Fin du Premier ministre, sextennat... Que vaut le «régime présidentiel» prôné par Hollande?

POLITIQUE « 20 Minutes » a interrogé des constitutionnalistes sur les pistes de l’ancien président censées « redonner du souffle à [la] démocratie et de la force [aux] institutions »

T.L.G.
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François Hollande a espoir de changer les institutions.
François Hollande a espoir de changer les institutions. — Jacques BENAROCH/SIPA
  • Dans Répondre à la crise démocratique, en librairie ce mercredi, l'ancien chef de l'Etat dévoile ses pistes pour «redonner du souffle à notre démocratie et de la force à nos institutions».
  • L'ex-président socialiste prône pour la mise en place d'un «véritable régime présidentiel», avec notamment la suppression du Premier ministre et des pouvoirs accrus pour le Parlement.
  • 20 Minutes revient sur ses propositions avec deux spécialistes du droit constitutionnel.

Deux ans et demi après avoir quitté le pouvoir, François Hollande a des envies de réformes. Dans Répondre à la crise démocratique (Fayard), en librairie ce mercredi, l'ancien chef de l'Etat dévoile ses pistes pour « redonner du souffle à notre démocratie et de la force à nos institutions ». L’ex-président socialiste plaide pour la mise en place d’un « véritable régime présidentiel », avec notamment la suppression du Premier ministre et la mise en place du sextennat. 20 Minutes revient sur ces deux propositions avec deux spécialistes du droit constitutionnel.

La suppression du Premier ministre

François Hollande ne veut plus entendre parler de chef de gouvernement. Dans ce régime, « le président ne nomme plus un Premier ministre mais une équipe dont il est le chef » et, « en revanche, puisque le gouvernement n’est plus responsable devant l’Assemblée nationale, le président perd son droit de dissolution ». Dans ce cadre, l’article 49.3, qui permet de faire passer des projets de loi sans vote parlementaire, « n’a plus de raison d’être », écrit-il. Dans le même temps, « le Parlement verrait son rôle accru, notamment sur le plan législatif et budgétaire »

« Cette idée d’un régime présidentiel est un serpent de mer », tacle Dominique Rousseau, professeur de droit constitutionnel à l’université Paris-I-Panthéon-Sorbonne. « Je pense que ce régime ne fonctionne qu’aux Etats-Unis, car il y a une culture de compromis entre les deux grands partis, Républicains et Démocrates, et parce que le pays est un Etat fédéral. Le pouvoir du président est contrebalancé par celui des Etats fédérés, ce qui n’est pas le cas en France ».

La seule expérience d’un modèle similaire remonterait à la IIe République de 1848 poursuit le spécialiste. « Les pouvoirs étaient alors séparés, et on a eu une opposition entre un président élu et une Assemblée également élue, qui s’est terminée par un coup d'Etat quatre ans plus tard », ajoute-t-il.

Le projet n’emballe pas non plus le chercheur Michel Lascombe : « Ce régime fonctionne bien avec le bipartisme, alors que notre offre politique est plus diverse. Et surtout, François Hollande ne va pas au bout de son idée, car aux Etats-Unis, le Parlement a la possibilité de destituer le président avec la procédure d’impeachement », avance l’ex-professeur de droit constitutionnel à l’IEP de Lille.

Un sextennat pour le président, quatre ans pour les députés

François Hollande propose aussi un mandat présidentiel de six ans renouvelable une fois, et une réduction à quatre ans de celui des parlementaires. « Un président nouvellement élu devrait donc attendre deux ans pour obtenir une majorité, et il ne pourrait pas dissoudre l’Assemblée. Cela revient à instaurer un mécanisme de cohabitation quasi permanente », critique Michel Lascombe. « Ce qui fait la force et la stabilité des régimes, partout en Europe, c’est que la durée du mandat exécutif et du mandat législatif est la même. Si vous les déconnectez, vous introduisez de l’instabilité », abonde Dominique Rousseau.

En cas de contradiction entre le président et l’Assemblée, ces derniers « n’auraient d’autres choix que la recherche du compromis » défend François Hollande. « Les périodes de cohabitation ont plutôt prouvé l’inverse. De 1986 à 1988 par exemple, on a surtout vu une guéguerre entre François Mitterrand et son Premier ministre Jacques Chirac », illustre Dominique Rousseau. « Sans majorité, et puisqu’il ne pourrait pas dissoudre, le président serait réduit pendant deux ans à ne prononcer que de jolis discours. »