, c’est non seulement normal, mais peut-être même sain dans une Assemblée où les majorités « godillot » ont souvent été la norme. « Le débat politique est fait de positions et d’oppositions », reconnaît Laurent Marcangeli. Malgré tout, on a pour l’instant un peu de mal à voir ce qui pourra lier tout ce petit monde à l’issue du second mandat d’Emmanuel Macron. « Je ne me sens pas méprisé, mais je préfère quand même ma façon de faire de la politique à la leur », cinglait il y a quelques mois un cadre du parti d’Edouard Philippe.