Marseille : L'ancien député Henri Jibrayel nie avoir organisé des « croisières pour petits vieux » à des fins clientélistes

POLITIQUE L’ancien député socialiste de Marseille Henri Jibrayel dément avoir organisé des croisières à destination des personnes âgées de sa circonscription afin de conquérir cet électorat

Mathilde Ceilles
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Henri Jibrayel lors de son procès en 2020
Henri Jibrayel lors de son procès en 2020 — Mathilde Ceilles
  • L’ancien député socialiste de Marseille Henri Jibrayel est accusé d’avoir organisé des croisières au profit de personnes âgées de son secteur.
  • Ces croisières auraient des visées électoralistes selon l’accusation.
  • Henri Jibrayel clame son innocence.

« Le couillon, tout le monde sait qu’il était à bord, car y compris le jour de la croisière, il a été pris en photo », lance un cadre de la SNCM à un autre dans une conversation téléphonique interceptée par les enquêteurs, alors qu’il vient d’être auditionné. Le « couillon », ici, est plus connu à Marseille sous le nom d’Henri Jibrayel. Dans son costume noir, l’ancien poids lourd de la gauche marseillaise est passablement agacé de devoir s’expliquer à la barre du tribunal correctionnel, lui, le fils d’immigré libanais « né au fond d’un box de cheval » qui, il le jure, « ne triche pas ».

Ce retraité de la politique, longtemps député des quartiers Nord et conseiller général, a gardé à la barre cette éloquence des cadors des urnes qu’il n’est plus vraiment. Le public des réunions publiques d’hier a laissé place à un nombre restreint de magistrats, qui l’interrogent, ce lundi, sur des faits supposés d’abus de confiance et de prise illégale d’intérêt.

Des associations « qui roulent pour » Jibrayel

Elu au Palais Bourbon en 2007 puis réélu en 2012, Henri Jibrayel est soupçonné d’avoir organisé en mai 2011 et juin 2012 quatre mini-croisières offertes à des personnes âgées, un électorat prisé, via des clubs du troisième âge de sa circonscription. A chaque sortie en mer, 600 seniors étaient embarqués à bord d’un ferry de l’ex-SNCM pour une journée dans les calanques.

« Ce qui vous est reproché, c’est d’avoir été derrière l’organisation de ces sorties en mer », lance la présidente du tribunal correctionnel de Marseille, Céline Ballérini. Des sorties « financées par des associations qui roulaient » pour le député, d’après Céline Ballérini, avec, en arrière-plan, une visée « électoraliste », selon les termes de l’accusation. Ces associations, toutes issues de sa circonscription qu’Henri Jibrayel appelle son « territoire », voire son « chez moi », vivaient en effet exclusivement de subventions accordées par le conseil départemental au sein duquel Henri Jibrayel siégeait au moment des faits.

Simple « relais » ?

Selon plusieurs présidents d’associations du troisième âge de cette circonscription, ces sorties étaient perçues comme un « cadeau d’Henri Jibrayel », qui était présent lors de la réunion de présentation de cette croisière par l’association organisatrice. Une association dont le président, un grutier du port qui comparaît aux côtés de l’ancien député, semblait peu impliqué dans l’organisation de ces croisières, au contraire de sa vice-présidente aujourd’hui décédée, militante associative experte ès subventions, et accessoirement… attachée parlementaire d’Henri Jibrayel.

Pis encore, Henri Jibrayel serait intervenu dans la négociation sur les tarifs, dans le choix des dates, étant allé jusqu’à visiter les bateaux. Un rôle de premier plan que conteste en bloc l’ancien parlementaire, qui se pose en simple « relais » entre l’association de sa collaboratrice et le président du directoire de la SNCM. « On me demande de jouer l’entremise, s’agace-t-il. Je n’ai pas joué un autre rôle que celui d’un député. Un élu c’est quoi ? Un élu, on lui demande des services, c’est normal d’aider ses administrés ! »

Et de rappeler que, si manœuvre électoraliste il y a derrière ce remous politique qu’est l’affaire des croisières, elle n’avait pas fonctionné, puisque le député a été emporté par la vague LREM en 2017… Reste à savoir si cet argument convaincra l’avocat général lors de son réquisitoire ce mardi.