Primaire à droite: Mais au fait, elle vient d'où cette image d'un Juppé modéré?
POLITIQUE Le candidat de la primaire à droite semblerait être moins à droite que ses concurrents...
« Il paraît que je suis mou… » Dans ce mardi, torpille l’image que lui colle son adversaire . « L’important n’est pas d’être dur. C’est d’être un vrai dur », répond-il. En 2014 déjà, Nicolas Sarkozy raillait « le candidat de la gauche et des journalistes », au moment où la battait son plein dans les sondages et s’affichait en une des Inrocks et de GQ.
« J’ai toujours été un homme de droite », se défendait début janvier . « Il faut regarder le fond des choses, et sur le fond, je propose des choix clairs », assure-t-il à . Dans son programme, les propositions laissent peu de doute : rétablissement des peines plancher, durcissement des conditions du regroupement familial, retraite à 65 ans, tailles dans les dépenses publiques (85 à 100 milliards) ou suppression de 300.000 postes de fonctionnaires.
D’où vient alors cette image de modéré, qui colle aux basques de l’homme « » depuis le début de la campagne ?
Après l’exil au Canada, la transformation
De son retour , à l’été 2006, après un an d’exil suite à sa condamnation dans l’affaire de la mairie de Paris. « Il y a eu une transformation, fabriquée ou naturelle. Cette tentation revendiquée de ne plus faire de la vie politique a atténué l’image de rigueur qu’il avait donnée en tant que Premier ministre », assure l’historien Jean Garrigues.
Le revenant met largement en scène ce retour sur son blog et . « Alain Juppé souhaitait sortir de l’image de surdoué méprisant en étalant ses cicatrices. Il n’était plus "le meilleur d’entre nous", et donc s’humanisait, avec l’aide de sa femme, une ancienne journaliste politique », précise l’historien. « Il est sans doute revenu ni tout à fait le même ni tout à fait un autre », .
« Il va se servir de Bordeaux, qu’on présente parfois comme une terre de modération »
La mue se poursuivra avec la reprise de sa mairie. « Il va se servir de Bordeaux, qu’on présente parfois comme une terre de modération. Une ville qui vote majoritairement à gauche lors des élections nationales, mais pour lui aux élections locales », remarque Jean Petaux, politologue à Sciences Po Bordeaux. Autre élément avancé, son accession au Quai d’Orsay en 2011. « Le ministre des Affaires étrangères a traditionnellement une bonne image dans l’opinion, de diplomate et de conciliateur. Ça lui a permis d’effacer la personnalité de l’homme des grandes grèves de 1995 ».
« Il y a aussi une question de forme. Une manière de faire », poursuit le spécialiste. « Alain Juppé n’est pas un adepte des petites phrases, ce n’est pas un sniper. Cette image de modéré s’est construite ainsi, par petites touches, comme un tableau impressionniste ».
L’alliance au centre et l’antisarkozysme
Une autre raison, plus politique, est son alliance avec le centre. « Son programme revendique la fermeté et la radicalité. Mais à partir du moment où il choisit d’ouvrir vers le centre, il marque une inflexion politique », note Jean Garrigues. « Cette image plus modérée vient aussi de son concept d’, qui le rattache à l’héritage chiraquien et lui emprunte un peu de sympathie ».
La stratégie du maire de Bordeaux vise un adversaire précis. « Sur des points symboliques, comme l’identité, il s’est présenté comme antisarkozyste. Tout était construit pour un duel avec l’ancien président, le calme contre la frénésie, la modération contre la provocation ». Pas de bol, l’adversaire de dimanche sera François Fillon.