Législatives 2022 : « Programme caché », contestation des résultats… Jean-Luc Mélenchon et la Nupes font feu de tout bois

STRATEGIE Jean-Luc Mélenchon et ses alliés se montrent offensifs depuis dimanche, accusant notamment la macronie d’avoir « bidouillé » les résultats du premier tour des législatives

Thibaut Le Gal
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Julien Bayou (EELV), Jean-Luc Mélenchon et Adrien Quatennens (LFI)
Julien Bayou (EELV), Jean-Luc Mélenchon et Adrien Quatennens (LFI) — STEPHANE DE SAKUTIN / AFP
  • Depuis dimanche, les responsables de la Nupes se montrent très offensifs contre le camp présidentiel.
  • La coalition de gauche a accusé la macronie d’avoir « bidouillé » les résultats du premier tour.
  • Jean-Luc Mélenchon et ses alliés ont aussi affirmé que le gouvernement projetait d’augmenter la TVA, ce que démentent fermement les macronistes.

« Son bateau coule, Macron prend l’avion ». Jean-Luc Mélenchon était visiblement très en forme, mardi soir, lors d’un meeting à Toulouse. Le patron de la France insoumise a accusé le chef de l’Etat de « mépriser » le scrutin en se déplaçant dans l’est de l’Europe à quelques jours du second tour des législatives. Depuis dimanche, le ton est monté de plusieurs crans entre la coalition présidentielle (Ensemble !) et l’union de la gauche (Nupes), arrivées au coude-à-coude au premier tour. Au sein de la Nouvelle union populaire, écologique et sociale, on estime que la macronie a « bidouillé » les résultats du scrutin.

« Se faire voler la première place, c’est grave »

A l’image de Jean-Luc Mélenchon, hier soir encore, les responsables de gauche n’en démordent pas. Ils accusent le ministère de l’Intérieur de ne pas avoir pris en compte l’ensemble des candidats Nupes dans les résultats officiels pour faire apparaître le camp présidentiel en tête. Des « mœurs de République bananière », a jugé le patron de LFI. « Se faire voler la première place, c’est quand même grave. Il ne faut rien laisser passer », abonde l’eurodéputé écologiste David Cormand. « C’est une récidive, ils avaient déjà tenté de dissocier les partis constituant la Nupes avant le premier tour, mais le Conseil d'Etat nous a donné raison. Nous sommes d’une combativité absolue, ce qui tranche avec les campagnes législatives habituelles », complète l’ex-patron d’EELV.

Une combativité qui vire parfois à l’excès ? Lundi, devant les caméras de télévision,  le leader de la Nupes a émis des doutes sur les précédentes élections. « Est-ce que ça a déjà été le cas avant ? On a un gros doute maintenant sur ce qu’ils sont capables de faire pour manipuler les résultats. Tout d’un coup, je me dis, on n’a jamais contrôlé, ni au départ ni à l’arrivée, les votes électroniques. Hier il y en a eu un certain nombre, c’est étrange… ». Ces propos, jugés « complotistes » au sein du gouvernement, ont créé le malaise jusqu’à certains membres de la Nupes. « Je ne suis pas dans ces polémiques-là car le vote électronique est nécessaire. On a plutôt raison d’insister sur le fait que les macronistes sont tombés dans l’outrance et la caricature », balaie Corinne Narassiguin, le numéro 2 du Parti socialiste.

Le style Mélenchon adopté par la Nupes ?

Les sorties tonitruantes de Jean-Luc Mélenchon n’étonnent pas vraiment, tant le tribun nous y a habitués ces derniers mois. Mais il est plus surprenant de voir les responsables socialistes et écologistes, au ton traditionnellement plus feutré, accompagner cette stratégie après l'avoir si souvent dénoncée. « Jean-Luc Mélenchon a compris comment franchir le mur du son, comme il l’a fait sur la police, pour lutter contre une espèce de torpeur, que souhaite installer LREM. Le style de Mélenchon n’est pas le notre, mais les gens ont tranché ce débat à la présidentielle avec ses 22 %. Cette tonalité du récit est adaptée à la mobilisation », juge David Cormand, alors que la participation sera l'un des enjeux du scrutin dimanche.

En clivant au maximum le débat public, Jean-Luc Mélenchon espère mobiliser les siens, comme il a pu le faire en avril dernier. « Dans la coalition, chacun garde sa culture politique. La radicalité dans l’expression est une façon de faire qui n’est pas celle du PS, mais il faut reconnaître que les insoumis savent faire des choses qu’on ne sait plus faire », ajoute Corinne Narassiguin. Et notamment de sacrés coups politiques. 

« Ce qu’ils racontent depuis dimanche, ce sont des fake news ! »

Ciblé depuis quelques semaines par les macronistes sur la crédibilité économique de leur projet, le leader insoumis a contre-attaqué depuis dimanche, profitant d’un flou dans le programme d’Emmanuel Macron. En fin tacticien, Jean-Luc Mélenchon a affirmé que le gouvernement « cachait » une future augmentation de la TVA dans sa promesse d’un retour à 3 % de déficit à la fin du quinquennat. « C’est ce qu’ils ont promis à la Commission européenne pour 2027, 80 milliards d’euros d’économie, et peut-être encore plus, car la croissance ne sera pas au rendez-vous. Puisqu’ils disent qu’ils n’augmenteront pas les impôts [directs], où vont-ils faire ces économies ? », interroge l’insoumis Eric Coquerel, député sortant de Seine-Saint-Denis.

Du côté de Bercy, on rappelle que le chef de l’Etat s’est au contraire engagé à baisser les impôts les cinq prochaines années, nous renvoyant vers les propos du ministre de l’Economie. Bruno Le Maire a ainsi dénoncé sur BFMTV mardi  les «fake news» et « le complotisme » de la Nupes, évoquant par ailleurs la réforme des retraites, la transformation du marché du travail et le plein-emploi, comme pistes pour faire entrer de l’argent dans les caisses de l’Etat.

La piste d’une augmentation de la TVA, reprise par les membres de la Nupes sur tous les plateaux, ne repose a priori sur aucune preuve. Mais elle oblige les macronistes à sortir du bois en évoquant un projet que la campagne présidentielle n’a pas vraiment éclairé. « A défaut d’avoir un programme en face, on est obligés de déduire des pistes. Cela permet d’amorcer un semblant de débat, confie David Cormand. Dans cette campagne, on joue toutes les balles, on court après et on renvoie. Jusqu’à la fin du match, on ne laissera rien passer ».