Réforme des retraites : Pourquoi LR a fait tomber l’article 2 du texte

NEGOCIATIONS Pour la première fois depuis le début des débats sur la réforme des retraites, la majorité présidentielle a été battue lors d’un vote concernant l’index sénior dans les entreprises

Thibaut Le Gal
Le minsitre du Travail Olivier Dussopt à l'Assemblée nationale.
Le minsitre du Travail Olivier Dussopt à l'Assemblée nationale. — Ludovic MARIN / AFP
  • Le projet de réforme des retraites du gouvernement est actuellement débattu au sein de l’Assemblée nationale.
  • L’article 2 du texte, qui prévoit d’installer un index sénior dans les entreprises, a été rejeté mardi soir par les députés.
  • Les Républicains, qui n’ont pas voté cet article, ont voulu « montrer les muscles » alors que les négociations se poursuivent avec le gouvernement sur les carrières longues notamment.

Peu avant minuit, l’hymne des « gilets jaunes » retentit dans l’Hémicycle. « On est làààà ! On est làààààà ! Même si Macron ne veut pas, nous on est là. » Hilares, les députés de la Nupes chantent, les élus du Rassemblement national applaudissent, la majorité est dépitée. L’article 2 de la réforme des retraites, qui prévoit d’installer un index sénior dans les entreprises, vient d’être rejeté. « Non mais vous vous croyez où ? » La présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, peine à ramener l’opposition au calme. C’est le premier échec du gouvernement depuis le début de l’examen du texte, le 6 février dernier. Sur leur siège, Les Républicains sont bien sages. Ils viennent pourtant d’infliger un sévère affront à l’exécutif. Pourquoi ont-ils voté contre ce dispositif ?



Quelques heures plus tôt, pourtant, un député du MoDem fanfaronnait (un peu vite) sur le parcours jusque-là sans faille du texte à l’Assemblée. « On n’a pas une paume ! On a perdu aucun amendement après dix jours de débats. On a une majorité pour voter sur ce projet de loi. » Mais le coup de Trafalgar de la droite sur l’article 2 a rebattu les cartes et rendu les derniers jours de débats bien plus incertains. Car ce mardi soir, à l’opposition attendue du RN et de la Nupes se sont donc ajoutées les 38 voix (et 6 abstentions) des élus LR présents dans l’hémicycle. Un choix qui a fait basculer le vote et entraîné le premier revers pour Elisabeth Borne et ses ministres. « C’est dommage, car cet index, souhaité par les syndicats, était un instrument utile pour évaluer la présence des seniors en entreprise et améliorer leur employabilité, qui est la priorité du gouvernement », regrette le député de Paris, Benjamin Haddad, porte-parole du groupe Renaissance.

Le patron des Républicains, Eric Ciotti, a lui dénoncé ce mercredi matin « un article artifice, qui en gros ne sert à rien et imposait des contraintes notamment aux petites entreprises » et « un outil statistique » potentiellement anticonstitutionnel. « Elle n’avait rien à faire dans un projet de loi de financement de la Sécurité sociale », a ajouté sur France 2 le député LR des Alpes-Maritimes.

Le « coup de pression » de la droite

Mais la droite avait en tête des arguments bien plus politiques. En réunion de groupe, mardi matin, les députés LR se sont accordés pour faire cette piqûre de rappel au gouvernement. « On voulait mettre un coup de pression à l’exécutif sur un article sans grand intérêt, pour leur rappeler que sans nous, le texte ne passe pas. Contrairement à ce qu’on entend parfois, notre soutien n’est pas encore acquis », confirme un député LR présent. Ce coup de théâtre intervient au moment même où Elisabeth Borne a lâché encore un peu de lest sur les carrières longues, ligne rouge de la droite pour voter le texte. « Il y a des avancées, mais on a besoin de clarification. Ciotti est toujours en négociation avec Matignon, donc d’un point de vue stratégique, c’était le moment opportun de montrer les muscles », ajoute cet élu proche du président LR.

Dans la foulée du rejet de l’article 2, mardi soir, Olivier Dussopt a dénoncé l’attitude de la Nupes et du RN, « unis pour supprimer un nouvel outil en faveur de l’emploi des plus âgés », les qualifiant de « Tartuffe » sur Twitter. Le ministre du Travail en charges des retraites n’a pas dit un mot sur les élus LR, qui venaient pourtant de faire basculer le vote. Un signe que le gouvernement ne veut surtout pas se fâcher avec le nécessaire allié. « J’ai confiance envers Ciotti et la droite pour voter un projet qu’ils défendent depuis des années. Il y a eu un désaccord ponctuel mais l’essentiel est d’avancer pour sauver notre système des retraites », veut croire Benjamin Haddad. La majorité présidentielle espère se rassurer lors des prochains votes sur le texte, dont l’examen doit se terminer vendredi soir à l’Assemblée. Le projet de loi partira ensuite au Sénat, où le gouvernement espère par ailleurs « restaurer » l’index seniors rejeté par les députés.