Les quatre années mouvementées de Christiane Taubira à la Justice
BILAN L'ex-garde des Sceaux n'a pas fait l'unanimité au sein de son ministère...
« Parfois résister c’est rester, parfois résister c’est partir. » Cette fois, le départ est acté. Christiane Taubira a remis sa démission à François Hollande ce mercredi. « Elle aura mené avec conviction, détermination et talent la réforme de la Justice et joué un rôle majeur dans l’adoption du mariage pour tous », a salué le chef de l’Etat dans un communiqué. Retour sur les quatre années mouvementées de l’ex-députée de Guyane au ministère de la Justice.
Des procès en « laxisme »
A peine nommée, la garde des Sceaux s’attire les foudres de la droite et de l’extrême droite. Régulièrement, ses adversaires politiques intenteront à la ministre des procès en « angélisme » et en « laxisme ». En mai 2014, ses détracteurs l’accusent de ne pas avoir chanté la Marseillaise lors d’une cérémonie officielle et demandent sa démission. A chaque fois, la ministre répond avec emphase ou humour.
En juin dernier, elle déclenche les rires de l’Assemblée, en se moquant du député LR Eric Cioti. « J’avoue que malgré toutes ces années passées, vous conservez pour moi quelque chose de mystérieux. Je me demande si, lorsque vous affirmez certaines choses, vous y croyez vraiment. Si c’était du temps de ma fringante jeunesse, j’aurais supposé un sentiment contrarié. »
Une icône de la gauche, combative
Cette aisance oratoire fait de la ministre une icône de la gauche, notamment lors des débats sur le mariage pour tous. A la tribune, elle force l’admiration de ses adversaires. Combative, elle parle sans notes, argumente, déclame même des poèmes de Léon-Gontran Damas ou René Char. Même Christian Jacob, chef de file des députés UMP, lui reconnaît un « vrai talent oratoire ».
Sous le feu des projecteurs, Christiane Taubira est aussi la cible d’attaques racistes de membres du Front national et des partisans de la Manif pour Tous. « Que les racistes le sachent, je vis et je vivrai. Et je tiendrai. Qu’ils multiplient leur violence par un million, je tiendrai encore. »
Son tempérament fait des vagues, aussi, au sein du gouvernement. Dès mai 2012, elle entretient une relation tendue avec Delphine Batho, place Vendôme. Un mois plus tard, la ministre déléguée à la Justice sera « mutée » à l’Ecologie. A l’été 2013, l’atmosphère se gâte avec Manuel Valls, alors à l'Intérieur. Les deux ministres s’opposent sur la réforme pénale de la garde des Sceaux. Des lettres adressées au président de la République fuitent dans la presse, obligeant l’Elysée et Matignon à arbitrer publiquement le débat.
Opposée à la déchéance de nationalité
Manuel Valls et Christiane Taubira à Paris le 18 novembre 2015 - STEPHANE DE SAKUTIN POOL
Sa liberté de ton agace régulièrement l’exécutif. A l’été 2014, la ministre de la Justice créé l'événement avec une visite « surprise » aux frondeurs lors de l’université du PS. Mais refuse de quitter le gouvernement. « Vous êtes une bande de nuls, vous faites n’importe quoi ! Ne comptez pas sur moi ! » lancera-t-elle à Arnaud Montebourg et Benoît Hamon, venus lui demander de partir avec eux. A chaque remaniement, la rumeur d’un départ enfle. Dernier sujet polémique : la déchéance de nationalité.
Christiane Taubira, affirme à plusieurs reprises son hostilité à la réforme… qu’elle est initialement censée défendre devant le Parlement. Sa présence au gouvernement ne tenait plus qu’à un fil. Le voilà rompu. « Un ministre, ça ferme sa gueule. Et si ça veut l’ouvrir, ça démissionne », déclarait Jean-Pierre Chevènement. Christiane Taubira est désormais libre de l’ouvrir.