Présidentielle 2022 : La valse hésitation d’Anne Hidalgo face à la Primaire populaire brouille encore son message

CAMPAGNE En renonçant à la Primaire populaire si Yannick Jadot ne s'y rallie pas, la candidate socialiste donne à nouveau l’impression de virer de bord dans sa stratégie de campagne

Rachel Garrat-Valcarcel
Anne Hidalgo, la candidate socialiste, en septembre. (archives)
Anne Hidalgo, la candidate socialiste, en septembre. (archives) — LUDOVIC MARIN / POOL / AFP
  • Anne Hidalgo l'a affirmé mardi : elle ira jusqu’au bout de sa campagne si jamais Yannick Jadot ne se rallie pas à la Primaire populaire.
  • Si le PS se défend de tout revirement, c’est pourtant l’impression que donne la candidate socialiste depuis quelques semaines.
  • La stratégie du PS vis-à-vis de la primaire paraît plus floue que jamais.

Commençons cet article par un aveu : il a parfois été nécessaire de relire une ou deux fois certains épisodes des dernières semaines pour être bien sûr de tout comprendre à la stratégie du PS et  d'Anne Hidalgo dans cette  campagne présidentielle. Dernier épisode en date : mardi matin, la candidate  annonce sur France 2 que  la Primaire populaire, à laquelle elle s’est ralliée début décembre, « n’aurait pas de sens » si elle ne réunissait qu’elle, Arnaud Montebourg et – probablement – Christiane Taubira. Sous entendu : sans  Yannick Jadot, il n’y aura pas de candidature unique de la gauche et « chacun portera ses couleurs et je le ferai de mon côté ».

Un pas en arrière, un pas en avant : c’est l’impression que le PS et sa candidate peuvent donner ces derniers temps. Il n’en est rien, affirme pourtant le sénateur socialiste de Paris Rémi Féraud, proche de la maire de Paris : « Anne Hidalgo toujours dit la même chose depuis le début. Mais je vois bien le tour de passe-passe qui consiste à faire croire que c’est elle qui renonce à la primaire alors que c’est Yannick Jadot qui la refuse. » Pour lui, il s’agit surtout de mettre – une nouvelle fois – la pression sur les écologistes : « Jadot fait une erreur d’analyse, il aurait marqué beaucoup de points en disant ''tope-la'' tout de suite. Si vraiment c’était l’heure historique des écologistes, comme il le dit, alors il serait sûr de remporter la primaire. »


« Un peu paumés »

Dans la pratique, ce n’est pas si clair et, sur le terrain, « les militants sont un peu paumés », explique un cadre local du PS. Rémi Féraud, qui lui aussi voit bien les militants de son coin s’interroger, reconnaît que la déclaration de mardi d’Anne Hidalgo avait aussi pour but de rassurer dans son propre camp. Pas certain qu’elle soit parvenue à ses fins : chez plusieurs socialistes interrogés par 20 Minutes, c’est la « surprise » qui domine. Idem pour une source proche de l’organisation de la Primaire populaire : « On ne se reconnaît pas dans les dernières déclarations. Les échanges qu’on a avec le PS sont plutôt positifs. »

Outre la question de la participation pure et simple d’Anne Hidalgo à la Primaire populaire, deux points semblaient faire particulièrement l’objet de tractations. D’abord la question du mode de scrutin. Le vote est prévu au « jugement majoritaire » en un tour – c’est-à-dire un classement des candidats par ordre de préférence des votantes et votants – alors que le PS voudrait une élection uninominale majoritaire à deux tours, comme pour la présidentielle. Fin décembre, Mathilde Imer, porte-parole de la Primaire populaire reconnaissait qu’il y avait des « discussions » sur le sujet mais défendait le projet : « Ce serait une erreur de la part du PS. Car un vote à deux tours prend du temps, et Anne Hidalgo elle-même est habituée au jugement majoritaire : elle l’a utilisé pour son budget participatif. »

Trop tard ?

Autre point en question : la possibilité de créer des points de vote physiques. « Le PS a raison de vouloir élargir la base électorale » de la primaire, pense un collaborateur parlementaire socialiste interrogé ce mercredi. Mais là aussi, c’est compliqué : outre la cinquième vague de Covid-19, pas simple de mettre en place la logistique en quelques semaines. Consciente du risque de fracture numérique, la Primaire populaire est d’ailleurs en train de former ses militants pour amener d’autres populations vers le vote. Un premier pointage sur le nombre de personnes inscrites pour voter (et non pas seulement signataires de l’appel à la primaire) devrait être publié en début de semaine prochaine, prévoit une source proche de l’organisation.

Il reste « grosso modo une semaine », comme l’a dit Anne Hidalgo, pour débloquer la situation. Mais au fond, n’est-ce pas déjà trop tard ? « J’ai un peu l’impression qu’elle a perdu beaucoup de gens en changeant de stratégie régulièrement », déplore le collaborateur interrogé par 20 Minutes. Peut-être même jusqu’aux parlementaires, dont un certain nombre en viennent presque à penser, selon la même source, « qu’une primaire que gagnerait Christiane Taubira, ça serait pas mal. Que ça aurait un peu plus de panache ».

Si la proposition d’organiser une primaire à gauche « était un joli coup stratégique », estime le cadre local du PS interrogé par 20 Minutes, elle n’a toutefois as infléchi la courbe des sondages… ou alors négativement. « C’est normal qu’on soit à ce niveau-là, plus personne ne sait ce que sont nos positions, râle le cadre. Au moins Mélenchon, lui, est malin : il refuse de parler de l’union de la gauche et a du temps pour parler de son programme. »