Coronavirus : Economie, nationalisme, solidarité… Pour Macron, l’Union Européenne est « à un moment de vérité »

ENTRETIEN Dans une interview au « Financial Times », le chef de l’Etat estime qu’un échec collectif européen risquerait de faire monter le populisme

20 Minutes avec AFP
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Emmanuel Macron à l'Elysée le 16 avril 2020.
Emmanuel Macron à l'Elysée le 16 avril 2020. — Yoan Valat/AP/SIPA
  • Pour Emmanuel Macron, les dirigeants doivent prouver que l’Europe « est un projet politique » et pas « uniquement un projet de marché ».
  • Le chef de l’Etat appelle à une plus grande solidarité afin de lutter contre le risque de la montée du populisme.
  • Il estime également qu’il y a « manifestement des choses qui se sont passées (en Chine) qu’on ne sait pas ».

C’est un Emmanuel Macron candide, qui se confie sur ses doutes, ses craintes et ses espoirs face à la crise du coronavirus. « Nous sommes à un moment de vérité qui consiste à savoir si l’Union européenne est un projet politique ou un projet de marché uniquement. Moi, je pense que c’est un projet politique », a affirmé ce jeudi au Financial Times le chef de l’Etat. Qui le reconnaît : « Je ne sais pas si nous sommes au début ou au milieu de cette crise – personne ne le sait. Il y a beaucoup d’incertitudes, et cela devrait tous nous rendre très humbles. »

Dans cet entretien au quotidien britannique, le président français fait valoir que « quand c’est un projet politique, d’abord, l’humain est au premier chef, et il y a des notions de solidarité qui se jouent, et y compris ensuite l’économique en procède. N’oublions jamais que l’économie est une science morale. » Selon le chef de l’État français, un défaut de solidarité favoriserait l’arrivée des populistes au pouvoir.

Appel aux pays les plus riches

Emmanuel Macron milite pour une mutualisation des dettes sous la forme de « coronabonds », des emprunts européens communs. Mais ceux-ci sont refusés par l’Allemagne et les Pays-Bas, alors que la dette publique italienne devrait croître à 155,5 % du PIB en 2020 (contre 134,8 % en 2018 et 2019).

« C’est évident, parce que (les populistes) diront : ''Qu’est-ce que c’est que cette aventure (européenne) que vous me proposez ? Ces gens-là ne vous protègent pas quand vous avez une crise, ils ne vous protègent pas le lendemain, ils n’ont aucune solidarité avec vous'' », fait-il valoir. En poursuivant ce qu’il considère être une paraphrase de la pensée populiste : « Lorsque vous avez les migrants qui arrivent chez vous, ils vous proposent de les garder. Lorsque vous avez l’épidémie qui arrive chez vous, ils vous proposent de la gérer. Ils sont sympathiques, au fond. Ils sont pour l’Europe quand il s’agit d’exporter vers chez vous les biens qu’ils produisent, ils sont pour l’Europe quand il s’agit d’avoir votre main-d’œuvre bon marché et de produire des équipements de voitures qu’on fait plus dans nos pays, mais ils ne sont pas pour l’Europe quand il faut mutualiser ».

Le président français insiste encore sur le fait que l’abandon des libertés pour lutter contre la maladie constituerait une menace pour les démocraties occidentales. « Ce n’est pas parce qu’il y a une crise sanitaire qu’on doit renoncer à ce qui est notre ADN profond », note-t-il, dans une référence transparente au Premier ministre hongrois Viktor Orbán, qui s’est arrogé les pleins pouvoirs dans son pays à la faveur de la crise.

Les zones d’ombre en Chine

Emmanuel Macron estime qu’il existe des zones d’ombre dans la gestion de l’épidémie de coronavirus par la Chine, déclarant au Financial Times qu’il y avait « manifestement des choses qui se sont passées qu’on ne sait pas ». « N’ayons pas une espèce de naïveté qui consiste à dire que (la gestion de l’épidémie par la Chine) c’est beaucoup plus fort. On ne sait pas. Et même, il y a manifestement des choses qui se sont passées qu’on ne sait pas ».

Les réserves du chef de l’Etat sur la gestion de la crise par Pékin rejoignent les doutes exprimés par Londres et Washington. Le Royaume-Uni vient d’avertir jeudi la Chine qu’elle devrait répondre à des « questions difficiles sur l’apparition du virus, et pourquoi il n’a pas été stoppé plus tôt ». L’administration Trump a de son côté accusé Pékin d’avoir « dissimulé » la gravité de l’épidémie à son début en Chine, et a gelé mardi la contribution financière américaine au fonctionnement de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), lui reprochant de s’être alignée sur les positions chinoises. Les Etats-Unis ont également indiqué qu’ils enquêtaient pour déterminer si le virus, bien que d’origine naturelle, a pu sortir accidentellement d’un laboratoire de Wuhan.