A Grenoble, les députés Verts pas encore mûrs cherchent encore leur style

TROISIEME VOIX Alors que les Journées d’été des écologistes se tiennent jusqu’à ce samedi à Grenoble, les écolos cherchent comment s’imposer entre des insoumis bruyants et des socialistes plus expérimentés

Rachel Garrat-Valcarcel
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Cyrielle Chatelain, co-présidente du groupe écologiste à l'Assemblée nationale, entourée des autres députés et députées, jeudi, à Grenoble.
Cyrielle Chatelain, co-présidente du groupe écologiste à l'Assemblée nationale, entourée des autres députés et députées, jeudi, à Grenoble. — ISA HARSIN/SIPA
  • Les écologistes sont réunis ce week-end pour leurs Journées d’été à Grenoble.
  • Depuis le retour des députés écologistes à l’Assemblée nationale, certains ont critiqué leur impréparation et les ont trouvés inaudibles.
  • La question de l’identité des écolos dans la Nupes se pose.

De notre envoyée spéciale à Grenoble (Isère),

C’est vrai que 23, le nombre de députés et députées écologistes élus en juin, est le plus grand groupe parlementaire de l’histoire de l’écologie politique en France. Ça, on l’a bien entendu aux Journées d’été des écologistes qui se tiennent depuis jeudi, et jusqu’à samedi, à Grenoble (Isère). Ces 23, au milieu des 577 membres de l’Assemblée nationale, et même dans les 151 de la Nupes (Nouvelle Union populaire écologique et sociale), ne pèsent pas forcément bien lourd. Pas assez, en tout cas, pour certains et certaines en interne qui ont trouvé les nouveaux élus peu audibles et impréparés. Rude, après seulement quelques semaines de mandat.

Le résultat d’un rapport toujours compliqué des écolos à leurs élus ? « Il y a quelques années chez les Verts, être élu, c’était toujours un peu trahir. Mais ce n’est plus le cas, assure David Cormand, ancien secrétaire national, aujourd’hui député européen. Aujourd’hui les militants sont fiers de leurs élus, même s’ils peuvent leur remonter les bretelles parfois. »

Trouver ses marques

Chacun et chacune rappelle que la plupart des députés et députées du groupe écolos sont nouveaux au palais Bourbon, que leur groupe était à créer, contrairement aux trois autres composantes de la Nupes. « La France insoumise était forcément mieux organisée, les choses vont se rééquilibrer », croit Yannick Jadot. Du côté de la direction d’EELV, on défend bec et ongles le travail des élus verts : « Je ne sais pas ce que c’est d’être impréparé quand on a réussi à passer tant d’amendements, tonne la numéro 2, Léa Balage El Mariky. On a réussi à être audible sur l’interdiction des  jets privés, sur la répartition des efforts de sobriété. Les députés sont audibles auprès des habitants de leurs circonscriptions. Etre audible sur Twitter ça change la vie de personne, mais audible auprès du préfet quand il y a besoin, ça change radicalement les choses. »

Les députés eux-mêmes semblent presque plus coulants. « On a encore une marge de progression », concède par exemple le député des Yvelines Benjamin Lucas : « On est au service de ceux qui nous on fait confiance. Si certains estiment qu’on ne fait pas totalement le job, il faut en tenir compte. » La coprésidente du groupe écologiste, Cyrielle Chatelain, locale de l’étape, reconnaît que le bon ton n’a pas encore été totalement trouvé : « Il y a un style écolo : être travailleur, on est des élus de dossiers, on va chercher des compromis ambitieux, c’est notre base. La question c’est comment on arrive à se faire entendre en emportant des victoires et rendre plus visible ce travail. »

« Porter radicalement les choses »

A cette question, certaines ont déjà des réponses : Mélissa Camara, qui devrait porter les couleurs du courant de Sandrine Rousseau au congrès d’EELV de décembre, estime que la députée écoféministe de Paris trace la voie à suivre. « Elle a une voix forte et audible, notamment sur les questions sociales. Pour se distinguer il faudra porter des convictions fortes, porter radicalement les choses. » La conseillère municipale de Lille le précise tout de suite : « Cela ne veut pas forcément dire faire du bruit. » Car bien souvent, ceux qui prônent une certaine radicalité se font répondre « on ne va pas mimer La France insoumise, comme le dit Cyrielle Chatelain. Ce ne sera jamais notre stratégie ».

La singularité dans le débat se trouvera « sur la façon dont on s’empare de sujets. Sur la question du climat, de la biodiversité, on a l’expérience, on sait ce qu’il faut faire, analyse Yannick Jadot. L’ancien candidat à l’élection présidentielle veut à tout prix éviter que les écologistes participent à un blocage politique : Les Français attendent de l’Assemblée nationale qu’elle améliore leurs vies. Il s’agit donc d’alimenter le débat, le travail et d’être prêt à faire des compromis. Pas n’importe lesquels bien sûr ! Mais être opposé à tout ça ne peut pas être la position des écologistes. » « Il faut qu’on soit solides sur le fond, abonde David Cormand. Qu’on insiste sur nos points forts, comme Delphine Batho, qui a été ministre, c’est la plus capée de toute la Nupes ! »

« Distinction positive »

En filigrane, c’est la question de l’identité des écologistes qui est en question : la Nupes, chez EELV, quand bien même on l’aime à des degrés divers, tout le monde semble pour, à la condition que l’identité des écologistes ne s’y dissolve pas. Mais la question de la distinction avec les partenaires de l’alliance est à double tranchant : « Quand je suis arrivée dans ce parti, on passait notre temps à se définir par rapport au PS. Je ne veux pas que ça recommence avec la Nupes », explique Marine Tondelier, favorite pour prendre la tête d’EELV au prochain congrès. « Très à l’aise » dans la Nupes, le maire de Grenoble, Eric Piolle, n’a « aucune crainte, l’ADN écologiste est suffisamment fort », d’après lui.

« L’identité écologiste, c’est important, mais ça n’est pas ça qui va intéresser les gens », prévient Benjamin Lucas, venu lui de Génération•s (le parti créé par Benoît Hamon, qui siège avec EELV à l’Assemblée nationale). Lui est plus dans l’idée d’une complémentarité avec les autres forces de la Nupes, au pire une « distinction positive », selon sa formule. La maire de Poitiers,  Léonor Moncond’huy, élue à la tête d’une très large coalition en 2020 dans sa ville, cherche à rassurer les siens : « Nous ne devons pas avoir peur d’espace comme la Nupes en tant que militants. Chaque couleur est d’autant plus forte que celle d’à côté l’est aussi. Porter fortement la parole écologiste sert la cause de la Nupes. » Au fond, cela fait des années que la grande majorité des électeurs et électrices de gauche vont d’écolos en socialistes ou encore insoumis, sans forcément en faire un cas de conscience identitaire dans l’isoloir.