Régionales : Et s'il n'y avait pas de majorité dans certaines régions ?
HYPOTHESES Certains sondages évoquent la possibilité que, dans certaines régions, la liste gagnante n’ait pas assez de voix pour obtenir une majorité absolue en sièges au conseil régional
- Depuis 2004, on a pris l’habitude que la liste en tête au soir du second tour des élections régionales soit majoritaire au conseil régional.
- Face à l’éclatement de l’offre politique cette année, cela pourrait changer : certains sondages indiquent que dans trois ou quatre régions, le vainqueur pourrait ne pas avoir assez de sièges pour avoir la majorité absolue au conseil régional.
- Que pourrait-il se passer dans ce cas-là ?
Les élections régionales ne se termineront peut-être pas au soir du second tour, le 27 juin. La semaine qui suivra, jusqu’à l’élection des présidents et présidentes des conseils régionaux, parfois appelée « 3e tour », pourrait être sportive dans certaines préfectures. En cause, la possible absence de majorité absolue pour la liste gagnante le soir du 27 juin, évoquée dans au moins quatre régions dans des sondages publiés cette semaine.
Depuis 2004, tout est pourtant fait pour éviter les surprises au « 3e tour ». L’actuel mode de scrutin prévoit que la liste arrivée en tête au second tour obtient une prime de 25 % des sièges du conseil régional, les sièges restants sont distribués à la proportionnelle entre toutes les listes ayant obtenu plus de 5 %. De ce fait, la liste arrivée en tête est presque sûre d’avoir plus de 50 % des sièges au conseil régional, même si elle n’a pas eu plus de 50 % des voix. Presque sûre, car si le vainqueur obtient moins de 33 % des voix, alors il manque la majorité absolue pour quelques sièges (voir encadré).
Un éclatement de l’offre politique
Cette hypothèse semble bien réelle : en Pays-de-la-Loire, dans le Centre, en Bourgogne-Franche-Comté ou encore dans le Grand-Est, des sondages indiquent que la liste gagnante pourrait ne pas obtenir ces fameux 33 %. Cette situation nouvelle est liée à « l’éclatement de l’offre politique et l’apparition d’un centre autonome, mesuré à des niveaux relativement faibles au 1er tour mais malgré tout en position de se maintenir dans la plupart des régions », indique Mathieu Gallard, directeur d’études chez Ipsos interrogé par 20 Minutes.
Mais dans ce cas que se passerait-il ? D’abord il faut savoir que des conseils régionaux sans majorité absolue, cela n’est pas tout à fait nouveau. De 1986 à 1998, les élections régionales avaient lieu en un seul tour à la proportionnelle intégrale. Et la plupart du temps, il n’y avait pas de majorité absolue. Si pareil cas devrait se reproduire en 2021, « on reviendrait au fond aux négociations pour la constitution de majorités qu’on avait déjà connues à cette période », pense Pascal Perrineau, professeur à Science po, interrogé par 20 Minutes.
Sans majorité, trois façons de faire
Trois options sont sur la table dans ce scénario. La première est celle de la coalition. « Des partis pourraient discuter un certain temps pour s’allier », décrit Mathieu Gallard. La deuxième est celle des débauchages individuels de la liste en tête chez les perdants : « Après tout il est probable que la liste gagnante ne manque la majorité absolue que de quelques sièges », précise le sondeur de chez Ipsos. La troisième enfin consisterait pour la liste en tête à gouverner sans majorité pérenne mais au cas pas cas, sujet par sujet, avec les autres groupes. « Ça n’est pas sans rappeler ce qu’à fait Michel Rocard quand il était Premier ministre sans majorité absolue à partir de 1988 : un coup il était majoritaire avec les communistes, un coup avec le centre », rappelle Mathieu Gallard.
Un cas paraît plus délicat que les autres : si la liste du Rassemblement national gagne au second tour, mais échoue à deux ou trois sièges de la majorité absolue au conseil régional. Un tel scénario ne pourrait-il pas accélérer les tentatives de rapprochement avec la droite de Les Républicains ? « La tentation pourrait être à l’œuvre, mais on peut penser que les appareils nationaux interviendraient. Ce type d’alliance casserait la dynamique de la droite qui va se chercher un candidat à la présidentielle à partir de la rentrée », croit Pascal Perrineau.
Le précédent de 1998
La tentation, et même plus que la tentation, a déjà existé : en 1998, contre les consignes des leaders nationaux de la droite et même de Jacques Chirac, alors président, c'est grâce aux élus et élues du Front national que huit candidats de droite sont devenus présidents de régions, parfois avant de démissionner. C’est d’ailleurs ce qui a poussé à la modification du mode de scrutin. Plus encore : en 1986, Jean-Claude Gaudin, pas encore maire de Marseille à l’époque, avait été élu président de la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur grâce au vote du FN… qui obtint même plusieurs vice-présidences dans l’exécutif régional. « Mais cette fois il s’agirait pour la droite de s’allier avec un RN en tête. Ça n’est pas la même chose », tempère Pascal Perrineau.
Cela dit, hypothèse d’avant premier tour ne fait pas l’élection. Les sondages de second tour réalisés aujourd’hui, avant le premier, se basent sur des scénarios possibles, mais pas certains. « Tout reste très flou : on ne sait pas encore exactement qui pourra se maintenir, qui pourra fusionner ses listes. On annonce aujourd’hui quatre listes au second tour dans certaines régions mais qui sait s’il n’y en aura pas que trois ? », prévient le politologue. La perspective de victoires du RN pourrait aussi pousser certaines listes au retrait, notamment certaines listes LREM sur lesquelles « la pression sera très forte » pense Mathieu Gallard.
A plus d’une semaine du premier tour, certains candidats ont visiblement bien conscience du risque : au soir de la publication d'un sondage Ipsos dans le Grand-Est qui donne une victoire de la liste RN au second tour mais avec seulement 32 % des voix, le président sortant LR, Jean Rottner, crédité de 29 % dans cette hypothèse, n'a pas pas exclu une alliance avec la liste LREM, sondée elle à 19 %. Les tractations, ici ou ailleurs, ne font probablement que commencer : Jean Rottner avait dit l’exact inverse une semaine plus tôt.
Imaginons un conseil régional avec 100 sièges. Si la liste gagnante au second tour a obtenu 32 % des voix, elle gagne 25 sièges avec la prime majoritaire, plus 24 sièges à la proportionnelle (32 % des 75 sièges restants). Soit, au total, 49 sièges : moins que la majorité absolue (51 sièges).