Présidentielle 2022 : Comment la primaire populaire fonctionne-t-elle ?

UNION L’initiative pour l’union de la gauche a connu un coup de boost avec les ralliements d’Anne Hidalgo et peut-être de Christiane Taubira. Mais en quoi consiste-t-elle ?

Rachel Garrat-Valcarcel
— 
La Primaire populaire, c'est quoi ? — 20 Minutes
  • La « Primaire populaire », initiative qui vise le rassemblement de la gauche pour la présidentielle, a été lancée en mars 2021.
  • Elle a connu un coup d’accélérateur avec le ralliement d’Anne Hidalgo et la possible candidature de Christiane Taubira, sans que les autres poids lourds ne soient pour l’heure partants.
  • Rendez-vous est fixé fin janvier pour le vote, qui se veut novateur dans sa forme.

Vous n’en avez peut-être pas encore entendu parler, mais ça pourrait bien changer. La « Primaire populaire », initiative qui vise le rassemblement de la gauche pour la présidentielle, a clairement changé de dimension ces dernières semaines. Après le ralliement  d’Anne Hidalgo le 9 décembre, et la déclaration de  Christiane Taubira, qui « envisage » une candidature, le 17 décembre, la pression est désormais forte sur Jean-Luc Mélenchon et  Yannick Jadot, qui refusent toujours le processus.

Ce qui s’annonçait comme un évènement annexe de la campagne pourrait bien peser de la force des – pour l’instant – 300.000 personnes inscrites pour voter fin janvier. Mais cette Primaire populaire, c’est quoi, au juste ? 20 Minutes vous explique.

Qui est derrière ce projet ?

« De jeunes militants et entrepreneurs de l’économie sociale et solidaire, annonce Mathilde Imer, l’une des porte-parole de la Primaire populaire. Des gens qui voient bien qu’ils n’auront jamais les manettes du pouvoir à temps, alors que c’est maintenant que ça se joue. » On y trouve effectivement de nombreux militants et militantes issues de la mobilisation des jeunes pour le climat, mais aussi d’autres venues des mouvements féministes. Il y a aussi des « gilets jaunes », des anarchistes, des abstentionnistes… Certains sont tout simplement militants et militantes au PS, à EELV ou à la France insoumise. « Ce n’est pas tous les jours évident de concilier tous ces profils variés, mais on avance ensemble », dit Mathilde Imer. Et si des jeunes sont à la base du mouvement, on trouverait aujourd’hui dans l’organisation autant de plus de 30 ans que de moins de 30 ans.

La Primaire populaire salarie une trentaine d’équivalents temps plein et revendique environ 5.000 bénévoles dans 80 groupes locaux à travers la France. Récemment, Jean-Luc Mélenchon a reproché à certains des organisateurs d’avoir été, au moins un temps, macronistes. Une critique balayée par Mathilde Imer : « Depuis qu’on existe, on a été taxé d’être proche des socialistes, proches des écolos, proches des insoumis. Maintenant, on nous dit proches des macronistes… On a longtemps été ignoré, moqué, mais aujourd’hui, nous sommes attaqués parce qu’on fait bouger les choses. »

Depuis quand existe-t-elle ?

Autre reproche, notamment entendu dans la bouche de Yannick Jadot, le candidat EELV : le caractère présumément improvisé de l’initiative, qui sortirait du chapeau à quatre mois de la présidentielle. « On existe depuis mars 2021 ! », s’insurge Mathilde Imer. Le vote, qui doit avoir lieu fin janvier, ne sera ainsi que la troisième étape du processus engagé voici neuf mois. La première étape, avant l’été, a été la définition d’un « socle commun » programmatique. « On a travaillé pendant cinq semaines avec l’ensemble des acteurs politiques, y compris des gens du PS, d’EELV et de LFI », rappelle la porte-parole.

La deuxième étape, à la rentrée : le choix des candidatures, via un système de parrainages citoyens. Au final, dix candidatures ont été présélectionnées : Anne Hidalgo, Jean-Luc Mélenchon, Christiane Taubira, Yannick Jadot, mais aussi Pierre Larrouturou, député européen proche du PS, Charlotte Marchandise, ancienne conseillère municipale de Rennes, Anna Agueb-Porterie, militante écologiste, Gaël Giraud, économiste, Clémentine Autain et François Ruffin, tous deux députés LFI. Les trois derniers cités ne souhaitant pas être candidats à la présidentielle, il ne sera pas possible de voter pour eux fin janvier, lors de la troisième étape.

Comment le vote va-t-il se dérouler ?

Le scrutin doit avoir lieu du 27 au 30 janvier 2022. Pour voter, il faudra s’inscrire sur la plateforme électronique de la Primaire populaire avant le 23 janvier. Pour prouver la crédibilité du processus, Mathilde Imer souligne que le prestataire de service est celui ayant organisé la primaire écologiste et le congrès LR.

N’importe qui peut s’inscrire gratuitement (même si une empreinte bancaire est demandée), mais il y a trois conditions : avoir au moins 16 ans, être de nationalité française, et « se reconnaître dans l’esprit du socle commun », précise Mathilde Imer. Pour l’heure, 300.000 personnes pourront voter, sachant qu’il reste encore plus d’un mois pour s’inscrire et que la notoriété de l’initiative est, disons, naissante. Pour mémoire, environ 120.000 personnes étaient inscrites pour la primaire écologiste, et environ 140.000 pour le congrès LR.

Quel sera le mode de scrutin ?

C’est l’une des innovations de la Primaire populaire : on n’y votera pas au scrutin uninominal majoritaire à deux tours, comme à la présidentielle, mais via un scrutin au jugement majoritaire à un tour. Qu’est-ce donc ? « Au lieu de devoir choisir entre l’ensemble des candidats, vous mettez une mention à chacun et chacune d’entre elles », explique Mathilde Imer. Concrètement, sur le bulletin de vote virtuel, il faudra juger chaque candidature avec l’un de ces cinq mots : « excellent », « bien » , « passable » , « insuffisant », « à rejeter ». Le ou la candidate ayant la meilleure mention médiane gagne. L’avantage, selon la porte-parole, est qu’on « évite le système de vote utile, du vote pour le moins pire, du vote contre… Et les résultats sont moins humiliants que dans les autres modes de scrutin. Il sera plus facile de construire une équipe autour du vainqueur. »

Un choix audacieux dans un pays très habitué à la « simplicité » du scrutin majoritaire. Et un choix d’ailleurs contesté, notamment au Parti socialiste, où l’on semble plaider pour un retour au mode de scrutin « traditionnel ». « Il y a des discussions », reconnaît Mathilde Imer. « Ce serait une erreur de la part du PS. Car un vote à deux tours prend du temps, et Anne Hidalgo elle-même est habituée à ce mode : elle l’a utilisé pour son budget participatif. »

Autre risque : le fait d’avoir des résultats peu lisibles pour qui n’est pas spécialiste. Et donc sujets à contestation ? Mathilde Imer pense qu’il ne faut pas prendre les citoyens et citoyennes pour des idiots : « C’est nouveau, on peut comprendre que ça déboussole… Mais on propose un processus qui ramène à la politique des gens qui s’en sont éloignés. On ne peut pas déplorer à chaque élection l’augmentation de l’abstention sans rien faire. »