Paris : Quelle image Didier Lallement va-t-il laisser de la préfecture de police ?

SECURITE Didier Lallement devrait quitter ses fonctions ce mercredi 20 juillet, après un peu plus de trois ans à la tête de la préfecture de police de Paris

Manon Aublanc
— 
Didier Lallement, le préfet de police de Paris, à Paris, le 18 mars 2020.
Didier Lallement, le préfet de police de Paris, à Paris, le 18 mars 2020. — AFP
  • Le départ de Didier Lallement, préfet de police de Paris, devrait être acté ce mercredi 20 juillet à l’issue du Conseil des ministres.
  • Le fonctionnaire avait été nommé en mars 2019 après des débordements lors de manifestations des « gilets jaunes ».
  • Les trois ans de mandat de l’homme de 65 ans, connu pour sa fermeté, ont été marqués par un tournant répressif dans le maintien de l’ordre.

Rarement un préfet de police n’aura suscité autant d’hostilité. Après trois années passées sur l’île de la Cité, Didier Lallement va quitter ses fonctions à la tête de la préfecture de police de Paris. Son départ devrait être acté ce mercredi, à l’issue du Conseil des ministres. Les méthodes de maintien de l’ordre du fonctionnaire de 65 ans, jugées brutales par une partie de l’opinion publique et de certains politiques, l’ont plongé à plusieurs reprises sous le feu des critiques. Et au sein même de ses propres effectifs, les avis divergent d’un policier à un autre. Avec une question en toile de fond : quelle image de l’institution va-t-il laisser ?

« Une police uniquement répressive »

S’il y a bien un mot qui résume le mandat de Didier Lallement, c’est la fermeté. En mars 2019, son prédécesseur, Michel Delpuech, est limogé. Le préfet de l’époque est accusé d’être trop « doux » face aux débordements des manifestations des « gilets jaunes », et notamment le saccage de l’Arc de Triomphe. C’est Didier Lallement, alors en poste en Nouvelle-Aquitaine, qui prend la suite à Paris et en petite couronne. Face aux manifestants et aux casseurs, il demande aux policiers d’aller directement au contact de la foule.

Pour ça, le préfet de police de Paris serre la vis lors des manifestations suivantes : des milliers d’arrestations, l’utilisation de lacrymogènes et de lanceurs de balles de défense (LBD), ou encore le recours systématique à la nasse, une technique d’encerclement controversée. « Il a montré une forte autorité, mais au vu du contexte, il n’avait pas le choix. Et heureusement qu’il l’a fait », estime Fabien Vanhmelryck, secrétaire général d’Alliance-Police national.

Angelo Bruno, secrétaire national délégué Unité SGP – FO d’Ile-de-France, reconnaît que « ce dispositif était nécessaire dans un premier temps, car les forces de l’ordre avaient perdu le contrôle des manifestations. Mais quand les policiers ont repris le dessus, il aurait dû calmer le jeu sur la répression ». « Cette police uniquement répressive n’a pas amélioré notre image au sein de la population, ça l’a même clairement détériorée », regrette une autre source syndicale.

Une impopularité grandissante

En haut de la liste des dispositifs répressifs utilisés par Didier Lallement, figure la BRAV-M, la brigade de répression des actions violentes motorisées. Plus simplement : des policiers opérant en duo à moto. Créée en 2019 pour augmenter la mobilité des policiers et réagir aux débordements, cette brigade a régulièrement été pointée du doigt, car jugée trop brutale. Mais il fallait s’adapter aux manifestations devenues plus violentes, estime Fabien Vanhmelryck : « Il a su prendre la mesure du virage qu’ont pris les violences. Il fallait un nouveau maintien de l’ordre avec une rapidité d’intervention. C’est ce qu’il a fait avec ce dispositif qui a montré son efficacité ». Pour Bruno Angelo, c’est justement le recours systématique à cette unité qui pose problème : « Il en a fait son jouet. Il l’a trop utilisé et surtout pas à bon escient. Il a presque oublié les autres services d’intervention ».

Et sur le terrain de la communication, les quelques prises de paroles publiques de Didier Lallement n’ont pas amélioré sa popularité. Pourtant soumis à un devoir de réserve, comme son poste l’exige, le préfet de police de Paris a offert quelques sorties inhabituelles. Comme en novembre 2019, où, interpellé par une militante des « gilets jaunes », il répond : « Nous ne sommes pas du même camp, madame ! », avant de tourner les talons. Il reconnaîtra deux jours plus tard « une maladresse ». Ou en avril 2020, en plein déferlement du Covid-19, quand il épingle certains patients : « Ceux qui sont aujourd’hui hospitalisés, qu’on trouve dans les réanimations, sont ceux qui au début du confinement ne l’ont pas respecté. Il y a une corrélation très simple ». Le mea culpa arrivera quelques heures plus tard via un communiqué dans lequel le fonctionnaire affirme « regretter » ses propos.

« Une main de fer »

Et la liste est encore longue : violences lors d’une manifestation féministe en mars 2020, évacuation musclée de migrants place de la République en novembre de la même année, conflit sur la gestion du crack à Paris… En décembre 2020, plus de 70 élus parisiens avaient même réclamé sa démission : « La présence de M. Lallement au poste de préfet de police de Paris non seulement n’est pas, comme l’exigerait sa fonction, une garantie de protection de la sécurité des Parisien.ne.s, mais plus encore qu’elle les met en danger », avaient-ils écrit dans un courrier adressé à Emmanuel Macron. Plus récemment, c’est le chaos lors de la finale de la Ligue des champions, au Stade de France, qui a remis la lumière sur lui.

A l’heure de son départ, au sein des forces de l’ordre, certains dépeignent un homme froid, pas vraiment partisan du dialogue avec ses effectifs. « Il a dirigé la préfecture d’une main de fer, c’est quelqu’un de très psychorigide, avec une idée précise de ce que doit être la police. Il n’était pas partisan du partage, il décidait sans prendre en compte les remarques qu’on pouvait lui faire », décrit une source syndicale. « Son mandat a été un des plus difficiles avec la période tourmentée que l’on connaît, il faut quand même le reconnaître. Le dialogue, il le gère de la même manière que l’ordre, avec autorité et fermeté », tempère de son côté Fabien Vanhemelryck.

Son successeur suivra-t-il le même chemin ? Selon des sources policières et plusieurs médias, Laurent Nuñez, actuel coordonnateur national du renseignement et de la lutte contre le terrorisme, qui est le grand favori pour héritier du prestigieux poste.