Commission d'enquête du Sénat: «S'il est convoqué, Alexandre Benalla doit venir», martèle Jean-Pierre Sueur

POLEMIQUE Pour le co-rapporteur de la commission d’enquête du Sénat, le refus d'Alexandre Benalla de se rendre à une éventuelle convocation ne passe pas...

Nils Wilcke
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Alexandre Benalla avec Emmanuel Macron le 14 juillet 2018.
Alexandre Benalla avec Emmanuel Macron le 14 juillet 2018. — PHILIPPE WOJAZER / POOL / AFP
  • Alexandre Benalla a indiqué qu'il refusait de se rendre à la commission d'enquête avant la fin de l'enquête judiciaire
  • Problème, son argumentaire va a l'encontre de la loi, selon des constitutionnalistes
  • Les sénateurs veulent maintenant convoquer pour de bon l'ex-chargé de mission d'Emmanuel Macron

C’est peu dire que les membres de la commission des lois n’ont pas apprécié le dernier communiqué d’Alexandre Benalla. En répondant qu'il refusait de se rendre à leur convocation, l’ancien chargé de mission d’Emmanuel Macron a provoqué la colère des sénateurs. « Il n’appartient pas aux personnes convoquées pour être auditionnées de décider de se présenter ou non à cette convocation », a indiqué Philippe Bas, le président de la commission, sur Twitter.


La commission des lois souhaite interroger Alexandre Benalla, poursuivi pour avoir, le 1er mai dernier, réprimé violemment un manifestant sans aucune habilitation. Pour justifier son refus, son avocat a mis en avant l’instruction judiciaire en cours qui interdit à la commission de l’interroger sur les faits pour lesquels il est poursuivi.

« La garde des sceaux n’est pas le porte-parole de M. Benella »

Un argumentaire repris par la ministre de la Justice Nicole Belloubet, cet après-midi. « Il ne peut pas y avoir d’interférences entre la commission d’enquête et l’information judiciaire (…) C’est la raison pour laquelle Alexandre Benalla n’a pas encore répondu à la commission d’enquête du Sénat », a-t-elle indiqué sur LCP.


Une déclaration qui fait bondir Jean-Pierre Sueur, sénateur PS et co-rapporteur de la commission d’enquête. « La garde des Sceaux n’est pas le porte-parole de M. Benella », s’insurge-t-il auprès de 20 Minutes.

L’argument présenté par l’avocat d’Alexandre Benalla est-il au moins valide sur le plan constitutionnel ? Non, répond le constitutionnaliste Jean-Philippe Derosier : « La commission porte sur l’organisation de la sécurité du président et non sur les faits qui se sont produits place de la Contrescarpe le 1er mai dernier », explique à 20 Minutes le spécialiste.

Des poursuites difficiles à mettre en œuvre

La Constitution accorde des pouvoirs importants à une commission d’enquête parlementaire. En principe, « nul ne peut se soustraire à ses convocations », indique à 20 Minutes Michel Lascombe, professeur de droit public. « Une ordonnance de 1958 oblige toute personne convoquée à témoigner. »

Que peut faire la commission en cas de refus ? « Engager des poursuites, mais elles sont difficiles à mettre en œuvre, ajoute ce spécialiste en droit constitutionnel. Dans ce cas, le président de la commission devrait demander au président du Sénat de saisir la justice pour engager des poursuites à l’encontre de la personne convoquée ». Le cas ne s’est encore jamais présenté.

Le contrevenant risque deux ans de prison et 7.500 euros d'amende. "Toute personne dont une commission a jugé l'audition utile est tenue de déférer à la convocation qui lui est délivrée, si besoin est, par un huissier ou un agent de la force publique, à la requête du président de la commission", précise le Sénat sur son site.

« La convocation, je l’adresserai dans les prochains jours »

« Nous sommes conscients qu’il y a une enquête judiciaire en cours », explique à 20 Minutes Jean-Pierre Sueur. « Mais les questions que nous avons à poser n’interfèrent pas avec cette enquête. » Le rapporteur de la commission d’enquête rappelle par ailleurs qu’Alexandre Benalla n’a pas encore été officiellement convoqué.

« La convocation, je l’adresserai dans les prochains jours, en bonne et due forme », a indiqué Philippe Bas sur l'antenne de Public Sénat. « Ce qui nous intéresse, c’est le fonctionnement de l’Etat. Il est évident qu’il y a eu de très lourds dysfonctionnements », reprend Jean-Pierre Sueur. « S’il est convoqué, il doit venir, insiste le rapporteur. C’est la loi ». Alexandre Benella n’en a sans doute pas terminé avec le Sénat.