Déchéance de nationalité: Le récit d'un naufrage

LOI Après des mois de débats, François Hollande a enterré, mercredi, la réforme constitionnelle...

T.L.G.
Le président François Hollande devant le Parlement réuni en Congrès le 16 novembre 2015 à Versailles
Le président François Hollande devant le Parlement réuni en Congrès le 16 novembre 2015 à Versailles — AFP

La déchéance de nationalité fait pschitt. Après plusieurs mois de débats, François Hollande a tranché. « J’ai décidé de clore le débat constitutionnel ». Le chef de l’Etat a annoncé ce mercredi qu’il renonçait à la réforme constitutionnelle annoncée en novembre, qui comprenait notamment l’extension de la déchéance de nationalité. Retour sur cette mort à petit feu.

16 novembre : L’annonce au Congrès

- AFP

Trois jours après les attentats de novembre, François Hollande convoque le Congrès à Versailles. Le chef de l’Etat annonce solennellement une réforme symbolique : l’élargissement de la déchéance de nationalité pour l’ensemble des binationaux, même ceux nés Français condamnés pour terrorisme. La droite applaudit. A gauche, c’est le malaise. Certains estiment que la mesure créerait « deux catégories de citoyens ». L’initiative est également critiquée par le Défenseur des droits Jacques Toubon.

22 décembre : Première salve de Christiane Taubira

- KENZO TRIBOUILLARD AFP

Alors que le débat continue d’agiter la gauche, Christiane Taubira lâche une petite bombe dans un entretien accordé à une radio algérienne : « Le projet de révision constitutionnelle qui sera présenté en conseil des ministres mercredi ne retient pas cette disposition ». La garde des Sceaux estime par ailleurs, à titre personnel, que la déchéance « posait un problème de fond sur le principe fondamental qu’est le droit du sol ».

23 décembre : Présentation en conseil des ministres, Manuel Valls rectifie le tir

- Eric Feferberg/AP/SIPA

Le lendemain, la ministreest démentie par Manuel Valls. Le texte présenté en Conseil des ministres mentionne la déchéance de nationalité pour une « personne née française qui détient une autre nationalité (…) lorsqu’elle est condamnée pour un crime constituant une atteinte grave à la vie de la Nation ».

Quelques jours plus tard, Christiane Taubira persiste et signe. Cet élargissement n’est « pas souhaitable » car son « efficacité » est « absolument dérisoire », estime-t-elle. Le Premier ministre la rappelle à l’ordre. « Il n’y a qu’une seule ligne possible, c’est celle qui avait été définie par le Président de la République ».

27 janvier 2016 : Le tour de passe-passe du gouvernement

- STEPHANE DE SAKUTIN / POOL / AFP

Après moult tergiversations, l’exécutif tranche. L’extension de la déchéance de nationalité sera bien inscrite dans la Constitution, mais « aucune référence » aux binationaux ne figurera dans le texte. Dans le même temps, Manuel Valls annonce que la France ne créera pas d’apatrides. En pratique, la déchéance se limite donc bien aux seuls binationaux, même s’ils ne sont pas nommés. Peu avant l’annonce, Christiane Taubira démissionne en invoquant un « désaccord politique majeur ».

10 janvier : Vote à l’Assemblée


Après cinq jours de débats, les députés votent pour le projet de révision constitutionnelle (317 pour, 199 contre, 51 abstentions). 83 députés socialistes ont rejeté le texte. Manuel Valls se dit « convaincu » que le texte sera « adopté par une majorité au Congrès » à Versailles.

22 mars : Le Sénat change le texte, et l’enterre

- ALAIN JOCARD AFP

Le Sénat à majorité de droite adopte le projet (178 voix pour, 159 contre, 11 abstentions). Mais en réservant la déchéance de nationalité aux seuls binationaux, les parlementaires lui portent un coup fatal. Pour aller au Congrès, le texte doit avoir été voté dans les mêmes termes par les deux chambres. « Pourquoi reprocher au Sénat d’être fidèle aux engagements du président de la République ? », ironise alors le patron des sénateurs LR Bruno Retailleau.

30 mars : La fin du feuilleton

- STEPHANE DE SAKUTIN POOL

« J’ai décidé, après m’être entretenu avec les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat, de clore le débat constitutionnel », annonce sans surprise François Hollande. Le président reconnaît qu’« un compromis paraît hors d’atteinte » et accuse la droite. « Je constate aussi qu’une partie de l’opposition est hostile à toute révision constitutionnelle », oubliant de mentionner que le débat a déchiré la gauche.