Immigration : « Sur une ligne de crête », le gouvernement cherche à convaincre à droite, à gauche… et sa majorité

REFORME L’exécutif a dévoilé mercredi les grandes lignes de son projet de loi sur l’asile et l’immigration, entre durcissement sur les expulsions et accueil des travailleurs immigrés

Thibaut Le Gal
Gerald Darmanin et Elisabeth Borne à l'Assemblée.
Gerald Darmanin et Elisabeth Borne à l'Assemblée. — Jacques Witt/SIPA
  • Le gouvernement a dévoilé mercredi les grandes lignes de son projet de loi sur l’asile et l’immigration.
  • L’exécutif entend trouver le bon « équilibre », entre durcissement sur les expulsions et mesures plus favorables pour l’immigration économique.
  • Sur ce sujet périlleux, les macronistes espèrent trouver des soutiens à droite et à gauche de leurs rangs, afin de faire passer le texte au premier semestre 2023.

Sur l’immigration, les macronistes en funambules. Le gouvernement a dévoilé mercredi les grandes lignes de son projet de loi sur le sujet. Entre durcissement sur les expulsions et accueil des travailleurs immigrés, l’exécutif entend trouver le bon « équilibre ». « Si je devais résumer, je dirais qu’on doit désormais être méchants avec les méchants et gentils avec les gentils », a indiqué mercredi Gérald Darmanin, le ministre de l’Intérieur.

Derrière la formule, une réalité : faute de majorité absolue à l’Assemblée nationale, l’exécutif entend séduire au-delà de ses rangs, pour espérer faire passer le texte au premier semestre 2023.

« C’est un texte ferme mais équilibré »

Les mesures égrenées ces derniers jours se concentrent donc sur deux volets. Le gouvernement entend notamment élever le faible taux d’exécution des obligations de quitter le territoire français, les fameuses OQTF [entre 5 et 12 % ces dernières années], et répondre aux critiques du Rassemblement national et des Républicains au moment de l’affaire Lola. Mais il a également annoncé vouloir mettre l’accent sur l’insertion professionnelle, proposant un titre de séjour « métier en tension », pour recruter dans les secteurs en pénurie de main-d’œuvre.

« Il y a une logique de droits et de devoirs. On souhaite faciliter les procédures et l’intégration de ceux qui viennent travailler, qui répondent à des besoins économiques pour notre pays », assure Benjamin Haddad, député de Paris. « Et dans le même temps, on veut durcir l’exécution des OQTF, en particulier contre les délinquants, réduire le nombre et le temps des recours. C’est un texte ferme mais équilibré », plaide le porte-parole du groupe Renaissance. En s’appuyant sur deux jambes, l’exécutif espère ainsi trouver des voix à gauche et à droite de l’hémicycle.

La limite du « en même temps »

Mais les premières mesures n’ont pas vraiment trouvé un écho favorable dans l’opposition. A gauche, c’était attendu. Mais la droite de l’Hémicycle, elle, n’a pas vraiment goûté au volet économique. Les Républicains ont ainsi dénoncé une « régularisation massive » à venir des étrangers et un gouvernement qui « s’apprête à créer un appel d’air ».

L’exécutif se heurte ici à son « en même temps » : en voulant convaincre de part et d’autre, il pourrait bien ne convaincre ni l’un, ni l’autre. « On est sur une ligne de crête. Si on va trop d’un côté ou d’un autre, ça bloquera. On peut espérer que ça passe avec des abstentions, mais ça sera très compliqué… », prédit déjà un député MoDem.

« Sur un sujet hyper touchy, ce binôme good cop/bad cop est intéressant »

D’autant que le gouvernement doit ménager sa monture. En 2018, la dernière réforme asile-immigration avait semé la discorde pendant de longs mois au sein du groupe macroniste. Et si les principaux « frondeurs » ne sont aujourd’hui plus présents, le sujet reste inflammable à l’aile gauche de Renaissance. A plusieurs reprises ces derniers mois, Gérald Darmanin s’est ainsi accroché sur la question migratoire avec le député Sacha Houlié. Prudent, le président de la Commission des Lois semble néanmoins favorable aux premiers éléments dévoilés. « Les annonces de mercredi allaient dans le bon sens, même si certains correctifs les ont ensuite minorées. On va continuer de travailler et d’en discuter », assure Saché Houlié, alors que le ministre de l’Intérieur a notamment proposé d’inscrire systématiquement les personnes menacées d’expulsion au fichier des personnes recherchées (FPR).

Pour déminer les tensions, le bouillonnant Gérald Darmanin n’a d’ailleurs pas été envoyé seul au front. Le locataire de Beauvau est accompagné de son collègue du Travail, du Plein emploi et de l’Insertion, Olivier Dussopt, un ancien socialiste. « Sur un sujet hyper touchy, ce binôme good cop/bad cop est intéressant, même si le bad cop ne sera pas le même selon les camps », souffle l’élu MoDem.

Laisser passer l’hiver

Dans la majorité, on se dit convaincu de pouvoir embarquer les élus de droite, et même certains socialistes, sur le futur texte. « Une fois les élections internes passées (en décembre pour LR et en janvier au PS), chacun sortira des postures », veut croire un macroniste.

Pour Benjamin Haddad, le travail en commission sur les amendements permettra de trouver un chemin équilibré. « Il y a deux visions caricaturales sur ce sujet. L’immigration zéro à l’extrême droite, et le laxisme de l’extrême gauche. Entre les deux, nous pourrons trouver un consensus avec l’opposition constructive et responsable ».