Coronavirus : Entre espoir et prudence, la gauche rêve d’un nouveau monde après l’épidémie
VERS L'AVENIR Après la crise mondiale du coronavirus, des élus de gauche espèrent un changement radical de politique
- La gauche espère que la crise permettra un changement radical de politique.
- « Le monde d’après, sur lequel à présent nombre projettent leurs espérances, doit commencer maintenant avec d’autres moyens de produire et d’échanger », a lancé Jean-Luc Mélenchon.
- Le chef de l’Etat a lui-même mis en suspens les réformes en cours et promis des « décisions de rupture », mais les élus d’opposition restent méfiants.
Soudain, la gauche se (re)mit à rêver. Face au coronavirus, sa propagation mondiale, ses conséquences sanitaires et économiques, les élus de gauche espèrent, enfin, un changement radical de politique. « La pandémie est certes un fait biologique. Mais elle est avant tout un phénomène social », lançait ainsi Jean-Luc Mélenchon à l’Assemblée nationale ce dimanche. « Le monde d’après, sur lequel à présent nombre projettent leurs espérances, doit commencer maintenant avec d’autres moyens de produire et d’échanger ».
Des insoumis aux socialistes, plusieurs responsables politiques espèrent que la crise de la mondialisation libérale provoquera un nouvel intérêt des Français pour leurs idées.
Emmanuel Macron, meilleur porte-parole de la gauche ?
D’ailleurs, Emmanuel Macron n’a-t-il pas lui-même tourné le dos à une politique libérale ? Lors de ses récentes allocutions aux Français, le président de la République a loué « l’Etat-providence », la « santé gratuite sans condition de revenus » et « des biens et services qui doivent être placés en dehors des lois du marché ». Le chef de l’Etat a mis en suspens les réformes en cours, appelé à lutter contre les conséquences de l’épidémie « quoi qu’il en coûte » et promis des « décisions de rupture ». Mais les élus d’opposition restent méfiants.
« On est habitués à cette communication, à ce que Macron utilise de jolis mots pour faire de mauvaises choses », tranche Pierre Dharréville, député communiste des Bouches-du-Rhône. « Je crois surtout que les libéraux, dont il est l’un des représentants, sont rattrapés par le réel. Tout le monde constate aujourd’hui, que les services publics nous sont vitaux. »
« Quand j’entends les propos du président, je repense au discours de Toulon de Nicolas Sarkozy après la crise économique de 2008. Le nouveau monde nous avait été promis avec la même conviction, la même volonté de rupture », abonde Boris Vallaud, député socialiste des Landes. Le 25 septembre 2008, le président Nicolas Sarkozy promettait de « moraliser le capitalisme financier » et l’avènement d'« un nouveau cycle économique ». « L’alternative à Macron ne sera pas Macron », poursuit le porte-parole du PS.
« La crise a montré les limites du système »
« Il faudrait nationaliser, réquisitionner, planifier, or le gouvernement a opté pour des mesures de dérégulation et d’assouplissement dans la durée de travail », avance le député insoumis Eric Coquerel, évoquant la loi d’urgence sanitaire votée dimanche, qui permet au gouvernement de prendre des ordonnances pour aider les entreprises.
Mais l’élu LFI de Seine-Saint-Denis est confiant pour la suite. « La crise a montré les limites du système. Même ses partisans ont désormais recours aux déficits, à l’interventionnisme, à moins de libre-échange », détaille-t-il. « Même si la finance a ensuite repris le pas, la crise de 2008 a mis fin à l’hégémonie idéologique du néolibéralisme comme seul système possible. Je crois que, là aussi, il y aura des conséquences. A nous d’imaginer le monde d’après autours de valeurs humanistes, de solidarité, de l’environnement ».
Les pénuries de masques, de tests de dépistage et de lits en réanimation pourraient permettre un changement de braquet, selon Boris Vallaud : « On va devoir revoir notre modèle productif de fond en comble, évoquer la question de souveraineté. Car tout le monde a vu les conséquences néfastes des délocalisations sur des chaînes aussi importantes que le médical. La question du "made in France" va revenir au premier rang », poursuit le socialiste.
Pierre Dharréville voit des signes positifs, comme ces applaudissements, chaque soir, pour remercier les personnels de santé. « La prise conscience de l’importance de l’hôpital, et plus généralement des services publics, a sans doute crû ces dernières semaines. La crise est toujours un accélérateur, elle peut bousculer un certain de nombres de représentations du monde. Les forces politiques devront être à la hauteur ». Elles devront aussi régler les éternelles divisions qui hantent la gauche depuis plusieurs années.