EELV : Six (petites) nuances d’écologie pour le congrès du parti

MOTIONS Les membres d’Europe-Ecologie - Les Verts votent le 26 novembre pour choisir leurs orientations, avant le congrès du 10 décembre

Rachel Garrat-Valcarcel
Marine Tondelier, la favorite pour prendre la tête de EELV.
Marine Tondelier, la favorite pour prendre la tête de EELV. — JOEL SAGET / AFP
  • EELV organise son congrès pour renouveler sa direction en cette fin d’année, les 26 novembre et 10 décembre.
  • Marine Tondelier, de la direction sortante, est favorite. Mais Mélissa Camara, proche de Sandrine Rousseau, et Sophie Bussière, de Yannick Jadot, n’ont pas dit leur dernier mot.
  • Les différences entre les six motions présentées restent minimes.

« Ça fait dix ans que je suis dans le parti, et je ne suis pas encore certain d’avoir tout compris au fonctionnement d’un congrès ». Alors pour vous qui n’êtes pas à EELV, dites-vous bien que comprendre toutes les subtilités du congrès qui a lieu en cette fin d’année est hors de portée. C’est pourquoi 20 Minutes vous propose un résumé des six motions d’orientation, soit les six candidatures pour diriger le parti. Depuis le dernier congrès, en 2019, qui a vu une large synthèse, les lignes ont bien bougé entre les différents courants. Et les six propositions ont aujourd’hui chacune leurs petites nuances. 

Les militants et militantes voteront le 26 novembre lors d’assemblées générales régionales, une sorte de premier tour du congrès. Les différentes motions qualifiées ou fusionnables auront ensuite jusqu’au 10 décembre au matin pour négocier - ou pas - des alliances avant le congrès et le vote des délégués ce jour-là, à Rungis, en région parisienne. C’est à l’issue de cette journée qu’on connaîtra la nouvelle direction du parti, et sa nouvelle dirigeante. Car une chose est certaine, ce sera une femme.

« La Suite », la motion favorite, menée par Marine Tondelier

Elle a beaucoup plus de signataires que tout le monde, et représente la direction sortante : « La Suite », de Marine Tondelier, élue d’Hénin-Beaumont, est la favorite du congrès. Pour autant, chez les écologistes, tout le monde aime à le rappeler, les militants et militantes ont souvent tendance à renverser les scénarios déjà écrits. Marine Tondelier a donc besoin d’assommer tout le monde dès le premier tour. « Elle n’aurait pas dû dire qu’elle visait les 50 %… », insinue un concurrent. « On n’a jamais dit ça ! », répond un fervent soutien de la direction sortante, avant de réduire les attentes : « Il faut être en tête. » La motion se voit affublée du poids du bilan de la direction sortante. Mais à « La Suite », on rappelle qu’on trouve des membres de la direction sortante dans plusieurs autres motions, pourtant très critiques sur ce bilan.

Sur le fond, la motion ne veut pas se laisser distancer par les proches de Sandrine Rousseau sur la question des discriminations et de la radicalité. Mais le principal sujet demeure la refondation d’EELV, en changeant les règles du parti. Marine Tondelier et les siens trouvent les règles trop complexes, ce qui nuit à la crédibilité des écolos, d’après eux. « On a des règles très démocratiques. Mais quand elles ne sont comprises que par une poignée de personnes, ce n’est plus de la démocratie », résume le soutien cité plus haut. Sur la question de la Nupes, on est pour l’union avec le reste de la gauche, tout en cherchant à renverser le rapport de force en faveur des écologistes. Et l’on ne veut surtout pas voir les écologistes se dissoudre dans la gauche ou devenir les supplétifs de LFI.

« La Terre de nos luttes », la motion de la challengeuse, Mélissa Camara

Devenue députée, Sandrine Rousseau ne peut plus candidater pour « prendre le parti », comme on lui a longtemps prêté l’intention. C’est Mélissa Camara, élue municipale à Lille, , qui joue donc les premiers rôles, en alliance avec une grande partie de l’aile gauche du parti, qui avait obtenu 23 % des voix en 2019. L’élue lilloise défend une ligne « radicale, féministe, antiraciste et populaire » et veut « remettre le social au cœur de l’écologie ». Pour cela, elle veut faire venir des militants issus des quartiers populaires et des mouvements sociaux, afin de diversifier la sociologie militante du parti. Un point sur lequel chaque motion y va de son couplet. Ici, on est très pro-Nupes, et on pense même qu’il faut l’approfondir et l’ancrer localement.

L’ambiance ne semble néanmoins plus être aux 49 % de Sandrine Rousseau de l’an dernier, lors de la primaire en vue de la présidentielle. Ce n’est plus du tout le même corps électoral et dans les autres camps, on constate qu' « elle n’a pas fait rentrer grand monde » dans le parti malgré les discours. « La Terre de nos luttes » a d’ailleurs plutôt moins de signataires que ses principales concurrentes. « Les rousseauistes, c’est un royaume sans reine », analysait un concurrent qui pense que sans Sandrine Rousseau elle-même, il ne reste plus grand-chose. Les adversaires se délectent aussi des difficultés rencontrées par la députée de Paris depuis la rentrée. Tous les concurrents sont sûrs de leur fait : cette motion va droit à la catastrophe le jour du vote.

« Printemps écolo », la motion qui veut troubler le match, de Sophie Bussière

« La challengeuse de Marine Tondelier n’est pas Mélissa Camara, c’est Sophie Bussière » : les promoteurs de la motion vue comme étant celle des « realos », des centristes d’EELV (même si, comme toujours, c’est plus compliqué), ne se mouchent pas du col. « On est confiant parce qu’on connaît le parti », y dit-on. Au « Printemps », on ne critique pas tant la campagne présidentielle que la direction du parti, que l’on juge responsable de la catastrophe (le candidat n’avait récolté que 4,63 % des voix au premier tour). Et pour cause : Sophie Bussière, la tête de liste, une avocate basque élue régionale de Nouvelle-Aquitaine, bénéficie du soutien public de Yannick Jadot.

La direction sortante, en place depuis quatre mandats, est accusée d’avoir « affaibli la doctrine du parti » et « perdu le lien avec les associations et les ONG ». Sur la Nupes, on est ici chez les plus sceptiques, qui ne veulent pas qu’elle dépasse les murs de l’Assemblée. On veut évidemment une liste verte autonome aux européennes… tout en reconnaissant qu’en cas de dissolution, il n’y a pas d’alternative à la Nupes. On jure ne pas vouloir refaire le débat de la primaire, mais Sandrine Rousseau ( « une amie ! », souligne un des influents soutiens) semble dans toutes les arrière-pensées. Mais d’après plusieurs connaisseurs du parti, l’étiquette Jadot pourrait être aussi désavantageuse que l’étiquette Rousseau lors du congrès

« L’Arche », la motion qui vise 2027 et l’union, d’Hélène Hardy

Même si les congrès d’EELV ont lieu tous les trois ans, la motion portée par la Nordiste Hélène Hardy veut se projeter sur 2027. Réussir aux élections locales, notamment dans les grands centres urbains, c’est très bien, mais « notre déficit d’implantation dans les territoires ruraux et les quartiers populaires ne nous permet pas de réussir les élections majeures », croit la travailleuse sociale. Elle souhaite que le parti adapte son discours pour des populations qui n’ont pas les mêmes demandes ou besoins que dans les centres-villes. Mais pas de double discours : « La trame générale doit être inspirée de la décroissance, c’est-à-dire faire moins, mais mieux. »

A « L’Arche », qui rassemble une partie de l’aile gauche du parti, mais pas seulement, la Nupes a de nombreux fans. Il faut dire qu’Hélène Hardy fait partie des cadres d’EELV qui ont négocié l’accord avec LFI. « On ne gagnera pas seuls en 2027, juge la nordiste, On propose de se mettre au travail dès maintenant pour établir un programme entre forces de gauche et écologistes. » Enfin, si Hélène Hardy venait à gagner le congrès, elle deviendrait la première personne trans à diriger un parti en France. Un fait important, et pour ses soutiens, c’est aussi un argument en sa faveur.

« Ce qui nous lie », la motion qui défend « les territoires », avec Claire Desmares

Comme son nom l’indique, la motion assez composite qui rassemble des tenants de l’aile droite et de l’aile gauche. Elle est portée par Claire Desmares, élue régionale en Bretagne, qui a « soutenu avec force » Yannick Jadot dès la primaire l’an dernier… Mais en est un peu revenue. « Moi aussi, je pensais qu’il fallait amener de la sérénité, des positions justes et documentées dans la campagne. Mais on se rend compte que cette écologie ne répond pas aux attentes de la société, et notamment des jeunes », cingle l’élue bretonne. Pour aller contre cela, « notre intuition est de revenir aux fondamentaux de l’écologie : les territoires, le fédéralisme, la subsidiarité, la décroissance », détaille David Belliard, chef de file d’EELV à Paris, lui aussi soutien de Jadot l’an dernier.

« La direction du parti décide de trop de choses », croit Claire Desmares, qui veut redonner du pouvoir aux militants au niveau local. Un exemple : elle critique le choix d’avoir favorisé les membres de la direction sortante dans des circonscriptions de centres urbains pour EELV dans l’accord de la Nupes. Et la Nupes, justement ? Malgré les convictions proeuropéennes fédéralistes mises en avant, on ne dit pas non tout de suite à une liste commune aux européennes (« de toute façon, les militants décideront »). Mais on ne veut surtout pas que ce soit automatique à chaque élection. Toujours avec l’idée de favoriser la présence d’écolos dans des territoires ruraux ou populaires dans de prochains accords éventuels.



« Rebellion ! Construction », la motion à la gauche de la gauche, avec Géraldine Boÿer

C’est l’aile gauche de l’aile gauche d’EELV qui n’a pas souhaité se marier avec les proches de Sandrine Rousseau. Le texte de cette motion est particulièrement radical, à tel point que peu des interlocuteurs écologistes contactés considèrent une potentielle alliance avec cette motion, qui apparaît comme le Petit Poucet de la compétition.

Notez toute de même que ses tenants sont particulièrement pro-Nupes : c’est la motion qui cite le plus l’alliance de gauche dans son texte.