Réforme des retraites : Quelle est la stratégie de guerre de la Nupes ?

VEILLEE D’ARMES Tout n’est pas encore bien calé entre les alliés, mais les partis de gauche savent qu’ils n’ont pas vraiment le droit à l’erreur

Rachel Garrat-Valcarcel
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Lors de la manifestation de la Nupes contre la vie chère, le 16 octobre 2022, à Paris. (archives)
Lors de la manifestation de la Nupes contre la vie chère, le 16 octobre 2022, à Paris. (archives) — JULIEN DE ROSA / AFP
  • La question de la réforme des retraites va dominer les premiers mois de l’année 2023.
  • La Nupes, dans son ensemble, est très opposée au projet du gouvernement de report de l’âge légal du départ en retraite à 64 ou 65 ans.
  • Mais toutes ses entités ne sont pas (encore) tout à fait d’accord sur les modalités.

Une chose est certaine : ils sont tous contre. Les partis qui forment la Nouvelle Union populaire écologiste et sociale (Nupes) sont vent debout contre la réforme des retraites, qui doit progressivement porter à 64 ou 65 ans l’âge légal de départ. De toute part, on souligne l’injustice d’une réforme que la gauche ne juge absolument pas nécessaire, selon sa lecture des prévisions du Conseil d’orientation des retraites (COR). « C’est une réforme pour casser les plus pauvres, encore une fois », affirme la députée EELV de Paris Sandrine Rousseau, très remontée. « Les cadres partent déjà à 65 ans ! La réforme va juste faire en sorte de diminuer les pensions des plus précaires, qui ne partiront plus à taux plein. Des économies pour financer la baisse continue des prélèvements sur les entreprises. C’est le ruissellement à l’envers ! », fustige-t-elle.

« Tout va être bon pour arrêter cette réforme », ajoute l’écologiste. Tout, donc aussi de l’obstruction à l’Assemblée nationale (le fait retarder le plus possible l’adoption d’une loi, grâce aux outils du règlement de la chambre) ? La France insoumise ne fait pas mystère de ses intentions et ses cadres considèrent que l’obstruction parlementaire est une arme légale à la disposition des oppositions. De fait, si la majorité tente bien de leur coller cette étiquette de bloqueurs sur le dos, la pratique est vieille comme le parlementarisme. Le communiste Pierre Dharreville ne parle pas d’obstruction, mais pour lui il est bien « hors de question que la réforme passe comme une lettre à la poste ». Il s’insurge d’ailleurs devant le temps de débat programmé pour la réforme : une semaine seulement pour le moment.

Contre les 65 ans ou pour les 60 ans ?

« On regarde s’il n’y a pas des choses dans le règlement de l’Assemblée nationale qui peuvent nous permettre d’être malins, explique, l’air de ne pas y toucher, un cadre socialiste. Mais ça sera une loi de finances, donc plus compliqué. » Plus globalement, au PS – qui a lui aussi cotisé à l’obstruction parlementaire dans le passé – est un peu plus frileux. « Il faudra doser la manière de s’opposer, croit Jérôme Guedj, député de l’Essonne. Il ne faut pas donner un boulevard au gouvernement pour justifier un recours rapide à l’article 49.3. » Le fameux dispositif constitutionnel qui permet au gouvernement de faire adopter un texte sans vote, pour peu qu’une motion de censure ne soit pas votée dans la foulée.



C’est aussi côté PS que ça coince sur la forme que doit prendre l’opposition parlementaire à la réforme : faut-il se contenter de rejeter ce texte ou défendre le contre-projet de la Nupes qui, dans l’accord des législatives, prévoit le retour à la retraite à 60 ans à taux plein pour quarante années de cotisations ? Pour le président du groupe socialiste, Boris Vallaud, il « faut un message simple. Un quart des plus pauvres sont morts à 62 ans, combien à 65 ans ? Il faut rester là-dessus pour être compris et intelligibles ». Côté insoumis, on pense que la retraite 60 ans peut faire mouche… Même chez les socialistes : « Dans ma circonscription, les militants socialistes, ça les mobilise cette idée », croit un député du sud. Le même veut « profiter du fait que le RN est contre la retraite à 60 ans alors que leurs électeurs sont pour. Faut pas se priver de les pilonner là-dessus ! »

« Education populaire »

Si la réforme des retraites doit échouer, ça ne se jouera pas totalement au parlement : car même si le gouvernement n’avait pas de majorité, il pourrait passer en force. Ça se jouera surtout dans la rue, là-dessus aussi tout le monde est d’accord. La nouvelle cheffe des écolos, Marine Tondelier, a d’ailleurs expliqué que ses baskets étaient déjà prêtes. Mais derrière quelles banderoles ? EELV, PS et PCF sont bien plus à l’aise derrière les syndicats, alors que LFI soutient, en plus, une autre manifestation, le 21 janvier. « Il s’agit de rester le rôle des syndicats et les décisions qu’ils prennent », précise Pierre Dharreville, député des Bouches-du-Rhône, qui compte bien prendre néanmoins des initiatives sur le terrain.

Les tracts de nombreux députés de la Nupes sont déjà sous presse et les réunions publiques se multiplient déjà, tous les députés interrogés en ont ajoutées à leur agenda dans leurs circonscriptions. Jérôme Guedj veut même faire de la période, un « grand moment d’éducation populaire » autour des retraites. Il y aura aussi des grandes réunions publiques : la première, avec toute la Nupes, est organisée à Paris dès mardi 10 janvier, jour de la présentation de la réforme. L’insoumise Raquel Garrido, par exemple, organisera aussi son meeting en février à Bobigny avec une ribambelle de personnalités insoumises.

Il reste donc des choses à caler entre alliés de la Nupes. Mais tous ont bien conscience qu’ils jouent gros dans les semaines à venir. Après un automne au minimum décevant pour la gauche unie, chacun pense que la question des retraites – qui est le sujet qui mobilise toujours le plus ces vingt ou trente dernières années – peut leur permettre de reprendre la main. Et de commencer à « changer de braquet », comme l’appelait jeudi Olivier Faure, le premier secrétaire du PS, dans Libération. Un objectif qui peut aider à s’entendre.