Selon l’Insee, les mairies mettent les bouchées doubles pour finir les travaux… juste avant les municipales

MUNICIPALES A trois mois des municipales, en mars 2020, l’Insee dévoile une étude qui montre la corrélation entre travaux publics et élections

Romarik Le Dourneuf
Place de la comédie, Montpellier, le 14 décembre
Place de la comédie, Montpellier, le 14 décembre — Xavier Malafosse
  • L’Insee dévoile ce mardi 17 décembre une note de conjoncture qui montre une corrélation entre investissements publics par les communes et élections municipales.
  • Le nombre de travaux publics locaux augmente significativement les années qui précédent les scrutins, et chute les années suivantes.
  • Selon Anna Geppert, professeure d’urbanisme à l’université de la Sorbonne, il s’agit d’une stratégie classique des édiles pour positiver leur image auprès de leurs administrés.

« Mon truc quand j’arrive, c’est : deux années de bagarres, deux années d’impôts, puis deux années de rubans ». Voici comment Georges Frêche, ancien maire de Montpellier (1977-2004), résumait ses sextennats à la tête de la ville héraultaise. Il semblerait que cette stratégie – bien que caricaturale - ne soit pas si éloignée de la réalité. Surtout pour la dernière partie, à en croire l’étude dévoilée ce mardi 17 décembre par l’Insee et intitulée « Le cycle des élections municipales : quels effets sur l’investissement public, l’emploi et la production ? ».

Une synchronisation constante

« Les administrations publiques locales (APUL) – qui effectuent de nos jours la majorité de l’investissement public – ajustent généralement en partie leur comportement d’investissement par rapport à l’échéance de ces scrutins », dit l’Insee. En clair, selon l’institut, les investissements et travaux publics locaux – dont 62 % sont pris en charge par les communes – augmentent significativement l’année précédant les élections municipales. Et ce de manière constante depuis les années 1950. Ces investissements ont un effet positif sur l’emploi. L’Insee précise : « En moyenne, l’effet du cycle électoral est maximal trois trimestres avant la date de scrutin : l’emploi salarié dans la construction augmenterait [au niveau national] de l’ordre de 20.000 emplois de plus sur un an. »

Ces emplois sont créés dans les trois sous-branches de la construction : la construction de bâtiment, le génie civil et les travaux spécialisés. A l’inverse, les sommes investies dans ces domaines chutent l’année des municipales et celles qui suivent. L’Institut s’est penché plus particulièrement sur 2019, à la veille des élections de 2020. Et a constaté des dépenses des APUL deux fois plus élevées que celles réalisées une année « lambda ».

L’image du mandat

Faut-il y voir un lien entre ces investissements et des visées électorales ? « C’est un grand classique, estime Anna Geppert, un mandat doit se terminer par des rubans coupés et des bouteilles de champagnes sabrées. » La professeure en urbanisme à l’université de la Sorbonne justifie cette habitude par la « volonté des édiles d’imager leur mandat par des projets aboutis ».

Romain Pasquier, directeur de recherche à Sciences po Rennes, poursuit : « Il est important que les habitants voient les projets lancés six ans auparavant se terminer. Finaliser les infrastructures, c’est mettre en scène le travail de l’équipe municipale. » Anna Geppert appuie l’importance de finir sur cette note positive : « C’est ce qu’insinue Georges Frêche, parce que lancer des projets, c’est difficile, l’opposition tape dessus, cela crée des perturbations. Bref, ça rend impopulaire. Finir, c’est mettre le négatif de côté. »

Mais que se passe-t-il si les travaux ne sont pas achevés à temps, ou s’ils sont trop longs pour un seul mandat et que l’édile perd son siège ? Anna Geppert tranche : « Ils profiteront au successeur, qui ne se gênera pas pour poser à l’inauguration, même s’il y avait été opposé au départ. Pourquoi se priver ? L’impopulaire est déjà passé. »

Pas de « grand n’importe quoi »

Cette stratégie pourrait-elle amener les élus locaux à se lancer dans des projets faramineux ? Pas selon Romain Pasquier : « Au début de la décentralisation, il y a eu quelques libertés. C’est sans doute pour cela que nous avons autant de ronds-points. » Le chercheur s’en amuse, mais met en avant la rationalisation des maires, qui vont aujourd’hui vers du plus utile. Anna Geppert précise : « Les municipalités sont des vaches maigres, elles n’ont pas de marge de manœuvre. Pas question de faire n’importe quoi. » Faisant davantage appel aux cofinancements, les communes misent aujourd’hui sur des réalisations « à la mode », dixit la professeure : la rénovation énergétique ou encore le numérique.