Collomb sur le départ: Trois manières de quitter un gouvernement en Macronie

POLITIQUE Le ministre de l'Intérieur a annoncé ce mardi qu'il serait candidat à Lyon en 2020 et qu'il envisageait de quitter son poste gouvernemental après les européennes de 2019...

T.L.G. et L.C.
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Gérard Collomb et Nicolas Hulot discutent de leur stratégie pour quitter le gouvernement.
Gérard Collomb et Nicolas Hulot discutent de leur stratégie pour quitter le gouvernement. — LIEWIG-POOL/SIPA
  • Gérard Collomb a annoncé qu’il serait candidat à Lyon en 2020 et qu’il envisageait de quitter son poste gouvernemental après les Européennes de 2019.
  • Emmanuel Macron a déjà connu plusieurs démissions de ministres depuis le début de son quinquennat.
  • L’impact n’est pas toujours le même pour l'exécutif.

Gérard Collomb sur le départ ? Dans un entretien à L’Express, le ministre de l’Intérieur a annoncé ce mardi qu'il serait candidat à Lyon en 2020. Pour se consacrer à cette campagne, le premier flic de France dit au passage qu’il souhaiterait quitter le gouvernement après les Européennes de 2019.

Ce départ n’est pas le premier pour Emmanuel Macron. Le président a déjà vu filer Nicolas Hulot et Laura Flessel en septembre, et notamment dû exfiltrer François Bayrou et Richard Ferrand en juin 2017. La Macronie a connu plusieurs styles de démission, aux conséquences politiques variées.

Avec ambition, façon Collomb

>> Mode d’emploi : s’y prendre bien à l’avance et prévenir le patron. « Je pense que les ministres qui veulent être candidats aux municipales de 2020 devraient pouvoir quitter le gouvernement après la bataille des européennes », indique Gérard Collomb dans L'Express. Le ministre avait informé l’Elysée depuis plusieurs jours. « Je ne serai pas ministre de l’Intérieur jusqu’à l’avant-dernier jour. A partir d’une certaine période, il vaut mieux être totalement disponible pour la campagne ».

>> Impact pour l’exécutif : faible. « Une démission de ce type, annoncée, programmée et préparée, donne une impression de contrôle, de cohérence et de transparence, observe l’historien Jean Garrigues*. Certes, Gérard Collomb est un poids lourd de la Macronie mais il est un peu critiqué pour sa politique, notamment la réforme de l’asile et l’immigration, et  sa gestion de l’affaire Benalla. Par ailleurs, on peut raisonnablement penser qu’il y aura un remaniement après les Européennes, c’est devenu la règle depuis François Mitterrand pour donner un second souffle au mandat. Donc anticiper ce renouvellement du gouvernement n’est pas forcément négatif », poursuit le chercheur.

Avec fracas, façon Hulot

>> Mode d’emploi : Improvisation totale, voix chevrotante, surprise du chef. Il menaçait depuis des mois, mais son départ a dû surprendre ses chefs, qui ont appris la démission de leur ministre de l’Ecologie en direct à la radio. « Je ne veux plus me mentir. Je ne veux pas donner l’illusion que ma présence au gouvernement signifie qu’on est à la hauteur sur ces enjeux-là [écolo] et donc je prends la décision de quitter le gouvernement », assurait l’ancien animateur télé.

>> Impact pour l’exécutif : destructeur. « C’est très négatif. Une telle désertion en rase campagne est clairement un facteur d’affaiblissement de la crédibilité du gouvernement, et de la volonté écologiste d’Emmanuel Macron. C’est totalement inédit, il y avait déjà eu des ruptures violentes sous la Ve République, mais pas avec des ministres d’Etat. Et la jurisprudence Chevènement voudrait qu’on avertisse le tandem exécutif avant de claquer la porte, au nom de la discipline gouvernementale. Auprès de l’opinion publique, Nicolas Hulot est sorti bénéficiaire de cette démission, contrairement au gouvernement. D’ailleurs Emmanuel Macron a dédramatisé ce départ, car un gouvernement trahi c’est un gouvernement faible », analyse l’historien.

Avec casseroles, façon Ferrand (Bayrou, Sarnez, etc.)

>> Mode d’emploi : sauver les apparences (sous pression de l’exécutif ?) Il a résisté plusieurs semaines mais la pression était trop forte. Richard Ferrand, dans la tempête après les révélations du Canard enchaîné concernant une location immobilière des Mutuelles de Bretagne, est poussé à la démission. Le ministre de la Cohésion des territoires est exfiltré du gouvernement pour briguer la présidence du groupe La République en marche à l’Assemblée nationale, à la demande d’Emmanuel Macron.

>> Impact pour l’exécutif : soulagement. « Les démissions liées à des affaires judiciaires ont un préjudice diffus, difficile à mesurer, mais un bénéfice immédiat, car le gouvernement se déleste d’un handicap politique. C’est pragmatique. Cela remonte à la jurisprudence Balladur, en 1993, selon laquelle un ministre mis en examen doit systématiquement démissionner. Ces départs permettent de se délester d’alliés plus ou moins encombrants, même si dans les cas de Ferrand et Bayrou, ils étaient et sont toujours présumés innocents. Donc à terme c’est plutôt un soulagement pour le gouvernement », souligne Jean Garrigues.

* Auteur de La République des traîtres, Tallandier, 2018.