VIDEO. «Bordel»: Pourquoi la sortie d'Emmanuel Macron n'est pas un dérapage
POLITIQUE Derrière la petite phrase se cache peut-être la pensée complexe d'Emmanuel Macron...
- Emmanuel Macron a provoqué la polémique lors d’un déplacement mercredi à Egletons en Corrèze en évoquant le « bordel » de manifestants.
- Le président « assume sur le fond », a indiqué son entourage.
Ceci n’est pas un dérapage. Emmanuel Macron a créé la polémique lors d’un déplacement mercredi à Egletons, en Corrèze. Le chef de l’Etat a d’abord été chaudement accueilli par un rassemblement de salariés et ex-employés licenciés de GM&S.
Au président de région, qui évoquait les difficultés à recruter d’une entreprise du coin, il glisse : « Certains, au lieu de foutre le bordel, feraient mieux d’aller regarder s’ils ne peuvent pas avoir des postes là-bas, parce qu’il y en a qui ont les qualifications pour le faire et ce n’est pas loin de chez eux. » La petite phrase, saisie par une caméra, a déclenché la colère des intéressés et l’ire de la classe politique. 20 Minutes vous dit pourquoi il ne s’agit pas d’un dérapage.
1. Il n’en est pas à sa première sortie
« C’est du Macron tout craché, c’est lui, il n’y a pas de doute », s’agace Ugo Bernalicis, député de La France insoumise. « Cette sortie rappelle celle sur les fainéants et les cyniques par exemple. Ça révèle son état d’esprit : les mobilisations, la lutte sociale, ce n’est pas son univers. Quand on l’écoute, on a l’impression que les gens sont des pions. Ça laisse transparaître son mépris de classe, une fois de plus. »
D’une voix, l’opposition a rappelé que ces petites phrases étaient la « marque de fabrique » (revendiquée) du chef de l’Etat. En voici quelques-unes brodées sur le même thème :
- « Je ne céderai rien, ni aux fainéants, ni aux cyniques, ni aux extrêmes. »
- « Le meilleur moyen de se payer un costard, c’est de travailler. »
- « Une gare, c’est un lieu où l’on croise les gens qui réussissent et les gens qui ne sont rien. »
- « Il faut des jeunes Français qui aient envie de devenir milliardaires. »
2. L’expression est assumée
Le président « assume sur le fond », mais il « ne savait pas qu’il était filmé et, par conséquent, son registre de langage relevait du privé », a indiqué à l’AFP son porte-parole Bruno Roger-Petit. Lorsqu’il lâche la phrase, Emmanuel Macron ne peut pas ignorer qu’il est, comme toujours lors d’un déplacement officiel, suivi par une caméra, une perche à micro et un photographe. Rien d’incontrôlé, donc.
« Le président a un langage direct. Il est dans un échange avec Alain Rousset [le président de la région Nouvelle-Aquitaine], c’est capté par une perche. Mais les gens savent qu’il a ce caractère-là. Quand il faut dire les choses, il les dit », confirme Arnaud Leroy, membre de la direction collégiale LREM.
3. Elle révèle sa manière de penser
Pas de problème avec le fond. Derrière ces petites phrases, Emmanuel Macron laisserait donc transparaître son projet philosophico-économique de start-up nation ? Après avoir essuyé un refus d’un premier économiste, [« Je trouve le sujet intéressant mais trop politique et polémique. »], on a demandé à Eric Heyer de l’OFCE, think tank classé plutôt à gauche.
« Dans la logique de pensée d’Emmanuel Macron, la destruction créatrice, il y a cette idée que les fermetures d’usines ne sont pas si graves, car un nouveau monde émerge, et il faut lever toutes les barrières. Plutôt que de "foutre le bordel", les travailleurs doivent s’y préparer, et l’Etat a un rôle à jouer pour leur permettre de s’adapter aux métiers d’avenir. »
L’économiste poursuit : « Mais il y a aussi l’idée, déjà évoquée par François Fillon ou même Lionel Jospin, que l’Etat ne peut pas tout, est inefficace, en faillite. Dans ce cas de figure discutable selon moi, c’est à l’individu de se prendre en charge. Chacun est responsable de sa situation, la réussite ou l’échec. De manière caricaturale, les chômeurs sont des fainéants car tout le monde peut devenir millionnaire. »
Arnaud Leroy, dans un langage plus macroniste : « On est pour l’émancipation de l’individu, mais ce n’est pas la loi de la jungle. C’est donner les moyens à tous pour que chacun devienne acteur de la transformation du pays, à son échelle. Tout ne viendra pas de l’Etat, tout ne viendra pas d’Emmanuel Macron. » Pour faire le bilan, faisons appel à un confrère, Victor Hugo : « La forme, c’est le fond qui remonte à la surface. »