Loi Travail : Après quatre mois de lutte, les manifestants continuent de croire à un retrait du texte
REPORTAGE Le mouvement de contestation du projet de loi travail entre dans son quatrième mois. Si certains commencent à douter de l’efficacité des manifestations, nombreux sont ceux qui espèrent avoir le gouvernement à l’usure…
Ils étaient entre 15 000 selon la police et 55.000 selon les organisateurs à répondre présents, ce mardi, à Paris, entre la Place de la Bastille et la Place d’Italie pour une 11ème journée de mobilisation. Dans le viseur, encore et toujours, la loi travail, dont une version endurcie vient d’être validée par le Sénat, et qui doit à présent retourner à l’Assemblée en deuxième lecture dans une semaine. Contrairement à ce que beaucoup de soutiens du mouvement craignaient, cette manifestation n’était pas la dernière avant l’été puisque Philippe Martinez a d’ores et déjà annoncé une mobilisation justement le 5 juillet prochain. Bien qu’il soit difficile de déterminer si le mouvement faiblit ou prend de l’ampleur, force est de constater que celui-ci continue d’exister. Même si l'exécutif martèle que la loi Travail ira « jusqu’au bout ».
« Si on stoppe le mouvement, les ministres vont se dire qu’ils ont gagné la partie »
Malgré leur persévérance, certains manifestants s’interrogent sur l’efficacité de leur mode de protestation. C’est le cas d’Agnès, 52 ans et au chômage. « On est là car si l’on stoppe le mouvement, les ministres vont se dire que c’est bon, ils ont gagné la partie. Mais ça ne veut pas forcément dire que c’est en défilant que nous allons gagner, nous », explique-t-elle, presque fataliste. Pour continuer à ne pas perdre, il faudra donc poursuivre le mouvement, même pendant les vacances d’été. « Je fais confiance au génie créatif du syndicalisme et de la jeunesse. On peut imaginer des actions sur les réseaux sociaux ou sur les plages pour nourrir la contestation », se réjouit Vincent.G., représentant de la CGT en Essonne.
Grèves et blocages restent les meilleurs moyens de faire barrage à la loi travail
Représentant de Force Ouvrière dans le Val d’Oise, Vincent Vilpasteur continue de défiler tout en estimant que « les meilleurs moyens de lutter [contre la loi El Khomri] restent les grèves, les blocages. On n’était pas loin de réussir quelque chose avec les blocages des raffineries et les grèves à la SNCF, mais on n’a pas été assez suivis », précisant que « si la protestation prend la forme de manifestations, c’est que la précarité des travailleurs et leur peur de perdre leur emploi les empêchent aussi de s’engager [dans des mouvements de grèves à long terme]. » Frédéric, responsable autoroutier, ajoute, en outre, que « toutes les entreprises n’ont pas de représentation syndicale suffisante pour faire le nombre et s’ajouter à un mouvement de grève global. »
« Je ne suis pas fatigué, je peux encore manifester pendant longtemps »
Mais pour certains, un retrait de la loi travail pourrait venir du Parlement. « On a bon espoir de voir une éventuelle motion de censure de gauche à l’initiative des frondeurs, recueillir cette fois-ci une majorité de voix », lance Mathieu. « De toute façon, c’est à peu près la seule chose que l’on peut espérer d’un point de vue politique vu que Manuel Valls a dit qu’il passerait encore en force avec le 49-3 », peste quant à lui Frédéric, faisant référence au retour en deuxième lecture du projet de loi à l’Assemblée.
Vincent.G. refuse de parler du recours parlementaire comme d’un « dernier espoir », et n’est pas le seul. « Il ne faut pas oublier que 2017 approche et que même si on admet que la loi passera en deuxième lecture à l’Assemblée en juillet, le chemin pour qu’elle soit mise en application reste long », martèle Elise, 23 ans, et étudiante en droit. Bref, dans les rangs de la manif’contre la loi El Khomri, on joue la montre dans l’espoir de voir arriver le but salvateur dans les arrêts de jeu. « J’étais déjà là en 2005, pour protester contre le CPE », sourit Frédéric. « La loi avait été adoptée, et Dominique de Villepin avait fini par revenir sur ses pas face à l’ampleur de la protestation. Le schéma peut se reproduire. » Et de conclure que « oui, ça fait quatre mois que je manifeste, mais je ne suis pas fatigué. Je peux encore manifester pendant longtemps. »