Municipales 2020 : Défense de bastions, ancrage local, dédiabolisation… Les enjeux pour les principaux partis
ELECTION Alors que la campagne pour les municipales entre dans sa dernière ligne droite, « 20 Minutes » revient sur les enjeux du scrutin pour LR, LREM, le PS, EELV, le RN et LFI
- Les candidats ont jusqu'à ce jeudi pour déposer les listes en préfecture pour le premier tour des élections municipales, dimanche 15 mars 2020.
- Pour les principaux partis, l'échelon local est crucial, à un an des élections régionales et à deux de la présidentielle.
- 20 Minutes revient sur les enjeux du scrutin, parti par parti.
La campagne pour les municipales entre dans sa dernière ligne droite à partir de ce jeudi, date butoir pour déposer les listes en préfecture. Les électeurs sont appelés à élire leur maire dans environ 35.000 communes. Pour les partis, l’échelon local est crucial, à 12 mois des élections régionales et à deux ans de la présidentielle 2022. Mais les enjeux sont très différents selon les formations, qui n’ont pas toutes le même poids à l’échelle locale.
Les Républicains : Sauver son butin pour (enfin) « rebondir »
- Le point fort : un ancrage local solide
- Le risque : certains élus LR ont été séduits par les sirènes macronistes. Des villes conquises à la gauche en 2014 pourraient ne pas rester à droite
La « vague bleue » de 2014 semble loin. Depuis, LR a connu « trois défaites successives » aux élections présidentielle, législatives et européennes. Pour la droite, ce scrutin est donc une chance de « rebondir », selon le président LR Christian Jacob, interviewé par RTL. Au QG, on est plutôt confiant. « Ce serait déjà une très belle performance de conserver nos villes, car on est très haut », observe Guillaume Peltier, vice-président du mouvement. Le parti détient 15 des quelque 40 villes de plus de 100.000 habitants et revendique 550.000 élus locaux.
Menacé par la fuite de son électorat – à sa droite vers le RN et à sa gauche vers LREM – le parti veut prouver qu’il peut résister. « On a deux fronts étanches, sur notre droite et sur notre gauche », assure Guillaume Peltier. « Qu’il y ait ici ou là quelques marginaux, happés par le RN ou LREM, ça reste extrêmement marginal ».
LR espère aussi profiter de la défaite du parti présidentiel pour mieux se distinguer, jouant la carte d’une formation au plus proche des territoires. « La campagne de LREM montre que le macronisme sans Emmanuel Macron, ça n’existe pas. Ils vont se prendre une valise », prédit un cadre des Républicains. « Le scrutin va faire écho à ce qu’est réellement la Macronie : une technocratie sans ancrage territorial, c’est-à-dire sans lien avec les citoyens ».
La République en marche : s’ancrer localement et élargir la majorité
- Le point fort : Emmanuel Macron
- Le risque : un vote sanction, la prime aux maires sortants, les divisions internes…
C’est le premier scrutin municipal pour le parti présidentiel, qui revendique actuellement 2.000 élus locaux. « Au niveau national, on part de tellement loin qu’on n’a rien à perdre », explique un parlementaire et cadre du parti. « C’est pour ça qu’on s’est fixé un objectif en nombre d’élus, 10.000 au moins, et pas en nombre de communes. Mais si on ne remporte aucune grande ville, ça sera gênant », poursuit ce responsable. « Vous ne devenez pas acteur local si vous n’êtes pas implanté. Et le taux de dégagisme était très faible en 2014 », pointe toutefois Pierre Person, numéro deux du parti.
La tâche s’annonce ainsi ardue, notamment à Paris, Lyon ou Bordeaux, où la sociologie électorale paraissait initialement favorable à LREM. L’enjeu est néanmoins décisif. « Notre objectif, c’est d’élargir la majorité présidentielle. On a recomposé à droite au niveau national, il faut le faire au niveau local », explique un cadre du parti. « Aujourd’hui, Emmanuel Macron n’a pas beaucoup de maires qui le soutiennent pour défendre localement sa politique. Nous serons jugés sur nos résultats dans les dix plus grosses villes de France », poursuit cette source.
Entre les dissidences affichées dans des dizaines de villes, les frictions avec l’allié MoDem, le match de ministres à Biarritz ayant nécessité le coup de sifflet d'Emmanuel Macron ou le retrait de Benjamin Griveaux dans la capitale, l’image du parti présidentiel a pris quelques coups. Les marcheurs pourraient finalement se raccrocher à quelques symboles, comme les victoires du Premier ministre, Edouard Philippe, candidat au Havre ou du ministre du Budget, Gérald Darmanin, tête de liste à Tourcoing.
Le Parti socialiste : ressusciter nationalement en sauvant ses mairies
- Le point fort : des bastions solides
- Le risque : ne pas ressusciter
Le PS a enchaîné les claques électorales (présidentielle, législatives, européennes) mais conserve un bon ancrage local, avec près de 30.000 élus sur toute la France. Le parti à la rose veut consolider ce maillage, en conservant ses 12 villes de plus de 100.000 habitants et en s’imposant dans des villes à droite, comme Nancy, Bourges ou Limoges.
« Nous pensons parvenir à conserver nos grandes villes, car nos maires sont très bien implantés localement », estime Pierre Jouvet, porte-parole du parti. « Si Marseille bascule [où la gauche présente une liste commune allant de La France insoumise au PS mais sans EELV] ou si on regagne Limoges, nous pourrons dire le 22 mars au soir, qu’on avait enterré la gauche mais qu’elle est de retour », espère-t-il.
Les socialistes ne se privent pas de nationaliser ce scrutin pour engranger les voix des déçus du macronisme. « L’exécutif est totalement fermé aux revendications portées par des centaines de milliers de personnes dans la rue, avec les gilets jaunes ou la mobilisation contre la réforme des retraites, et nos candidats disent sur le terrain que le gouvernement ne pourra esquiver cet enjeu, et sera sanctionné dans les urnes », développe Pierre Jouvet.
Autre défi pour le PS : œuvrer au rassemblement de la gauche en vue de la présidentielle. La stratégie fonctionne dans quelques villes, comme à Clermont-Ferrand où le sortant PS présente une liste d’union, mais pas dans d’autres, où les socialistes, communistes, écolos et insoumis partent en ordre dispersé.
EELV : Conquérir (seul) de grandes villes
- Le point fort : l’écologie a le vent en poupe
- Le risque : gagner en crédibilité
Gavanisés par de bons sondages, les écolos se sentent pousser des ailes. « Nous sommes devenus la troisième force politique aux européennes [avec 13,48 % des voix à l’échelle nationale], et il semble que ça puisse se confirmer et se solidifier sur le territoire aux municipales. Notre objectif est de renforcer nos positions dans certaines majorités et de conquérir de nouvelles mairies », indique Julien Bayou, le secrétaire national du parti.
Europe Écologie-Les Verts ne détient actuellement qu’une ville de plus de 100.000 habitants, Grenoble, mais ambitionne d’en conquérir d’autres grâce à des listes autonomes ou à des alliances avec la gauche. Les écolos espèrent l’emporter à Lyon, Strasbourg, Rouen, Bordeaux ou Besançon, et seront probablement courtisés au second tour à Paris ou Nancy. « On veut montrer que l’on peut activer de nombreux leviers à l’échelle locale, sur le dérèglement climatique, les mobilités, les cantines bio, l’isolation thermique, la démocratie… », poursuit Julien Bayou.
Selon un sondage Harris Interactive Epoka du 6 février, 45 % des électeurs des villes de plus de 10.000 habitants déclarent qu’ils pourraient voter pour une liste EELV. Mais pour l’emporter, les écologistes devront aussi convaincre sur d’autres sujets, comme la sécurité, et montrer qu’ils sont prêts à diriger de grandes villes.
Le Rassemblement national : poursuivre la dédiabolisation
- Le point fort : des maires sortants en bonne place pour être réélus
- Le risque : se heurter au traditionnel plafond de verre
Les responsables du Rassemblement national le répètent depuis plusieurs mois : l’objectif est d’abord de conserver les villes remportées en 2014. Lors des précédentes municipales, le FN (devenu RN) avait remporté une dizaine de communes, dont Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais), Fréjus (Var), Hayange (Moselle) ou encore Beaucaire (Gard). « Nos villes sont des vitrines et leur bonne gestion a évidemment participé à la dédiabolisation du parti », résume Gilles Pennelle, directeur de campagne du RN pour l’élection.
Marine Le Pen veut s’appuyer sur ce bilan et sur une stratégie d'ouverture pour conquérir de nouvelles mairies dans le Nord, l’Occitanie ou la région Paca, sans toutefois avancer de chiffres. « Evidemment, nous allons en gagner d’autres. Combien, je ne peux pas vous dire, les campagnes électorales réservent parfois des surprises », a estimé la patronne du RN vendredi dernier. Le mouvement veut aussi poursuivre son implantation locale. « C’est la stratégie de l’inondation, obtenir le plus d’élus pour gagner les cantons, puis le département, et la région, dans la perspective de la présidentielle 2022 », avance l’eurodéputé Jean-Lin Lacapelle.
La France insoumise : limiter la casse
- Leur point fort : pas de pression, car pas d’objectifs chiffrés
- Le risque : continuer la chute opérée aux européennes
Le parti de Jean-Luc Mélenchon délaisse un peu les municipales, préférant « encourager » la formation de listes citoyennes. La direction s’est contentée de désigner des chefs de file chargés de créer des collectifs citoyens locaux. En plus de quelques têtes de liste étiquetées LFI, notamment à Bagnolet, Saint-Denis ou Châteauroux, les insoumis sont souvent alliés avec d’autres formations de gauche. Les critères : être explicitement opposés au gouvernement, et respecter quelques « lignes rouges » – pas de police municipale armée, par exemple – fixées par les militants.
« Les municipales sont une étape dans la révolution citoyenne », dit Paul Vannier, coordinateur de la campagne. « La commune doit redevenir le lieu de l’exercice de la souveraineté populaire ». Pour Adrien Quatennens, numéro deux du mouvement, c’est aussi une occasion de « conscientiser » les habitants.
Le regard des militants de La France insoumise est toutefois tourné vers 2022. « La question locale n’est pas une fin en soi. On continue de penser que le moment décisif, c’est la présidentielle, car c’est là que se joue la conquête du pouvoir », indique Paul Vannier.