Démission de Christine Boutin: Mais qui sont les héritiers de la pasionaria conservatrice?

POLITIQUE L’ex-candidate à la présidentielle Christine Boutin a annoncé mettre fin à sa carrière politique, mais pas à sa «parole libre»…

Anne-Laëtitia Béraud
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Christine Boutin, présidente d'honneur du parti chrétien-démocrate, le 21 octobre 2017 à Rambouillet
Christine Boutin, présidente d'honneur du parti chrétien-démocrate, le 21 octobre 2017 à Rambouillet — THOMAS SAMSON / AFP

« Conservateur » revendiquée, Christine Boutin a annoncé mettre fin à 40 ans de carrière politique samedi. Députée des Yvelines de 1986 à 2007, héraut parlementaire contre le Pacs en 1998, l’ancienne ministre de Nicolas Sarkozy s’est notamment distinguée dans son opposition à l’ouverture du mariage aux couples homosexuels en 2012. La présidente d’honneur du Parti Chrétien-Démocrate (PCD) affirme aujourd’hui continuer de « défendre la personne humaine ».

La fin de la carrière politique de Christine Boutin signe-t-elle la fin de sa voix et ses partisans ? Qui sont les héritiers de l’ancienne candidate à la présidentielle ?….

«Ceux qui défendent la personne humaine »

« En nommant des personnes, on prend le risque que Pierre n’apprécie pas Paul, que les personnes ne souhaitent pas se mettre ensemble. Or, mes "héritiers", si l’on peut dire cela, ce sont tous ceux qui défendent la personne humaine », pose Christine Boutin. Cette précaution dite, l’ancienne élue évoque des personnalités dont les combats l’intéressent. « Ce sont des chrétiens, des gens de droite comme de gauche, ce sont des personnalités qui ont ce respect de l’homme, comme Marion Maréchal-Le Pen que je n’ai jamais rencontré - et je souligne que je n’ai aucune proximité avec le Front national - ou Benoît Hamon pour son idée de revenu universel que j’ai moi-même défendu… mais aussi les communistes ! », liste l’ancienne élue. Estimant qu’un « boulevard est ouvert et il ne se limite pas aux personnes ou aux partis », Christine Boutin se sent proche aussi d’associations qui luttent contre la pauvreté, tel ATD Quart Monde. Et avance qu’elle pourrait manifester contre les ordonnances du gouvernement si on l’acceptait dans les rangs des manifestants.

Le parti chrétien-démocrate

Présidente d’honneur du parti chrétien-démocrate (PCD) aujourd’hui présidé par l’ancien député Jean-Frédéric Poissson, Christine Boutin estime que si cette organisation « a vocation à se développer », elle juge cependant que « les partis sont tous morts » et que « le Parlement est un théâtre d’ombres ».

« Il est temps de reconstruire autre chose, de dépasser le clivage gauche-droite qui n’est aujourd’hui plus pertinent », dit l’ancienne ministre de Nicolas Sarkozy. Signe de cette recomposition politique en cours, le président du PCD Jean-Frédéric Poisson lance mercredi matin, avec Nicolas Dupont-Aignan, président de Debout la France, une plateforme participative « Les amoureux de la France » visant à l’union des droites face à la politique du président Emmanuel Macron.

La manif pour tous ?

Farouche opposante à l’ouverture du mariage aux couples de même sexe, Christine Boutin a rejoint à plusieurs reprises les cortèges de ce mouvement. Mais elle réfute tout lien : « Je ne dirais pas que la Manif pour tous sont mes héritiers, même si j’ai certainement une proximité avec eux. Je suis allée à leurs rassemblements mais je ne suis pas dans ce mouvement présidé par Ludovine de La Rochère ».

L’intéressée confirme et écarte toute filiation, même spirituelle : « Christine Boutin est une femme politique politicienne estimable que j’ai rencontrée une ou deux fois, mais ce n’est pas notre optique. Notre positionnement est indépendant, transpartisan, issu de la société civile. La famille n’est ni de droite, ni de gauche », tranche Ludovine de La Rochère.

Des médias « conservateurs »

Outre le champ politique, Christine Boutin voit-elle ses idées représentées ? « Bien sûr ! Je suis d’ailleurs optimiste. La génération 1968 dont je fais partie n’avait aucune résistance aux idées libertaires. Aujourd’hui, des médias n’ont plus de problème de se revendiquer conservateurs, ce qui me réjouit car le terme "conservateur", c’est-à-dire de vouloir réfléchir avant d’avancer, n’est plus tabou », ajoute Christine Boutin.

« Marginalisation politique »

La relève politique de Christine Boutin est-elle assurée ? Rien n’est moins sûr, nuance Erwan Lestrohan, directeur d’études chez BVA Opinion. « Christine Boutin a un héritage politique plutôt que des héritiers personnifiés. Elle a été un porte-voix plutôt qu’un leader d’une frange chrétienne conservatrice qui n’a jamais été plus efficace qu’inclue dans le parti UMP, aujourd’hui Les Républicains, comme le mouvement Sens commun par exemple », précise le sondeur spécialisé en politique.

« Alors candidate à la présidentielle, Christine Boutin a recueilli 1,2 % des voix. Son successeur à la tête du PCD, Jean-Frédéric Poisson, est lui aussi marginalisé sur le plan national et a échoué à être réélu à l’Assemblée nationale en juin. Pour résumer, si Christine Boutin a eu la capacité d’incarner une cause et des valeurs, il n’y a pas eu d’écho sur le plan électoral car les électeurs ont toujours choisi d’aller au-delà de sa personne et voter pour des candidats qui parlent eux aussi des racines chrétiennes, tel François Fillon par exemple », conclut Erwan Lestrohan. Soit, pour les électeurs, le respect du principe de réalité…