Coronavirus : « Stocks insuffisant », « manque d’anticipation »… Un premier rapport parlementaire pointe les « faiblesses » de la France
BILAN La mission d’information sur la crise du coronavirus a rendu mercredi un rapport d'étape sur les travaux qu’elle mène depuis début avril
- Début avril, une mission d’information parlementaire a été créée à l’Assemblée nationale pour étudier la gestion de la crise du coronavirus. Les députés ont mené des auditions de ministres, préfets, élus, syndicats et scientifiques.
- Un rapport d’étape a été présenté mercredi, sous la forme d’un document d’environ 70 pages.
- Le document pointe des « faiblesses » et un « manque d’anticipation » de la France face à la pandémie. Il questionne le fonctionnement de Santé publique France, des agences régionales de santé, mais ne critique pas la gestion gouvernementale.
Après des heures d’audition et deux mois de travaux, les députés ont écrit un premier rapport sur la gestion de la crise du coronavirus en France. Dans le cadre de la mission d’information parlementaire sur le Covid-19, ils ont interrogé des ministres, des hauts fonctionnaires, des préfets, des syndicats et des scientifiques. Le résultat de ce travail figure dans un projet de document de 73 pages, assortis de 77 pages d’annexes, que 20 Minutes a pu consulter ce jeudi. Présidée par Richard Ferrand, président LREM de l' Assemblée nationale, la mission, qui vient d’être transformée en commission d'enquête pour poursuivre ses travaux, a consacré plusieurs pages de son rapport aux « faiblesses » que cette pandémie a révélées.
« Dépendance » vis-à-vis des importations sanitaires
Le rapport retrace la gestion de la crise en France, sans commenter les décisions gouvernementales, ni leur temporalité. « Notre système de soins a tenu bon et a su faire face à l’afflux massif de patients atteints du Covid-19 », notamment « au prix d’une mobilisation exceptionnelle de ses personnels soignants », constatent les députés. Mais la pandémie a « révélé quelques failles dans la culture de prévention sanitaire en France et un manque d’anticipation ».
Sans surprise, les élus ont constaté « l’insuffisance des stocks stratégiques d’équipements de protection, et notamment de masques ». « Cette situation a imposé de hiérarchiser leur distribution », peut-on lire dans le rapport, qui ne revient pas sur la communication gouvernementale hésitante sur le port du masque.
Au-delà de cet équipement, la crise a révélé que la France est « dépendante de l’extérieur pour les approvisionnements en produits indispensables dans le contexte d’une épidémie », alertent les parlementaires au sujet des médicaments comme des matériels de réanimation et de dépistage. Ils réclament donc une « reconstitution de stocks » et une « réflexion » sur leur gestion logistique, ainsi que la « sécurisation » des approvisionnements de produits « indispensables ».
Un plan hôpital « insuffisant » en novembre
Le rapport insiste aussi sur le contexte difficile dans les hôpitaux, qui se trouvaient dans « une situation tendue avant la crise sanitaire », et juge que le montant du plan hôpital du gouvernement, annoncé en novembre 2019, était « insuffisant ». En outre, les élus estiment que le fonctionnement des agences régionales de santé (ARS) doit être revu, pour aller vers plus de décentralisation. Ils pointent également le rôle de l’agence Santé publique France, dont il faut « réexaminer les missions et l’organisation ». Les parlementaires déplorent aussi un suivi « insuffisant » de la situation dans les Ehpad.
« L’épidémie a de fait révélé quelques failles dans la culture de prévention sanitaire en France et un manque d’anticipation face à des crises d’une telle ampleur », écrivent pudiquement les élus. A mots feutrés, ils interrogent la baisse des budgets consacrés à la recherche scientifique. « Les restrictions budgétaires pesant sur la recherche depuis plus d’une décennie ont probablement pesé sur le développement de travaux de recherche fondamentale », poursuivent-ils à propos des travaux menés sur le Covid-19.
Sur le plan international, le rapport appelle à réorganiser l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et critique la réponse sanitaire des pays de l’Union européenne. « Le "chacun pour soi" l’a emporté, chaque pays a pris des mesures au niveau national, sans coordination avec ses partenaires. » Quant aux leçons à tirer pour l’avenir, ce rapport esquisse des pistes, dont des investissements en matière de sécurité sanitaire et de prévention.
« Cette mission n’a servi qu’à occuper les parlementaires »
« C’est un bon début, une bonne base sur laquelle on pourra avancer », juge le député LREM des Français de l’étranger Roland Lescure en référence aux pouvoirs élargis dont bénéficiera la nouvelle commission d’enquête. « Malheureusement, ce genre de pandémie peut arriver à nouveau, et on sait bien que la France n’était suffisamment préparée. On a beaucoup à apprendre, beaucoup de leçons à tirer », poursuit le président de la commission des affaires économiques.
Mais dans l’opposition, ce rapport d’étape suscite moins d’enthousiasme. « Ce rapport est clément à l’égard du gouvernement, et ne se penche pas sur les dysfonctionnements et les responsabilités », déplore le député communiste des Bouches-du-Rhône Pierre Darrhéville. « Je crains qu’on ait perdu du temps, et cette mission n’a servi qu’à occuper les parlementaires, surtout l’opposition pendant la période ». La commission d’enquête sur la crise du coronavirus commencera ses réunions la semaine prochaine à l’Assemblée nationale. Au Sénat, il faudra attendre la fin du mois de juin.