Réforme des retraites : « Il n’y a rien à gagner... » Le « service minimum » de la majorité pour défendre le texte
esquive Dans un climat de mobilisation sociale tendue, le camp présidentiel ne se démène pas sur le terrain pour défendre les mesures impopulaires du projet
- Le projet de réforme des retraites continue d'être âprement débattu cette semaine à l’Assemblée nationale.
- Dans la majorité, on fait le « service minimum » sur les marchés pour défendre le texte, mais très peu de réunion publique sont organisées.
- « C'est un texte compliqué à défendre », confie ainsi une députée de la majorité, alors que les Français sont majoritairement contre le projet de loi.
« Chaque jour de passé est un jour de pris… », souffle une élue de la majorité. Entre « obstruction parlementaire » et incidents de séance, l’examen de projet de loi sur les retraites se poursuit très difficilement cette semaine à l’Assemblée nationale. Chez les macronistes, on compte les jours qu’il reste avant la transmission du texte au Sénat, vendredi soir, et la fin des débats parlementaires, prévue d’ici le 26 mars. Dans ce climat de tension et de forte mobilisation sociale, le camp présidentiel a bien souvent opté pour « le service minimum », pas vraiment enclin à défendre les mesures impopulaires, comme le recul de l’âge de départ à 64 ans.
« Il n’y a rien à gagner sur cette réforme »
Il n’y a pas si longtemps encore, les membres du gouvernement misaient pourtant sur la pédagogie pour tenter de convaincre les Français des bienfaits de la réforme. Mais au fil des semaines et des arguments déployés, l’opposition au texte n’a cessé de grimper dans les enquêtes d’opinion, compliquant la tâche des élus macronistes en circonscription. « Les retours de terrain sont mitigés… Comme on a fait le choix de ne faire qu’un texte d’équilibre budgétaire, c'est plus compliqué à défendre. Allez vendre aux gens qu’il faut travailler plus pour combler le déficit. Il n’y a rien à gagner sur ce dossier, on est face à un mur », soupire une députée Horizons, proche d’Edouard Philippe. « Ce n’est pas forcément une réforme juste mais une réforme qui tend à moins d’injustices. On aurait plutôt dû la présenter comme ça dès le départ », ajoute une élue macroniste qui, comme plusieurs de ses collègues, critiquent en creux l’argumentaire gouvernemental des premières semaines.
« Ce n’est pas la réforme idéale, car notre système est en déficit. Et elle n’est pas simple à expliquer car les gens nous interrogent sur leur cas précis : Qu’en est-il de ma retraite ? Et celle de ma mère, et celles de mes filles ? », égrène Caroline Abadie. La députée Renaissance de l’Isère dit toutefois avoir fait le job, mais sans aller jusqu’à organiser des réunions publiques. « Si j’en fais une, on va me la pourrir… Mais j’ai fait mon service minimum en distribuant des tracts sur le marché de Vienne, les discussions étaient intéressantes, même avec les opposants. On a tout intérêt à expliquer au maximum ce qu’il y a dans le texte », dit-elle.
« Si j'organise une réunion publique, je suis bordélisé »
Depuis le début de l’année, de rares ministres ont tenu des meetings pour vanter le projet de loi mais les soirées de ce type n’ont pas fait florès chez les macronistes. « C’est impossible de faire une réunion publique sur les retraites, ce serait le bordel assuré », balaie Erwan Balanant, député MoDem du Finistère. Un député Renaissance fait le même constat, évoquant le contexte social inflammable. « Vu l’excitation d’un certain nombre de personnes en ce moment, si j'organise une réunion publique, je suis bordélisé instantanément. J'ai trente mecs qui rentrent dans la salle, avec mégaphone, sirène et fumigène, et qui me sabotent la soirée. » Ce cadre du parti présidentiel évoque notamment les coupures d’électricité revendiquées par la CGT contre plusieurs permanences d’élus Renaissance favorables au texte.
La députée Horizons déjà citée évoque les consignes de sécurité émises par les pouvoirs publics, notamment le jour des manifestations. « On a été contactés par nos préfets pour nous prévenir des dispositifs mis en place autour des permanences et des domiciles et nous dire de ne surtout pas hésiter à faire remonter tout problème », dit-elle. La grande « mobilisation » dont rêvait Emmanuel Macron le 11 janvier dernier pour « expliquer aux Français très concrètement » les enjeux du texte n'a donc pas eu lieu. Les mauvaises langues diront que le chef de l'Etat, lui-même, s'est montré plutôt discret.