Attentats en France: L’UMP veut rétablir le «crime d’indignité nationale» pour les terroristes

JUSTICE Cent mille Français avaient été frappés par cette mesure au lendemain de la Seconde Guerre mondiale pour avoir collaboré avec l’Allemagne nazie…

Vincent Vanthighem
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Le siège de l'UMP, rue de Vaugirard (15e), le 10 mars 2013.
Le siège de l'UMP, rue de Vaugirard (15e), le 10 mars 2013. — WITT/SIPA

La mesure n’a été appliquée qu’à deux occasions: la Révolution française et la Seconde Guerre mondiale. L’UMP a proposé, mercredi soir, de rétablir le «crime d’indignité nationale» dans une liste d’une douzaine de propositions censées lutter contre la menace terroriste en France (lire l’encadré).

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«Dans l’histoire française, cette mesure n’a été mise en place que quand des Français utilisaient des armes contre la France, confie Serge Grouard, le député-maire (UMP) d’Orléans, qui soutient cette mesure. Nous sommes dans ce cas de figure. Je ne vois pas ce qu’il y a de choquant…»

Professions interdites, biens confisqués…

Mesure de circonstance, «l’indignité nationale» avait été mise en place en France au lendemain de la Libération. Elle visait alors à punir les Français coupables d’avoir collaboré avec l’Allemagne nazie. «On a beaucoup insisté sur les condamnés à mort et les femmes tondues mais 100.000 Français ont également été frappés d’indignité nationale, explique Anne Simonin, chercheur en histoire au CNRS et auteur d’un ouvrage sur le sujet*. A l’époque, cette peine était vécue comme quelque chose de très sévère.»

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Apologie de l’Allemagne nazie, propos racistes et surtout antisémites, l’indignité nationale visait aussi ceux reconnus coupables d’avoir «nui à la fraternité nationale», selon Anne Simonin. Et les peines étaient sévères. «La personne condamnée se voyait refuser l’accès à un certain nombre de professions, comme professeur, militaire et à des fonctions comme syndicaliste, décrypte l’historienne. Surtout, il voyait ses impôts majorés, ses biens confisqués et pouvait être interdit de résidence…»

«250 djihadistes en moins à surveiller»

C’est surtout ce dernier point qui intéresse l’UMP. Face à la difficulté de mettre en place la déchéance de nationalité pour les Français reconnus coupables de terrorisme, le parti de Nicolas Sarkozy aurait trouvé là un moyen de se débarrasser des djihadistes. «Sur les 1.200 Français qui sont ou ont été en Syrie, 250 cherchent actuellement à rentrer chez nous, poursuit Serge Grouard. Avec cette mesure, ils ne pourraient pas revenir sur le territoire. Cela ferait tout de même 250 personnes de moins à surveiller!»

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Seul problème, l’indignité nationale a été conçue à l’époque comme un bloc de mesures indivisible. «Il s’agissait de peines globales, raconte encore Anne Simonin. Si l’on transpose à la situation actuelle, cela voudrait dire que ceux qui font l’apologie du terrorisme pourraient également être interdits de résidence, tout comme les terroristes.» Serge Grouard ne nie pas le problème. «C’est sûr qu’il faudra faire attention où placer le curseur. Mais renoncer à cause de ça serait un aveu d’impuissance.»

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Ça tombe bien: Philippe Meunier, député (UMP) du Rhône n’est pas du genre à renoncer. Après avoir essuyé un premier échec en décembre, il a ressorti des cartons sa proposition de loi qu’il avait rédigée sur le sujet. «Christian Jacob [patron des députés UMP] m’a dit qu’elle serait inscrite dans le cadre d’une niche parlementaire de l’UMP, confie-t-il à 20 Minutes. J’ose espérer que, cette fois, nous aurons le soutien de la majorité et du gouvernement.» Pourquoi pas! pense Anne Simonin. «A condition que cette idée intelligente ne se transforme pas en loi scélérate!»

*Le déshonneur dans la République. Une histoire de l’indignité 1791-1958 (Editions Grasset, 2008)

Les propositions de l’UMP

Dans la liste du parti de droite, figure notamment «le retrait ou la déchéance de nationalité pour les terroristes binationaux». En ce qui concerne la prison, l’UMP propose de créer des «centres de déradicalisation», d’autoriser les fouilles systématiques et d’exclure les possibilités d’aménagement et de réduction de peine pour les faits de terrorisme.