Pourquoi Emmanuel Macron peine à reprendre la main sur l’agenda politique

RETARD A L'ALLUMAGE Depuis sa réélection, le patinage est persistant pour le président de la République, sauf que son temps est désormais compté

Rachel Garrat-Valcarcel
Emmanuel Macron lors de la conférence des ambassadeurs, au palais de l'Elysée.
Emmanuel Macron lors de la conférence des ambassadeurs, au palais de l'Elysée. — MOHAMMED BADRA / POOL / AFP
  • Emmanuel Macron a été réélu le 24 avril dernier et depuis… Et depuis il semble avoir bien du mal à donner un sens à son second mandat.
  • La perte de la majorité absolue à l’Assemblée est bien sûr un fait marquant.
  • Mais il n’y a pas que ça : le sens politique du président semble aussi amoindri.

Un silence. Et un sourire. Voilà la réponse qu’on obtient quand on demande au politologue Bruno Cautrès de qualifier les premiers mois du nouveau mandat d’Emmanuel Macron. Confirmant la petite musique qui plane : depuis sa réélection, le président de la République n’arrive pas vraiment à reprendre en main l’agenda. Et le lancement timide et – pour le moment en tout cas – peu convainquant de son Conseil national de la refondation, jeudi, ne semble pas retourner la situation.

Un indice ne trompe pas : dans la plupart de ses interventions - encore au CNR jeudi –, ou dans son allocution télévisée après les législatives, Emmanuel Macron répète que « les Français lui ont fait confiance une deuxième fois ». Comme pour rappeler sa légitimité. « C’est une manière de dire ''Quand je parle, c’est important''. Mais il y a une règle : quand on est obligé de rappeler qu’on a du pouvoir, c’est précisément qu’on n’en a pas autant qu’on le dit », rappelle Bruno Cautrès.

Une vraie perte de pouvoir

C’est littéral : avec la perte de sa majorité absolue à l’Assemblée nationale en juin, le président a moins de pouvoir. « Il n’a maintenant plus de garantie qu’il y ait un transfert rapide et simple entre ce qu’il veut et ce que le Parlement va voter, pointe le politologue du Cevipof. Il ne peut plus avoir le même train de réformes, et ça change beaucoup la donne. » Ces législatives ont ajouté deux autres gros cailloux dans la chaussure d’Emmanuel Macron : la gauche n’est pas morte et la dynamique du RN n’a pas été enrayée, contrairement à ce qu’il avait annoncé et promis en 2017.

Sauf que le flottement qui entoure la présidence date d’avant les législatives… Et a sans doute contribué à la victoire très relative du mois de juin. Flottement dans le choix de la Première ministre. Flottement dans la campagne des législatives. Flottement même dans le mercato autour du président à l’Elysée : le nouveau spin doctor en chef du palais vient tout juste d’être recruté : Frédéric Michel arrive lundi pour remplacer Clément Léonarduzzi, parti au lendemain de la présidentielle.

Peu de temps

Dans l’opposition, on se rengorge presque de la situation. « On nous a vendu un Macron génie des Carpates, capable de tout gagner, le Napoléon de la politique… Or là, tout ce qu’il touche se transforme en bouse », note un député Nupes. Un autre, insoumis, ne dit pas autre chose : « Il rate tout depuis qu’il a été réélu. Au fond, il a même un peu raté sa campagne présidentielle. » Le président - réélu, rappelons-le - a-t-il perdu son modjo ? Non, bien sûr, répond-on côté majorité : « Le sens politique du président n’est pas remis en cause, ses intuitions sont partagées par beaucoup », croit le député MoDem Erwan Balalant.

On est pourtant loin du souffle du début de premier mandat. Mais « c’est sans doute une fatalité, il n’y a plus de surprise », note Bruno Cautrès. Il insiste : « Il n’a pas su se réinventer. Il fait toujours du Macron, grandiloquent et avec des références historiques appuyées, comme pour l’annonce du CNR. » En 2017, l’élection fulgurante d’un homme de 39 ans, qui ne s’était jamais présenté à aucune élection, parlait d’elle-même. Aujourd’hui, il a perdu son originalité. Le politologue du Cevipof va même jusqu’à se demander ce que Valérie Pécresse, Jean-Luc Mélenchon voire Marine Le Pen feraient de très différent dans ce contexte de crise. « Il y a un sentiment que les choses ne sont toujours pas très claires, on ne voit pas de calendrier ou de hiérarchisation des priorités. Il ne lui reste que quatre ans, ça va tellement vite ! »

Car Emmanuel Macron ne pourra pas se représenter une deuxième fois, et ça compte. Il va progressivement voir sa parole se démonétiser par la succession qui commencera à se jouer, jusque dans son camp. « A partir de la mi-mandat, après chaque initiative du président, les acteurs seront tentés de jouer la montre en se disant ''dans deux ans, il ne sera plus là, on verra après'' », pense Bruno Cautrès. Qu’Emmanuel Macron arrive ou pas à reprendre la main, il lui reste donc que peu de temps pour marquer son deuxième passage au pouvoir.