«Nicolas Sarkozy a payé le prix de la peopolisation»

INTERVIEW Christian Delporte, historien spécialiste de la communication politique, analyse les conséquences de la médiatisation de la vie privée de Nicolas Sarkozy, alors que Rachida Dati lui a conseillé ce lundi de jouer la carte de la discrétion...

Carla Bruni Sarkozy et Nicolas Sarkozy, le 6 mai 2012 à Paris.
Carla Bruni Sarkozy et Nicolas Sarkozy, le 6 mai 2012 à Paris. — BERTRAND LANGLOIS / AFP

«Nicolas Sarkozy ne devrait plus parler de lui ou de sa vie personnelle» pendant ses meetings en vue de l'élection à la présidence de l'UMP, lui a conseillé ce lundi dans Le Parisien, Rachida Dati, député européenne UMP.

Un avis partagé par Christian Delporte, historien spécialiste de la communication politique, qui explique à 20 minutes en quoi l'image politique de l'ancien président a été écornée par la surexposition de sa vie personnelle.

Nicolas Sarkozy a-t-il trop joué la carte de l'intimité lorsqu'il était président?

Assurément. Sa romance avec Carla Bruni a été relayée par tous les médias et il l'a même évoquée en conférence de presse. Mais, il a payé le prix de cette peopolisation et s'est rendu compte qu'elle lui était préjudiciable. La preuve: lors de la campagne de 2012, Carla Bruni a été discrète.

Quelles en ont été les conséquences néfastes?

Il existe une certaine hypocrisie chez les Français: d'un côté, ils s'arrachent les magazines people, mais d'un autre, ils rejettent la peopolisation de la vie politique. Ils estiment que le président de la République doit d'abord s'occuper de leurs problèmes quotidiens. D'autant qu'en période de crise, le malheur des Français ne peut pas se refléter dans le bonheur privé des politiques. Selon eux, si la vie privée d'une personnalité politique prend trop de place, c'est qu'elle mord sur sa vie publique. Par ailleurs, ils ont encore une idée sacrée du pouvoir. Le président est à leurs yeux un monarque avec sa cour. Voir des photos de Nicolas Sarkozy et de Carla Bruni en maillot de bain, participe à désacraliser la fonction.

Mais le fait d'exposer sa vie privée n'a-t-il pas contribué à humaniser le personnage?

Oui, au début, car lorsqu'il était ministre de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy avait une image brutale. Or, pour durer en politique, il est indispensable de nouer un lien affectif avec les Français. En mettant en avant sa famille, il est apparu comme plus sympathique aux yeux des Français. Mais tout est un problème de dosage et l'exposition de sa vie privée est ensuite apparue comme indécente.

Lors de ses premiers meetings saluant son retour en politique, Nicolas Sarkozy a encore évoqué sa femme et sa fille. Va-t-il se laisser aller à nouveau aux confidences?

Le contexte est particulier. Nicolas Sarkozy le fait devant des militants, au sein de sa famille politique avec lequel il se sent en pleine confiance. Cela ne signifie pas qu'il continuera dans cette voie s'il est élu président de l'UMP. Car cette attitude pourrait signifier qu'il n'a pas changé, alors même qu'il veut apparaître comme un homme neuf.

En quoi l'image de sa femme pourrait le desservir?

Un sondage montrait que les Français avaient plutôt une bonne image de Bernadette Chirac et plutôt une mauvaise opinion de Carla Bruni. Sans doute parce qu'elle leur paraît froide et qu'ils ne peuvent pas s'identifier à elle. Son image de bobo parisienne du show-biz est loin de leurs préoccupations quotidiennes...

Le livre de Valérie Trierwieler a-t-il renforcé le rejet de la peopolisation des politiques par une partie de l'opinion publique?

Oui, et cet épisode devrait dissuader les personnalités à utiliser leur vie privée à des fins politiques. Car même dans le cas de François Hollande, qui a essayé de la protéger, l'effet boomerang a déjà été fort. Alors pour un autre politique qui aurait tendance à surexposer son intimité, les conséquences pourraient être encore plus lourdes...