Primaire à droite : Comment Alain Juppé a raté sa première (et dernière) campagne présidentielle
ECHEC Alain Juppé, grand favori de la primaire de la droite et du centre, a vu sa destinée présidentielle cruellement stoppée dimanche...
Depuis des mois, le camp Juppé en était convaincu : son champion devait gagner la primaire de la droite et du centre. Une certitude balayée par la claque du premier tour, le 20 novembre, et définitivement enterrée après la très large victoire de François Fillon dimanche. Plusieurs facteurs peuvent expliquer, en partie, ce cuisant échec.
L’obsession Sarkozy
Le maire de Bordeaux a longtemps concentré ses (rares) attaques contre Nicolas Sarkozy, le seul des six autres candidats qui semblait menacer sa victoire annoncée. « On a probablement été obnubilés par le match Sarkozy-Juppé », reconnaît ce lundi auprès de 20 Minutes Benoist Apparu, porte-parole de la campagne d’Alain Juppé. Dans ce duel annoncé, François Fillon a été le troisième homme que personne n’avait vu venir, ou alors trop tard. « Il y a eu beaucoup d’aveuglement », regrettait, amer, un membre de l’équipe juppéiste après l’annonce des résultats dimanche.
Un pari raté : faire une campagne « modérée »
Le maire de Bordeaux a fait une campagne présidentielle, assumée comme telle, et justifiée en août dernier par son directeur de campagne, Gilles Boyer, à Chatou. « On a pris le pari que l’électorat sera plus modéré. » Un pari qui s’est avéré plus risqué que prévu, puisque, ce faisant, Alain Juppé, affublé du soutien du centriste François Bayrou, a prêté le flanc aux critiques de Nicolas Sarkozy, au bénéfice de François Fillon.
« Le résultat de la primaire est la preuve que ce pari n’était pas le bon. Il a essayé d’être central, mais il s’est fait déporter au centre », constate Benoist Apparu, qui regrette que son programme n’ait peut-être pas été « suffisamment audible ». « On n’a pas senti le terrain », regrette également le député Les Républicains de la Marne. Un militant formulait les choses plus clairement dimanche soir au QG de Juppé : « Son discours n’était pas assez à droite, alors que son programme l’est. C’est du gâchis. »
« Juppé s’est trompé de campagne. On ne fait une campagne pour une primaire comme pour la présidentielle. Dans une primaire, il faut parler à son camp », estimait le spécialiste d’histoire politique Christian Delporte, à trois jours du second tour.
Un excès de confiance
Alain Juppé a caracolé des mois durant en tête des sondages, optant pendant un temps pour la stratégie de la rareté médiatique. Sa position de favori a conforté son équipe dans ses choix et n’a pas favorisé la remise en question. « Autant de sondages qui le donnaient vainqueur, ça nous a un peu anesthésiés », juge Benoist Apparu.
Le favori a été jugé moins bon lors des débats que le challenger François Fillon, qui a amplifié sa percée après ses prestations télévisées. « On ne lui a pas suggéré d’être offensif. On lui disait d’être calme, posé, on lui disait « pas d’agression, pas de petites phrases », se souvient son porte-parole. Un excès de confiance qui a aussi éludé les lacunes des discours d’Alain Juppé. « Tout le monde faisait le constat qu’il était mauvais en meeting, il aurait dû être coaché », déclare un soutien au Parisien. Dans son entourage, certains collaborateurs incriminent le rôle central de Gilles Boyer.
Une campagne diffamante en ligne sous-estimée ?
Depuis les années 2000, Alain Juppé est la cible d’une campagne, relayée dans les milieux d’extrême droite, l’accusant de complaisance avec l’islam politique. Un surnom, Ali Juppé, et des rumeurs qui ont ressurgi de plus belle sur les réseaux sociaux lors de cette campagne. Une campagne « ignominieuse » que le maire de Bordeaux avait dénoncée dans une interview accordée à 20 Minutes entre les deux tours de la primaire.
Tous les militants juppéistes interrogés par 20 Minutes dimanche affirment y avoir été confrontés lorsqu’ils tractaient ou faisaient du porte-à-porte, jusque dans la dernière ligne droite du scrutin. Pourtant, rien n’a été fait pour diffuser efficacement des démentis. « Nous avons probablement sous-estimé ces attaques, je les jugeais peu crédibles », reconnaît Benoist Apparu.
Tous ces facteurs expliquent en partie pourquoi la stratégie d’Alain Juppé a échoué. Après le premier tour, il était trop tard pour contrer le raz-de-marée Fillon.