VIDEO. Lyon: Andréa Kotarac, un «antifa» passé du côté de l’extrême droite
PORTRAIT L'élu France Inoumise a annoncé mardi soir qu'il allait voter pour la liste RN aux prochaines élections européennes
- Andréa Kotarac, élu FI à la région Auvergne Rhône-Alpes, a annoncé mardi qu’il voterait pour la liste rassemblement national aux élections européennes.
- Une décision qui a provoqué une onde de choc.
- Ses proches ne comprennent pas comment ce militant « antifa » a pu basculer vers l’extrême droite.
Son retournement de veste a littéralement sidéré ses proches. Provoqué un tsunami de réactions indignées, une onde de choc parmi les militants. Andréa Kotarac, 30 ans, figure de proue de la France Insoumise en région Rhône-Alpes, a annoncé mardi soir qu’il allait voter pour la liste RN aux élections européennes.
Une décision qui a valu d’être aussitôt évincé du Parti de gauche et exclu du Groupe Rassemblement Citoyen Ecologiste et Solidaire (RCES) de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Son nom et sa photo ont été enlevés sur le champ du site Internet.
« Je n’étais pas au courant. Je l’ai appris hier soir dans le train en recevant un texto », se désole Emilie Marche, 31 ans, élue iséroise du RCES. « C’est impardonnable, inexcusable », appuie la jeune femme qui siège depuis trois ans à ses côtés dans l’hémicycle régional. Les deux jeunes gens ont souvent ferraillé, unis, contre les idées de l’extrême-droite. Un « compagnon de lutte » qu’elle ne reconnaît plus.
« Il a été formé au sein du mouvement de lutte antifa. Cela faisait partie de son ADN »
« Je ne peux pas dire quelque chose de positif à son sujet, je ne retiens que cette trahison », confesse-t-elle, blessée et toujours sous le choc. Et d’ajouter : « Quand on a été dans les luttes antifa, on ne peut pas aller voter pour une liste… raciste. Car oui, le RN est un parti xénophobe aux antipodes de nos valeurs ».
« Il a été formé au sein du mouvement de lutte antifa. Cela faisait partie de son ADN. Il a pris des coups dans les manifestations (et s'est retrouvé en garde à vue). Il était vraiment à 10.000 lieues du front national », ajoute Jean-Charles Kohlhaas, porte-parole du groupe RCES à la région. Sans être des amis proches, les deux hommes avaient noué de solides liens de confiance.
La perte d’un « ami », d’un « frère »
Aujourd’hui, l’élu « abasourdi », dit avoir été marqué par les prises de position de son collègue au sein de l’hémicycle. « Il était le premier à railler publiquement les idées de l’extrême droite, à se moquer ouvertement de ses élus. Il avait cette capacité de déconstruire en quelques phrases cinglantes le discours du FN, de réagir à brûle-pourpoint, témoigne l’écologiste. Ce n’était pas un homme de dossier, pas celui qui allait éplucher 2.000 pages de documents pour dénicher la virgule qui coinçait. Mais il était un très très bon orateur, doté d’une belle culture politique ».
Des qualités que lui prête également Elliott Aubin, adjoint FI à la mairie du 1er arrondissement de Lyon. Lui déplore la perte d’un « ami » voire d’un « frère ». « C’est un énorme choc personnel. C’est lui qui m’a accueilli quand je suis arrivé en politique en 2009 ». A l’époque, le jeune Aubin est âgé d’à peine 16 ans.
Têtes bien faites, look de jeunes premiers, les deux garçons vont devenir très vite inséparables, formant un duo politique fougueux, passionné, incarnant à leur façon le renouveau politique de la gauche. Cassant les codes, les deux complices se démarquent lors de la campagne des municipales de 2014 qu’ils mèneront sous l’étiquette de la liste Lyon citoyenne et solidaire (Front de gauche et Gram) dans les 1er et 8e arrondissements de Lyon.
Un suicide politique ?
« On a vécu beaucoup de combats ensemble, on en a mené de nombreux contre le Front national », se souvient Elliott Aubin, meurtri. « Je suis sonné… consterné », poursuit-il, désireux de « tourner la page et d’aller de l’avant ».
Né en Haute-Savoie d’un père serbe et d’une mère iranienne, Andréa Kotarac a toujours été « passionné par les questions sociales et économiques », « attiré par la situation politique des pays de l’Est », où vit encore une partie de sa famille, raconte Jean-Charles Kohlhaas, qui avance désormais la thèse d’un « suicide politique ». « La semaine dernière, il était encore en campagne pour la France insoumise », rappelle-t-il.
Sa participation de son propre chef au « cinquième forum économique international de Yalta » (18-20 avril) n’a pas été appréciée par la France insoumise, qui s'est ouvertement désolidarisée du jeune homme. De là à imaginer une vengeance contre son mentor Jean-Luc Mélenchon ? A coup sûr, l’élu s’est senti lâché. « Le passage à l’acte du suicide est souvent déclenché par un pétage de plomb. Il faudrait savoir quelle est la part de l’émotionnel dans sa décision. Quelle est la part de politique également ? J’aimerais bien le rencontrer pour en discuter mais pour l’instant, il ne répond pas à mes messages… », conclut Jean-Charles Kohlhaas.