Gouvernement Castex : L’opiniâtre Joël Giraud osera-t-il relancer le débat sur le cannabis ?
LEGALIZE IT Le nouveau secrétaire d’Etat à la Ruralité est un partisan de la dépénalisation du cannabis. Ses amis le décrivent comme un homme politique courageux, capable d’ouvrir le débat avec Emmanuel Macron
- Le nouveau secrétaire d’Etat à la Ruralité Joël Giraud s’est dit favorable à la dépénalisation du cannabis dans plusieurs tribunes.
- Il préfère ne pas aborder le sujet alors qu’il vient d’être nommé dans un gouvernement hostile à cette idée.
- Les élus qui l’ont côtoyé dans les Alpes du Sud estiment toutefois qu’il pourrait faire changer d’avis Jean Castex et Emmanuel Macron.
Il portait des chemisettes à l’Assemblée Nationale. Débarquera-t-il en Conseil des ministres avec un tee-shirt « legalize it » ? Joël Giraud se décrit lui-même comme un « T-Rex du Palais Bourbon ». Selon Daniel Spagnou, maire de Sisteron, c’est en fait « un modéré, un homme de consensus. » Pour lui, c’est même « le ministre idéal. »
Malgré leurs divergences politiques, Daniel Spagnou, le Républicain des Alpes-de-Haute-Provence et Joël Giraud, le radical de gauche des Hautes-Alpes se sont toujours bien entendus. « Il a empêché que l’on nous ferme le train de nuit entre Paris et Briançon », applaudit Daniel Spagnou, qui estime que sans cette décision, le Parc national des Ecrins serait « fermé depuis longtemps. »
« Pas le moment » d’en parler
Et le cannabis, qu’en pense-t-il ? Le nouveau secrétaire d’Etat à la ruralité n’a pas eu le temps de donner sa position à 20 Minutes. « Ce n’est pas du tout le moment », analyse une proche. Joël Giraud a cosigné une tribune dans L'Obs, le 18 juin dernier, dans laquelle on peut lire qu’il faut « très vite dépénaliser l’usage du cannabis » pour « permettre un réel débat public. »
Les signataires de cette tribune, dont les députées Sylvia Pinel, Caroline Janvier, François-Michel Lambert et Jean-Luc Bennahmias, posent trois arguments :
- L’argument économique : « La légalisation créerait entre 30.000 et 80.000 emplois, notamment dans le secteur agricole. »
- L’argument sécuritaire : « Le coût de la répression est estimé entre 550 et 700 millions d’euros par an. »
- L’argument sanitaire : « Légaliser, c’est maîtriser la composition du produit. »
Selon la suppléante de Joël Giraud, il est « bien possible » que Joël Giraud aborde le sujet en Conseil des ministres. Claire Bouchet développe :
Il est courageux. Il n’a pas peur de lancer des débats. Il ne les gagne pas tous, mais il a souvent une bonne répartie et les prépare bien, donc cela fonctionne parfois. »
Le fait de gloire du député de 60 ans, ancien rapporteur du budget à l’Assemblée ? L’obtention d’une compensation à la suppression de l’impôt sur la fortune, en septembre 2017. Joël Giraud a obtenu l’augmentation des taxes sur les biens de luxe. « Sur certains sujets, c’est dur de le faire changer d’avis », estime Amélie de Montchalin, la secrétaire d’Etat chargée des Affaires européennes.
Mais le cannabis n’est pas un sujet comme les autres. « Je ne vous aurais pas répondu si j’avais su que vous me poseriez des questions là-dessus », s’est agacé Daniel Spagnou, tout en estimant que Joël Giraud « pourrait très bien poser la question en Conseil des ministres. » Mais pas tout de suite, car il prendra le temps de préparer son débat.
« Une source de diversification pour la production agricole »
« Le cannabis thérapeutique peut être une source de diversification pour la production agricole », souffle le maire sans étiquette de Tallard Jean-Michel Arnaud. « Mais ce n’est pas là-dessus qu’on l’attend, reprend immédiatement l’édile. Il faut redéfinir le pacte budgétaire entre les zones rurales et les métropoles. Aujourd’hui, à chaque fois qu’une zone urbaine touche un euro de dotation globale de fonctionnement, une zone rurale ne touche que 50 centimes. »
Il est assez évident que la question du cannabis n’est pas dans la feuille de route de Joël Giraud. Et le premier ministre Jean Castex a annoncé samedi « l’extension des compétences de la police municipale » et la généralisation de la « forfaitisation des délits de stupéfiants » : en clair, le paiement d’une simple amende en cas de contrôle d’un usager de cannabis.
« Le gouvernement veut contraventionnaliser l’usage pour désencombrer les tribunaux », analyse Martin Victor, militant en faveur de la légalisation du cannabis. Le chargé de projet au bus 31/32, à Marseille, est persuadé que Joël Giraud « n’est pas l’homme providentiel pour relancer le débat. Il est ouvert aujourd’hui. Il est récurrent. Mais est-ce qu’il est fécond ? Non. »