Réforme du droit d’asile : Pourquoi Macron met le grappin sur l’immigration (au risque de diviser sa majorité)

REGALIEN Le chef de l’Etat a demandé lundi soir à sa majorité de se saisir du sujet de l’immigration, dans l’optique des prochaines échéances électorales

Laure Cometti
Emmanuel Macron, le 13 septembre 2019 en Andorre.
Emmanuel Macron, le 13 septembre 2019 en Andorre. — J.M. HAEDRICH/SIPA
  • Depuis la rentrée, Emmanuel Macron a mis l’accent sur le régalien et l’immigration.
  • Lundi soir, à 15 jours du débat sur l’immigration à l’Assemblée, le président a pris la parole devant les députés de la majorité pour réclamer de « regarder ce sujet en face ».
  • « En prétendant être humaniste on est parfois trop laxiste », a-t-il estimé alors que la maîtrise de l’immigration est le thème prioritaire pour les sympathisants du parti Les Républicains selon un sondage paru lundi.

Retraites, bioéthique, budget… La rentrée de la majorité était déjà bien chargée. Emmanuel Macron a décidé d’ajouter un dossier délicat sur la table, en demandant aux élus de La République en marche de « regarder en face » la situation migratoire en France. A six mois des municipales et trois ans de la présidentielle, le chef de l’Etat entend  être offensif sur ce sujet régalien sur lequel la droite et l’extrême droite se font plus souvent entendre.

Cap sur les sujets régaliens

Le débat prévu dans 15 jours à l’Assemblée sur la politique migratoire de la France et de l’Europe s’annonce donc plus corsé que prévu. Dégainée en avril par Emmanuel Macron au sortir du « grand débat national », cette séance publique sans vote semblait alors sans grands enjeux. Mais le chef de l’Etat a fixé un cap dès le début du mois de septembre. « Il nous avait dit qu’il fallait maintenant s’intéresser au régalien, car les Français nous attendent sur la sécurité et l’immigration », raconte le sénateur LREM François Patriat.

Devant les parlementaires de la majorité réunis lundi soir, le président a précisé son analyse, soulignant que « les flux d’entrées n’ont jamais été aussi bas en Europe et les demandes d’asile jamais aussi hautes en France ». « La gauche n’a pas voulu regarder ce problème pendant des décennies. Les classes populaires ont donc migré vers l’extrême droite », a aussi dénoncé Emmanuel Macron.


La présidentielle de 2022 dans le viseur

« Il anticipe déjà la campagne de 2022, il sait très bien qu’il aura le Rassemblement national face à lui », explique François Patriat, qui évoque la défaite de Lionel Jospin en 2002 « à cause du débat sur l’insécurité ». Mais il ne s’agit pas « d’aller sur les plates-bandes du RN ou des Républicains », se défend le sénateur marcheur. Selon un sondage Ipsos-Sopra Steria publié lundi, l’immigration est en effet le thème prioritaire pour 56 % des sympathisants du parti Les Républicains. Cette enquête d’opinion indique aussi que 64 % des Français ont l’impression « qu’on ne se sent plus chez soi comme avant » en France.

Un pas vers les électeurs de droite que l’opposition n’a pas manqué d’épingler. La présidente du RN Marine Le Pen a déclaré ce mardi sur BFMTV et RMC qu’elle ne « croyait pas » au durcissement de ton d’Emmanuel Macron sur le droit d’asile, n’y voyant qu’une attitude « électoraliste ». Même attaque du patron des sénateurs LR Bruno Retailleau, sur France Inter : « il se dit, sans doute pour les sondages, pour son électorat, qu’il y a peut-être d’autres clins d’œil à faire à la droite ou à la droite de la droite ».

Des paroles, pas encore de mesures

Du côté de l’exécutif, on balaie les critiques en défendant le bilan en la matière et en promettant des décisions politiques, sans fixer d’échéance. « On a agi, il y a eu la circulaire Collomb en décembre 2017 et  la loi asile immigration au printemps 2018 », répond Matignon. « Mais on n’a pas atteint les objectifs qu’on se donnait, il faut reprendre le contrôle, sans changer nos valeurs, d’humanisme, et de fermeté », assure l’entourage d’Edouard Philippe.

Le gouvernement mise sur le débat du 30 septembre à l’Assemblée pour analyser « ce qui marche et ce qui ne marche pas » à chaque étape du système d’asile. Matignon présentera un « document de synthèse » sur la politique migratoire de la France, compilant des données demandées aux ministères de l’Intérieur, de la Santé et des Affaires étrangères et européennes. « Il n’y aura pas de nouvelle loi, mais des mesures réglementaires et budgétaires », précise Matignon.

La majorité veut notamment réfléchir aux « risques d’abus » de l’aide médicale d’Etat (AME) et aux demandes d’asiles abusives, au risque de raviver les divisions qui s’étaient exprimées au sein de la majorité lors des débats sur la loi sur l’asile et l’immigration. Ce mardi, une quinzaine de députés LREM ont signé une tribune pour demander « une meilleure intégration » des migrants.