Coronavirus : Maintenir la pression tout en esquissant un horizon positif, l’exercice d’équilibriste de l’exécutif
GESTION DE CRISE Les annonces de Jean Castex, ce jeudi, confirment que la stratégie locale, au jour le jour, reste la règle face au Covid-19
- Jean Castex a annoncé ce jeudi un confinement le week-end dans le Pas-de-Calais, mais pas dans les 22 autres départements désormais placés sous surveillance.
- La séquence est délicate pour l’exécutif, qui veut limiter autant que possible les nouvelles restrictions, bien que le Covid-19 circule activement dans certains territoires.
- Emmanuel Macron mise sur l’accélération de la vaccination, et des restrictions très ciblées, pour tenir jusqu’à une éventuelle sortie de crise à partir d’avril ou mai.
Temporiser, encore un peu. Depuis la décision de ne pas reconfiner le pays, fin janvier, l’exécutif maintient ce cap au fil des semaines. Ainsi, même si le gouvernement avait placé 20 départements en « surveillance renforcée » la semaine dernière – ils sont désormais 23 –, Emmanuel Macron a choisi de ne pas les confiner le week-end, à l’exception du Pas-de-Calais, comme l’a confirmé Jean Castex ce jeudi.
Pas d’explosion des cas ni de demande des élus
En matière de gestion de l’épidémie de coronavirus, la méthode reste inchangée, rappelle Matignon. « Il y a eu une concertation avec les élus des départements concernés, et on a aussi pris en compte le taux d’incidence local et la pression hospitalière. » Une gestion localisée et au fil de l’eau pour s’adapter à l’évolution de l’épidémie, alors que 26.788 nouveaux cas de coronavirus étaient enregistrés mercredi soir, et 3.637 malades en réanimation, le niveau le plus élevé depuis fin novembre.
« Dans le Pas-de-Calais, la situation s’est dégradée, avec une forte pression hospitalière, et les élus demandaient des mesures de freinage », poursuit l’entourage de Jean Castex. « Ailleurs, les élus n’en demandaient pas », d’où le choix de ne pas imposer de confinement le week-end en Ile-de-France notamment, et ce même si le taux d’incidence du Covid-19 en Seine-Saint-Denis est au même niveau que dans le Pas-de-Calais. « Les patients peuvent s’appuyer sur le réseau hospitalier francilien, donc la pression n’est pas la même », ajoute-t-on dans l’entourage du Premier ministre.
Ne pas donner le « go » à un relâchement des comportements
L’exécutif prête une grande attention à l’acceptabilité des mesures, alors que la lassitude des Français est forte, tout comme la défiance face à un éventuel reconfinement et face au couvre-feu, en vigueur depuis le 15 décembre 2020 et avancé à 18h à la mi-janvier. « Il faut donner des perspectives, car il y a une vraie fatigue des Français », reconnaît une source à l’Elysée. C’est ce qu’a esquissé Emmanuel Macron en répondant à un jeune homme qu’il fallait encore tenir « quatre à six semaines », lors d’un déplacement en Seine-et-Marne mardi. « La montée en puissance de la vaccination permet de concrétiser cet horizon », poursuit-on dans l’entourage du chef de l’Etat.
« L’exercice n’est pas simple », reconnaît-on à Matignon. « Il ne faut pas que l’absence d’annonces concernant certains départements soit perçue comme un "go" pour du relâchement. » Jean Castex a d’ailleurs annoncé ce jeudi de nouvelles restrictions dans les départements sous surveillance, comme le port du masque imposé dans toutes les zones urbaines et la possibilité accordée aux préfets d’interdire l’accès à certains lieux très fréquentés. « J’invite les habitants des 23 départements à ne pas sortir de leur département […]. Le virus frappe de manière encore inégale les différentes parties de notre territoire, évitons de le diffuser là où il demeure encore de moindre intensité », a également prié le Premier ministre.
L’importance de ne pas relâcher les efforts devrait être martelée au cours des prochaines semaines. L’exécutif estime néanmoins que le simple fait de placer des départements sous surveillance a un impact sur les comportements des habitants, avec moins de procès-verbaux pour non-respect du couvre-feu.
« Quelle est l’utilité du couvre-feu en Bretagne ? »
Mais cette stratégie ne convainc pas entièrement l’opposition. Le député du Nord Fabien Roussel, numéro un du Parti communiste, a déploré ce jeudi sur BFMTV un manque de « lisibilité » nationale de la politique du gouvernement, estimant qu'« on n’y comprend rien ». Il a aussi jugé que le mois de février, lors duquel il avait appelé à la mise en œuvre de mesures plus restrictives, avait été « gâché ».
Au Rassemblement national, Gilles Pennelle plaide pour une « territorialisation des mesures » dans les deux sens. « Dans les départements où le virus ne circule que très faiblement, pourquoi ne pas aller vers plus de libertés ? Quelle est l’utilité du couvre-feu en Bretagne ? », s’interroge le membre du bureau national, tête de liste RN pour les régionales en Bretagne.
A l’Elysée comme à Matignon, on estime en tout cas que ne pas reconfiner le pays fin janvier était « un bon choix ». « Il n’y a pas eu de troisième vague dévastatrice que certains scientifiques annonçaient », souligne une source à l’Elysée. Un choix qui permet de rendre l’acceptation de reconfinements localisés le week-end plus acceptable, selon l’exécutif.